Sortons un instant ce blog de sa bienheureuse somnolence et apprenons ensemble à faire une bonne feijoada, un plat qui mettra de la samba dans vos cœurs (parce qu'il est brésilien, et on ne peut pas sur internet parler de Brésil sans parler de samba, c'est dans le contrat du blogueur). Etant donné que c'est un plat à base de chou et de haricots, la samba risque de descendre aussi un peu plus bas dans votre abdomen (*).
Pour une feijoada de bon aloi, munissez-vous d'un oncle cuisinier portugais. Il n'est pas nécessaire qu'il soit petit, velu et doté d'un lumbago, mais cela ne peut sans doute pas nuire et je vous avoue que je ne saurais faire autrement.
Pour commencer, faites-lui revenir oignons et lardons (4 petits oignons ou deux gros, 200 gros grammes de lardons ou de poitrine fumée) dans une cocotte minute qu'une tante revêche qui sent la cigarette (**) se chargera de remuer de temps en temps entre des coupages de lanières de chou (voir plus bas).
Concassez huit tomates que vous aurez pelées préalablement à l'aide de ce magnifique engin qu'est l'épluche-tomates Victorinox (Victorinox, qu'est-ce que ça roxx), ou si vous ne pouvez faire autrement, prenez une boîte de tomates pelées. L'oncle portugais étant notoirement fainéant et de mauvaise foi, il tentera sans doute de prendre des tomates en boîte et de faire croire à vos lecteurs qu'il s'agit de véritables tomates du jardin de M. Le Tron, maraîcher bio de l'île de Bréhat (cultivées par Virginie, à qui je dois encore des excuses pour lui avoir envoyé une carafe d'eau dans la figure en 2005 et fait croire que mon stage en exploitation agricole s'était déroulé dans un élevage de yaks à Kuala Lumpur au Tibet).
Coupez en lanières une dizaine de feuilles de chou non pommé (idéalement chou portugais de la variété cavalero). Que vos lanières soient fines et pas trop longues (5mm x 4cm), sans quoi votre plat sera nul et non avenu. Attention, ça prend du temps. N'oubliez pas de remuer vos lardons et vos oignons. Vous avez le droit de mettre à contribution une ou deux tantes qui auraient eu la mauvaise idée de traîner dans la cuisine.
Coupez la viande en petits morceaux. N'importe quel morceau de porc fera l'affaire, vous pouvez admirer ci-dessus du filet mignon de porc coupé en petits morceaux à côté des lanières de chou (il n'y en a pas encore assez). Si vous avez des restes de rôti de porc de la veille, n'hésitez pas, faut pas gâcher c'est péché. Ajoutez la viande dans la cocotte, par-dessus les oignons et les lardons.
Préparez la condimentation : broyez un tas de gingembre (je ne sais pas dans quelle mesure cet aspect de la recette n'est pas lié au retour de ma tata du continent, où elle était partie pour apprendre à devenir instit de maternelle (alors qu'elle a été prof au primaire et directrice de collège, mais la capacité de l'éducation nationale d'utiliser au mieux les compétences des gens n'est pas le sujet de cet article), et ajoutez du laurier et du poivre pour faire joli sur la photo, ainsi qu'un peu d'ail (4 gousses) très grossièrement haché. Ne les mettez pas dans la cocotte tout de suite, malheureux ! C'était pour la photo.
Une fois que la viande est un petit peu dorée (moins crue, en tous cas), vous pouvez y aller en toute sérénité et tout balancer dans la cocotte.
(pendant ce temps, les coupeurs de chou s'énervent, parce qu'ils sont toujours sur leur ouvrage)
Si vous avez été prévoyants, vous aurez eu la bonne idée d'acheter des haricots noirs Compal à l'intermarché de Brest, ou si vous avez été prévoyants et citoyens, chez le petit arabe du coin (sauvez les petits commerces). Sinon, vous pouvez vous arrêter tout de suite et tenter de transformer votre mixture en sauce pour les spaghetti. (Normalement, ce devrait être des haricots noirs secs que vous aurez laissé tremper toute la nuit, mais on en trouve apparemment peu en France.)
Videz les deux boîtes de haricots avec leur jus dans la cocotte de la viande. Vous pouvez rajouter un peu d'eau de rinçage des boites, pour ne pas perdre tout le bon bisphénol du revêtement.
Rajoutez ensuite la tomate fraîche concassée dans la cocotte encore (si vous avez choisi de la tomate pelée en boîte, ne mettez pas tout le jus, juste les tomates. Mais vous n'aurez pas fait ce choix honteux, n'est-ce pas ? Le cuistot me fait remarquer que vous pouvez utiliser le jus de tomates pour faire un bloody mary).
Goûtez et rajoutez du poivre sauf s'il y en a assez, et pareil pour le reste des condiments.
Couvrez (pas en mode cocotte-minute, heing) et laissez cuire à peu près une heure à petits bouillons glou-glou.
N'écoutez pas la suggestion de votre oncle qui voudrait que vous peliez (en enlevant la peau blanche) une demi-orange par tête de pipe et sortez plutôt peaufiner votre technique à la slackline.
Revenez quand il a fini et exclamez-vous d'un air désolé « ho bon sang, j'avais complètement oublié ! ».
Coupez-les en tranches fines à l'aide d'un couteau PureKomachi rose, parce qu'un homme qui utilise un couteau PureKomachi n'a rien à prouver quant à sa virilité.
Utilisez maintenant une autre casserole pour faire blanchir le chou en lanières (i.e : faites-le bouillir quelques minutes, il doit rester croquant). Et encore une autre pour faire du riz blanc avec des baies roses parce que c'est bon.
Hooo ! Comme c'est beau !
NB : au moment de servir, normalement, on saupoudre les haricots dans l'assiette de farofa (farine de manioc), mais là, on n'en avait pas parce que c'est difficile à trouver en France, mille fois zélas.
(*) Prout. HAHAHA !
(**) ce commentaire n'est là que pour remettre les pendules à égalité avec les autres tantes de la famille qui se sont vues traiter d'acariâtres ainsi que d'un autre adjectif qui m'échappe (séniles ? Je ne sais plus trop) sur ce blog vers 2008 et m'en veulent encore. Plutôt que d'admettre qu'elles sont effectivement on ne peut plus cariâtres et qu'en plus elles ont accepté de s'occuper de leur neveu de nombreux mois d'été durant, je préfère vexer les autres tantes aussi.