"Même
au moment de passer l'arme à gauche, on sera à la bourre."
Cette phrase, signée d'un de mes amis,
m'a inspirant la réflexion que je vous fais partager aujourd'hui. (au passage, je remercie donc ma muse ^^)Le
légendaire bon sens des Africains leur fait dire : "Pourquoi tu
cours, on arrivera ensemble à la fin de l'année, non ?"Impossible
de nier cette vérité. Pourtant, nous courons. Notre société
court. Tout le monde court après le temps, cherche à l'économiser,
à le rattraper lorsqu'il a été perdu, comme si le temps était un
objet ou un animal que l'on pourrait garder en cage. Or le temps
s'écoule, inexorable.Longtemps,
j'ai été fascinée par ceux que je voyais courir le long des
routes, par temps de pluie ou de gros vent. J'ai fini par entendre
parler des endorphines. Les coureurs sont alors devenus pour moi des
drogués un poil radins, qui se débrouillent pour avoir leur dose
sans débourser le moindre kopeck, si ce n'est pour une paire de
pompes. Des shootés à l'agitation, incapables de supporter le
moindre instant d'immobilité.Et
si c'était le contraire ? Si ceux qui courent avaient trouvé
le secret pour être un peu moins esclaves d'un rythme frénétique
sourd à nos besoins naturels ?Guillaume
Le Blanc est un philosophe étrange. En effet, il a questionné et
étudié une activité jusqu'alors méprisée par ses prédécesseurs :
vous l'aurez deviné, la course à pied. Rue 89 a publié un entretien où il survole la pensée développée
dans son ouvrage, Méditations physiques, paru chez Flammarion. Au
journaliste, le penseur explique entre autres : "Assumer
une philosophie de la course, c’est affirmer qu’il y a des
méditations qui commencent très sérieusement avec le corps, dans
le corps et par le corps."Le
corps ne serait donc pas l'ennemi de l'esprit, pas plus que sa mise
en mouvement intense. Evidemment, on n'a pas la même capacité de
réflexion lorsque l'on avale des kilomètres à vive allure, que
lorsque l'on est tranquillement assis dans un fauteuil à oreilles,
un plaid sur les genoux. Mais oxygéner le corps, c'est aussi
oxygéner le cerveau. Fatiguer le corps, cela permet d'évacuer ce
que l'on englobe sous le terme de stress et donc, d'améliorer la
qualité du sommeil. Le sommeil qui est, est-il besoin de le
rappeler, un élément déterminant dans la capacité d'apprentissage
et par ailleurs, un bon conseiller.Courir,
ce n'est pas toujours fuir. C'est même souvent s'aider à trouver un
chemin de vie. Quand on court, on est dans les sensations, dans le
corps, dans le présent. On laisse derrière soi les pensées
parasites jusqu'à faire le vide, un vide nécessaire à la
créativité, à la liberté de décider.Une
fois finie la petite ou grosse foulée, le coureur retourne à sa
vie, son domicile, son travail, ou ailleurs. Il a repris possession
de son corps, "maison de son esprit". Il a expérimenté un effort
délibéré et même, quand celui-ci devenait très important, une
forme de relativité du temps.Les
gens qui courent poursuivent la sensation de vie, laissant de côté
(pour un moment au moins), le souci d'une coiffure parfaite, d'un
teint frais, d'aisselles parfaitement sèches et d'un pantalon
tendance.Ce
faisant, ils mettent en action les mots de Saint Augustin :
"Avance sur ta route, car elle n'existe que par ta marche." (Image tirée du film Cours Lola, cours de Tom Tykwer. Une Lola incarnée par la fabuleuse Franka Potente)