Anaïs s’est violemment débattue pour échapper à la police. Sa jupe est tachée de sang, mais tout ce dont elle se souvient c’est d’un écureuil. Elle est conduite au Panopticon, un centre pour adolescents difficiles, où elle rencontre d’autres gamins. Isla l’anorexique, séropositive et mère de jumeaux, qui pratique l’automutilation et Tash qui l’aime, et se prostitue pour gagner l’argent de l’appartement où elles vivront ensemble. Les garçons sont tout aussi perdus et perturbés, le quotidien oscille entre fugue et défonce. Tous sont des enfants abandonnés, ou pire, par tous les adultes qu’ils ont rencontrés. Les travailleurs sociaux qui les surveillent sont dépassés ou indifférents. Trimbalée de foyers en familles d’accueil depuis sa naissance, Anaïs a l’impression d’être un sujet de laboratoire prisonnier d’une expérimentation. Elle décide de mettre fin à l’expérience et de reprendre sa liberté. Elle a quinze ans, elle est intelligente, belle et insoumise.
Des bras cassés, des vies cabossées, un premier roman fort, âpre, beau. Les phrases sont courtes et incisives. Les pages, incarnées, palpitent. Les mots sont habités par la fureur et par le goût pour la liberté.
Jenni Fagan entre dans l'intime en injectant au langage parlé un style résolument littéraire. Elle manipule le lecteur avec brio. Peut-on vraiment faire confiance à Anaïs pour nous raconter son histoire ? Pas de réponses pour autant, heureusement.
Anaïs est une jeune fille au haut potentiel qui oscille constamment entre la violence de son quotidien et son esprit brillant, résilient. Balancement continuel entre le Panopticon, système totalitaire et les pensées foisonnantes de ce petit bout de femme qui a tout d'une grande. Personnage terriblement attachant, on a envie de connaître Anaïs, d'apprendre d'elle car on sait que le contraire est illusion. On a envie de la suivre dans ses délires poétiques et de visiter Paris avec elle sur un chat volant.
Et puis s'il y a un livre à acheter rien que pour sa couverture, c'est bien celui-ci.
Métaillé, 320 pages, 2013, traduit de l'anglais par Céline Schwaller
Extrait
« Je déteste dire s’il vous plaît, ça me donne l’impression de me rabaisser. Je déteste dire merci. Je déteste dire que j’ai besoin de quelque chose. S’il fallait se lever et demander de l’air tous les jours, je serais déjà morte, putain. »
Les avis de Jérôme et Marilyne