Les résidences d’artistes se sont beaucoup développées ces dernières années, y compris dans la Caraïbe.
Elles concernent toutes les disciplines de la création artistique, spectacle vivant, littérature, cinéma, arts visuels mais il existe aussi des résidences de commissariat d’exposition, de critique d’art, de théorie et d’histoire de l’art. Elles peuvent être de nature différente : résidences de création, de recherche, de production, de médiation.
La résidence repose sur un principe d’échange : l’artiste – résident a ainsi l’occasion d’expérimenter, de concevoir, de produire dans un contexte nouveau et avec des moyens techniques, logistiques, humains inhabituels. Pour la structure d’accueil, les objectifs sont nombreux : favoriser la création ou la diffusion, enrichir le patrimoine. Comme l’indique le titre de Caribbean Linked II, l’essentiel réside cette fois dans la création et le maintien de liens entre artistes de la Caraïbe.
Du 24 Août au 6 Septembre 2013, les Ateliers 89 et la Mondriaan Foundation, en partenariat avec ARC Inc. et Fresh Milk Inc., ont mené à bien une résidence de création Caribbean Linked II, à Oranjestad, à Aruba.
Ateliers 89
Omar Kuwas (Curaçao), Veronica Dorsett (The Bahamas), Mark King ( Barbade), Shirley Rufin (Martinique), Sofia Maldonado (Porto Rico/US), Dhiradj Ramsamoedj (Suriname), Rodell Warner (Trinidad & Tobago), Robin de Vogel, Kevin Schuit et Germille Geerman (Aruba) ont participé à cette résidence . Les artistes sélectionnés ont été choisis conjointement par Annalee Davis, Holly Bynoe et Elvis Lopez.
De Martinique à Aruba, quel a été ton circuit ?
Pour me rendre à Aruba, il a fallu que je fasse une demande d’ESTA, une sorte de VISA pour atterrir sur le sol Américain car j’ai dû transiter à San Juan puis à Miami pour enfin arriver à destination. Ce qui représente un long voyage de douze heures mais cela valait la peine.
Quels étaient les objectifs et le programme de ces résidences ? Y avait – il une thématique pour l’ensemble du groupe ou chacun était – il libre de créer ?
Le premier Caribbean Linked a eu lieu en octobre 2012. C’était un projet en partenariat entre Fresh Milk et les Ateliers ‘ 89. Il a réuni ‘ARC Magazine et deux conservateurs indépendants de l’Espagne et New York L’initiative, s’est concentrée sur la construction de communauté et sur l’échange. A la suite de cette première expérience, les Ateliers ‘ 89 privilégient des projets en collaboration avec de jeunes créateurs de la Caraïbe et sa diaspora.Les artistes sont invités à rencontrer, à se réunir aux Ateliers ‘ 89, pour produire et concevoir une exposition en s’engageant dans le dialogue par leur pratique et aussi rencontrer des artiste locaux.
Les oeuvres de Shirley Rufin exposées à Aruba
Comment était organisée cette résidence ?
Avant mon départ, j’ai reçu l’itinéraire et le programme au jour le jour de la résidence. Les éléments étaient très clairs et l’organisation très détaillée. Sur place cela a été très facile de trouver ses marques car les Atelier’89 sont très bien situés et Elvis a pris le temps de nous faire visiter quelques endroits qui nous ont été utiles par la suite, tels que Xerox, le supermarché, Le centre Copy Plus , le Coffee shop et bien d’autres. Pour les visites des ateliers des artistes d’Aruba, nous étions tous ensemble mais pour le reste nous étions autonomes. Le soir après le dîner, deux artistes devaient présenter pendant vingt minutes leur pratique et leur parcours. Cela a permis d’orienter les différentes propositions et démarches pour la résidence et les centre d’intérêts de chacun.
Shirley Rufin
Linked III
Les œuvres créées ont-elles été ensuite exposées?
A la fin de la résidence, il y eu une exposition qui restera dans les locaux des Ateliers’89 pendant deux mois afin que l’on puisse voir le travail réalisé durant ces deux semaines et surtout je pense montrer le potentiel de ce type de démarche et continuer dans cette voie afin de d’unir les différentes îles dans une expansion commune.
Créer dans son atelier ou créer en résidence partagée, est – ce très différent ? Quel impact cela a – t-il eu sur ta démarche et tes créations ?
Il y a une énorme différence car j’ai dû changer mon mode fonctionnement et mon support tout en gardant l’identité et la particularité de mon travail. Généralement, je suis seule dans mon labo et là je me suis retrouvée avec neuf autres personnes dans un même espace et j’ai travaillé avec un outil numérique, ce qui change énormément de choses dans mon processus de création. Il a fallu repenser le support et créer par rapport au lieu ce qui a été un vrai challenge et un outil de stimulation. Mon travail s’est nourri de tout ce qui m’entourait et de mon ressenti vis-à-vis du lieu. Les œuvres ont été imprimées sur un support Backlight, qui possède une certaine transparence nécessaire à l’ambiance de mes pièces. J’ai pu changer le format car ces supports mesurent 130 x 200 cm. Cela m’a permis d’envisager certaines évolutions pour mes prochaines créations.
Shirley Rufin
Linked VI
Veux-tu bien partager ta découverte du milieu artistique d’Aruba?
Oui avec grand plaisir, voici le texte que j’ai envoyé à Holly et à Analee pour le partage du compte rendu de chaque Artiste sur le site d’ArcMag. Il y a également des photos sur le site d’Arc Magazine et de Fresh Milk.
« Caribeean Linked II une belle expérience pleine de rencontres, de bons moments, de fous rires, de danse mais surtout de complicités et de création.
Ces deux semaines passées sur l’île d’Aruba à l’atelier 89 ont été deux semaines de folie et de pur bonheur. Cette opportunité m’a permis de rencontrer Elvis Lopez, un artiste et avant tout une personne magnifique et pleine de gentillesse, des artistes tel que Nelson Gonzalez, Ciro Abath et sa femme, Glenda Helyiger , Osaria Muyale , Ryan Obuder Alydia Wever, mais j’ai surtout rencontrer neuf artistes très talentueux qui représentent magnifiquement leur pays et leur média.
Ce séjour sur « one happy Island » a été très enrichissant car cette île est très proche de la Martinique à travers son climat, sa population mais en même temps très différente par sa végétation et ses coutumes et surtout sa langue. J’étais la petite française du groupe et j’ai tout découvert en oubliant ce que je sais et connais pour apprendre à tout voir avec un œil neuf et plein de curiosité.
Le lendemain de notre arrivée nous avons pu assister au vernissage organisé par Elvis et Nelson Gonzales ce qui nous a mis directement dans le bain de la curiosité et de la création. Les jours de marche dans la ville pour découvrir ce nouvel endroit en compagnie de Sofia aka Miss Puerto Rico , Mark aka Mister Barbados ,Rodel aka Mister Trinidad & Tobago, Omar aka Mister Curaçao aka Shaggy et Veronica aka Miss Bahamas aka Scooby m’ont permis de voir des choses qui m’ont inspirée. Ensuite il y a eu l’arrivée de Diradj aka Mister Surinam, Robin Miss Aruba, Germille et Kevin aka Mister Aruba, ce qui a compléter le tableau des rencontres et de la découverte que ce soit au niveau humain et artistique. Chacun d’entre nous a su s’encourager et se soutenir en s’intéressant au travail de tous. Partage de longs déjeuners, de dîners improvisés mais de sorties aussi. Un aperçu du mode vie de chacun, du carnaval du jeudi de San Nicolas et particulièrement du Bushi’s grâce à Glenda qui avec son piquant a su nous faire rire et passer un moment inoubliable.
Ce fut un réel plaisir de pouvoir partager des points de vue et des idées avec chacune des personnes présentes lors de cette résidence.
Les personnages de
Dhiradj Ramsamoedj
Pour représenter tout cela j’ai décidé de faire une proposition plastique en ayant comme leitmotive la notion de connexion. Ce qui m’a le plus interpellée sur cette île, ce sont les arbres dénudés mais pleins de grandes branches dans tous les sens ; les mots : création, lien, connexion, représentation, arbre, vie, interaction, ressemblance, différence apport, opportunité, rencontre, culture, expansion et bien d’autres m’ont permis de concentrer sur une proposition photographique composée de quatre pièces présentant quelque chose d’organique avec des Fragments de le nature agencés pour recréer une figure humaine . Les racines utilisées sont évoquées la notion de terre, d’enracinement et de relation au lieu où nous sommes. J’ai voulu travailler avec les éléments présents sur place et les supports disponible afin de ne pas juste faire une copié collé de mon travail ce qui a été très fastidieux et plein d’incertitude concernant mes tirages mais au final le résultat a été satisfaisant et enrichissant.
Un séjour de travail mais surtout de cohésion d’aide d’inspiration collective et de soutien. Cette capacité d’émulation est quelque chose qu’il faut entretenir et garder pour toujours aller plus haut et progresser. »
Texte de Shirley Rufin publié sur le site d’ARC Magazine
Interview de Dominique Brebion