Lancelot, chevalier errant et justicier, arrive dans une petite ville silencieuse, dans une maison silencieuse. Le chat lui apprend que la ville est sous l’emprise d’un terrible dragon depuis des centaines d’années. Ce dragon réclame chaque année qu’une jeune fille lui soit livrée en tribut. Et cette année, le sort a désigné la jolie Elsa. Tous sont résignés, et Elsa elle-même attend la mort avec sérénité. Ils sont même reconnaissants au dragon pour son aide d’autrefois. Il les protège d’ailleurs toujours contre les autres dragons. Mais Lancelot ne voit pas les choses ainsi: séduit par la jolie Elsa, il décide d’affronter le dragon.
Allégorique de bout en bout, cette pièce décrit l’emprise de Staline sur les populations et surtout, sur leurs esprits. Evidemment, il est très difficile de lui trouver un intérêt lorsqu’on n’en a pas les clés. C’est ce qui est dommage avec ces théâtres de l’absurde. J’avais déjà lu Rhinocéros de Ionesco qui utilise les mêmes ressorts. Mais ici, je n’ai pas retrouvé la puissance évocatrice du malaise que Ionesco parvenait à insuffler à sa pièce. Je n’ai donc pas été spécialement sensible au double sens et je pense que cette pièce gagne à être représentée, notamment parce que le dragon apparaît sous plusieurs apparences, notamment humaine, et que le jeu sur ces apparences peut être poignant visuellement.
La pièce ne manque pas cependant de passages qui exploitent habilement l’absurdité des régimes totalitaires. Je pense notamment à la bataille avec le dragon pendant laquelle Lancelot a le dessus, comme en témoigne les têtes du dragon qui tombent au sol, alors que les émissaires qui commentent le combat affirment à la foule que le dragon est vainqueur. Elle sait aussi maltraiter la fable du conte de fée, notamment lorsqu’après la chute du dragon, l’arrivée d’un nouveau dragon est une chose bien plus aisée qu’il n’y paraît. La pièce se lit donc bien, est pleine de sens, mais il lui a manqué un peu de souffle pour moi.
La note de Mélu:
Un message intéressant mais une forme qui ne m’a pas convaincue.
Un mot sur l’auteur: Evgueni Schwartz (1896-1958) est un dramaturge russe. Ses pièces ont été interdites par le régime soviétique.
catégorie “animale”