Chronique: Janelle Monae – The Electric Lady

Publié le 14 septembre 2013 par Wtfru @romain_wtfru


(Wondaland Arts Society/Bad Boy Records)

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Elle chante merveilleusement bien, est belle comme un coeur, a du style, du charisme, des références et sait s’entourer (chaperonné par Big Boi depuis son premier EP en 2007). Quel défaut peut-on trouver à Janelle Monae ? A priori aucun. Même la presse et le public étaient unanimes à son sujet lorsque The ArchAndroid, son premier album, est sorti en 2010. Un opus qui installait la chanteuse d’Atlanta (d’adoption) au top du hiphop de la mouvance néo-psyché-soul avec des instrumentations incroyables sur lesquelles Janelle planait. Un délice.
Et alors que débarque son deuxième bébé, The Electric Lady, c’est sans véritable pression mais avec beaucoup d’envie que l’on appuie sur lecture.

Pas de surprise, ça défonce. Cette nana est au-dessus du commun des mortels et distille de véritables pépites avec une grâce incroyable. Il a suffit d’écouter Q.U.E.E.N avec la reine Erykah Badu ou le « radio rotation » rockabilly Dance Apocalyptic distribués en amont de la sortie pour comprendre que l’on serait une nouvelle fois en face d’un objet fascinant.
C’est très simple, de l’introduction au titre 9 (le sus-nommé Dance Apocalyptic) – sans compter les deux interludes – l’album est tout simplement parfait. Chaque morceau est différent mais chaque morceau est une claque pleine tronche.
On passe du terrible funk-rock de Givin’ Em What They Love au hiphop soul d’Electric Lady ou à la ballade R&B plus traditionnelle sur Primetime et l’effet reste le même. C’est toujours original, toujours parfaitement travaillé et très intelligemment accompagné aussi. Parce que l’on retrouve des invités de tout premier ordre qui s’éclatent tout autant que Monae. Ils ne sont pas là pour jouer au prête-nom, ils ajoutent une véritable plus-value à chaque fois. Il faut dire que lorsqu’on s’appelle Prince, Solange Knowles, Erykah Badu, Miguel ou Esperanza Spalding, on ne vient pas pour trier les lentilles.

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Janelle Monae – Givin Em What They Love (feat. Prince)

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Janelle Monae – Electric Lady (feat. Solange)

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C’est finement réfléchi, avec une ligne directrice qui fait suite à celle du précédent disque et une séparation de l’album en deux actes, marquée par les suites orchestrales IV et V, restant dans le concept de Metropolis qui jalonne sa discographie. La première partie, décrite au-dessus, qui va à cent à l’heure et une seconde plus « posée » (le titre final de la partie 1, Look Into my Eyes fait parfaitement le pont entre les deux), plus classique, et un poil moins bonne, il faut le reconnaître.
Enfin « moins bonne » n’est pas le meilleur terme. Disons que l’on en prend tellement plein les oreilles d’entrée de jeu que lorsqu’elle en vient à calmer le jeu, l’adrénaline retombe et il nous faut un petit temps d’adaptation à cette accalmie. Mais une fois reparti sur nos pattes, on se laisse de nouveau attendrir sur le très Stevie Wonder style Innervisions Ghetto Woman ou l’excellent soulful Dorothy Dandridge Eyes en compagnie d’Esperanza Spalding.

Des influences, il y en a à foison. Jackson, Prince, le rap, le funk, le rock, bribe de bossa nova, la demoiselle ne recule devant rien. Mieux, elle contrôle tout avec une facilité déconcertante. Il n’y a pas une seule seconde du disque où elle faiblit, on reste accroché à ses mots, à sa voix du début à la fin. Et même lorsqu’elle s’adonne à son petit kiff de rapper quelques secondes sur certains titres, Janelle est au-dessus de la mêlée. Les 30 secondes sur Ghetto Woman renvoie 95% du pera français à ses révisions. On a plus connu une artiste tout terrain de pareille envergure depuis Lauryn Hill époque The Miseducation of… La comparaison est osée mais totalement justifiée, vraiment.

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Janelle Monae – Dance Apocalyptic

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Janelle Monae – Ghetto Woman

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Vous voulez connaître le clou du spectacle et demander sa main à Janelle ? Elle participe pleinement à la partie productions de ses titres. Oui, oui. Dans sa démarche, elle est bien aidée par Roman GianArthur, un tout bon à surveiller de très près (proche de Monae, Solange Knowles, Mayer Hawthorne et même of Montreal) et du duo fou-funk d’Atlanta Deep Cotton qui accompagnait la belle depuis ses débuts et donc sur The ArchAndroid et qui devrait finir par recevoir quelques coups de téléphones bien sentis dans un futur proche.

Dans ce concert de louanges existe tout de même une part d’ombre. Juste pour faire chier, la petite imperfection sur le joli visage: la longueur de l’album. Si les 67 minutes passent relativement vite et avec plaisir sur les très bons morceaux, on sent quand même bien le poids du temps sur les deux, trois titres un peu moins indispensables (Sally Ride par exemple). Il aurait peut être fallu rallonger certaines excellentes pièces et faire une tracklist de 15/16 titres pour éviter ce (vraiment tout) petit problème.

Ce qui est fort, c’est que ce que l’on appelle morceau dispensable ici serait une tuerie sur l’album d’une artiste lambda. Avec The Electric Lady, Janelle Monae ne prouve rien de plus que l’on ne savait déjà, mais parvient à nous contenter pleinement et nous enchanter de tout son talent. Tout juste s’installe-t-elle encore plus dans le fauteuil de reine incontestée de la soul d’aujourd’hui. Venez la chercher.

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Tracklist:
1. Suite IV Electric Overture 1:36
2. Givin Em What They Love (feat. Prince) 4:27
3. Q.U.E.E.N (feat. Erykah Badu) 5:10
4. Electric Lady (feat. Solange) 5:09
5. Good Morning Midnight 1:23
6. Primetime (feat. Miguel) 4:40
7. We Were Rock & Roll 4:20
8. The Chrome Shoppe 1:10
9. Dance Apocalyptic 3:25
10. Look Into My Eyes 2:19
11. Suite V Electric Overture 2:21
12. It's Code 4:05
13. Ghetto Woman 4:47
14. Our Favourite Fugitive 1:24
15. Victory 4:12
16. Can't Live Without Your Love 3:54
17. Sally Ride 4:08
18. Dorothy Dandridge Eyes (feat. Esperanza Spalding) 4:15
19. What An Experience 4:54

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