Réédité au Livre de Poche en 2013 (Prix des lecteurs, catégorie Polars)
Voltaire emménage chez sa nouvelle protectrice, une baronne pingre et solitaire, et qui partage son désamour pour les dogmes de la religion. Cette dernière est retrouvée assassinée dans son lit, d'une façon plus que particulière : Il semblerait qu'on l'ait à la fois empoisonnée, étouffée, étranglée et poignardée, avant d'avoir enfin pu achever la pauvre femme. Le commissaire Hérault ayant d'autres soucis plus importants à régler, voit en la présence de Voltaire dans la bâtisse une solution à ses problèmes. Il lui intime donc de résoudre l'affaire, sans quoi il le fera enfermer à la Bastille pour ses écrits subversifs.
En bref : Des meurtres étranges à l'encontre de personnalités de la noblesse parisienne entachent la quiétude apparente de Paris, pour le plus grand malheur du commissaire Hérault, dont les tâches quotidiennes pour garder la capitale au calme s'accumulent de jour en jour. Peut-être qu'étouffer cette affaire dans l’œuf et ne pas ébruiter qu'un potentiel assassin court les rues de Paris lui serait plus profitable...
"- Allons, messieurs. Dites-nous quelle mort naturelle est résultée de cet assassinat.
Au risque de le décevoir, le chirurgien annonça que la victime n'avait pas succombé à un coup de couteau. Elle avait été empoisonnée, poignardée, étranglée et étouffée, dans cet ordre précis.
- J'en déduis que cette dame avait beaucoup de relations, dit le lieutenant général. Pour lequel de ces sévices vous inscrivez-vous ? demanda-t-il à Voltaire." (p. 75-76)La tentation de déléguer cette affaire, qui pourrait s'avérer plus sérieuse dans le cas d'un tueur en série, est trop forte. La présence de Voltaire, qui a tout à craindre du commissaire et n'en est plus à son premier séjour à la Bastille pour sa plume virulente, est une bénédiction pour le fonctionnaire de police.
"Il ordonna à ses adjoints d'inscrire sur leur rapport que le défunt avait succombé à une fluxion de poitrine. Ce mensonge lui permettrait de gagner du temps ; mais si leur assassin récidivait, le secret ne résisterait pas. Ses fidèles subordonnés n'était que des exécutants sans initiative ni imagination. Pour mener cette enquête avec discrétion et efficacité, il avait besoin d'un homme neuf, de quelqu'un de particulier, dont la façon de penser sorte des sentiers battus, de quelqu'un qui ne raisonnerait pas en policier ; de quelqu'un sur qui la lieutenance générale de police ait prise.
C'était beaucoup demander. Un tel homme existait-il seulement ?" (p. 13)Bringuebalé dans les rues du Paris du Siècle des Lumières, Voltaire tombe fort heureusement sur des personnes bien intentionnées à son égard, si peu nombreuses soient-elles si l'on l'écoute, qui l'aideront à démêler le sac de nœuds que représente cette enquête. Une femme savante et un abbé bien trop gourmand, voilà de quoi faire un large clin d’œil aux écrits du philosophe sur la société de son époque, et l'estime qu'il portait vis à vis de ses congénères, de la noblesse et de la religion.
Se sentant perpétuellement persécuté, notre héros n'a guère le choix que de retrouver le coupable, parmi les très nombreux suspects du meurtre de la baronne : A qui profite le crime ? A de trop nombreuses personnes en l'occurrence, ce qui n'est pas pour lui faciliter la tâche.
"- [...] Aujourd'hui, je suis poursuivi par la peste ! Sauvez-moi !
[...] Il avait raison de croire qu'on en voulait à sa vie.
- Pourquoi ça ?
- Parce qu'il y a toujours quelqu'un qui en veut à ma vie. Ces jours-ci, une ombre rôde sur mes talons.
[...] - Les trois trognes que j'aperçois devant chez nous ne sont pas celles de sélénites.
[...] - Pourquoi ? Qui croyez-vous qu'ils sont ? Une société secrète ? Des tueurs à louer ? Des espions du Grand Turc ?
- Pis que cela. Je crois qu'il s'agit de policiers en service.
- La police ! s'écria Voltaire. Je suis perdu !" (p. 65-66)
Mon avis : A lire absolument ! Ce premier volume d'une saga intitulée Voltaire mène l'enquête se dévore comme une pâtisserie orientale. Frédéric Lenormand, par sa plume survoltée, parvient par je ne sais quel tour, à faire revivre le style satirique de Voltaire, qui n'en serait certainement pas peu flatté, du Panthéon où il repose aujourd'hui.
A tous les amateurs de Candide, ou l'optimisme, La Baronne meurt à cinq heures est de ces ouvrages dont l'humour est si omniprésent, subtile et plein d'esprit, qu'il vous fera pouffer de rire toutes les deux pages.
"Un incident se produisit au beau milieu de la nuit, alors que Voltaire faisait un rêve agréable : il était reçu à l'Académie au nez et à la barbe de trois jésuites, d'un janséniste et d'un chevalier de Rohan, aux acclamations de la foule réunie pour écouter son discours. Curieusement, ses pairs avaient même prévu un petit orchestre, car le nouvel immortel entendait le son peu harmonieux d'un fifre." (p. 27)
Ma note pour ce livre (entre 1 et 5 étoiles) :