Connaissez-vous le terme “Wigga” ?
Contraction de “White” et “Nigga”, ce néologisme issu de la communauté afro-américaine est censé désigner les blancs qui “joueraient aux noirs”, en épousant tous les codes que la société attend de l’afro-américain moyen. Pour caricaturer (ou pas d’ailleurs), un wigga se croit “Hip Hop” jusqu’à la moelle, parle l’argot des quartiers noirs, ne sort qu’avec des filles noires, n’a que des noirs comme amis, ne mange que de la Soul Food (et tout plat à base de friture). Si on reste dans les stéréotypes, le Wigga, c’est l’équivalent inverse du Bounty (le fameux “noir dehors et blanc dedans“), en fait. Bon bien sûr, le monde n’est pas à voir en blanc et noir. Et bien évidemment, on peut être noir et aimer Vivaldi ou être asiatique et avoir une passion pour le Mafé, sans que cela ne soit considéré comme “une trahison à son appartenance raciale” ou que sais-je encore. Qui plus est, on avance à une allure folle vers le concept de culture globalisée, où savoir les pays d’origine des pratiques devient de plus en plus accessoire… mais on n’y est pas encore. Du moins, pas totalement. Il est donc normal que l’on soit encore un peu étonné de voir par exemple le Prince William faire des pas d’Azonto lors d’une réception à Londres. Ou encore.. cas le plus récent: Miley Cyrus qui twerke.
Oui oui, elle n’est pas la 1ère petite blonde de bonne famille à jouer les Lil’Kim. J’ai même coutume de dire que le meilleur moyen de marcher commercialement aux Etats-Unis, c’est de cibler tout le public urbain en étant assez blanche pour être mainstream au niveau des médias, mais assez afro dans le contenu pour attirer le public. C’est exactement ce que font des gens comme Kim Kardashian, Nicki Minaj, Beyoncé.. ou plus récemment, Britney Spears et Paris Hilton (qui a signé sur le label de Lil’Wayne). Mais dans le cas de Miley, il y a un problème de “dosage”. J’ai comme l’impression qu’elle s’est assise devant Love & Hip Hop ou The Real Housewives of Atlanta (émissions de télé-réalité ciblant la communauté afro-américaine), et qu’elle s’est dit que pour être “cool”, il fallait singer (no pun intended) la noire de service. Une espèce de Rihanna du pauvre, en somme. Le côté “petite bourgeoise qui s’encanaille avec les rappeurs”, on en a vu passer. On sait comment ça va finir. Mais Miley met MAL A L’AISE.
Et c’est sûrement une des caractéristiques les plus marquantes du “Wigga”. On a envie de lui dire “tu sais, t’as pas besoin de faire tout ça pour paraître cool”.
Parce que dans le fond, c’est ça le but, “paraître cool”. Or, ce qui est cool, peu importe le groupe socio-culturel d’origine, doit pouvoir être repris sans que l’on tombe dans le gimmick… qui a souvent pour effet de renforcer les stigmatisations (même si ça part d’un bon sentiment).
Ca m’évoque un passage du bouquin de marketing qui me sert de Bible ces derniers mois… dans lequel, l’auteure explique que les grandes marques ont compris dans les années 90 que “Black is COOL”. Comprenez, faut aller dans les ghettos afro pour prendre la température des tendances urbaines, puis les récupérer, les laver (“blanchir” un peu le discours pour que la masse suive) et le tour est joué”. Les géants de l’habillement sportif, de l’électronique ou même de l’agro-alimentaire ont tellement utilisé cette méthode dans les années 90.. que je croyais que c’était dépassé à l’heure actuelle…
Puis j’ai vu la dernière pub de la FNAC.
“Est-ce que “tchiper” est appartient aux noirs ?” m’a-t-on demandé sur Twitter ? Bien sûr que non. Mais ça n’est pas une pratique franco-française, ça j’en suis persuadée.
Alors bien sûr, la France multiculturelle est une réalité mais celle-ci est encore timidement exprimée dans la publicité. La FNAC avait déjà pris une métisse (qui a posé pour notre numéro été 2012 d’ailleurs) pour une de ses dernières campagnes d’affichage, mais ça restait encore assez classique. Mais un “tchip” par un adolescent de bonne famille, dans la publicité télévisée d’une marque aussi “corporate” que la FNAC, c’est tout sauf anodin. Alors quel était le message de l’agence de pub en charge de ce spot ? La FNAC, ce n’est pas TRACE, ce n’est pas FOOT LOCKER, qui sont deux marques qui sont par définition, internationales, et véhiculent des valeurs FORTEMENT urbaines (donc multiculturelles). J’ai dix mille pistes mais je ne peux pas les détailler maintenant. Ce qui est assez drôle d’ailleurs, c’est comment les attentes sont contournées: un blanc qui tchipe dans une pub FNAC, et pas de noirs pas dans les pubs KFC. Ca en dit déjà long sur les préoccupations de ces marques, et comment elles se perçoivent (ou pensent que le grand public les perçoivent).
Source image: Jezebel.com
P.S.: je n’ai pas développé sur les notions mêmes de “wigga” ou “bounty”, c’est archi-complexe comme sujet , vous vous en doutez