Camoshita United Arrows : l’exigence récompensée
Une fois n’est pas coutume, nous avons décidé cette semaine d’attirer votre un attention sur un créateur qui n’est pas italien et qui ne fabrique même pas en Italie, ce qui ne l’empêche pas de très bien connaître le style italien et de lui emprunter régulièrement, j’ai nommé M. Yasuto Kamoshita, fondateur de la marque Camoshita (dite aussi Camoshita United Arrows ou Camoshita by United Arrows), récompensée cette année par le Prix Pitti Immagine Uomo.
Camoshita, c’est un peu l’Isaia japonais, autrement dit une marque qui innove tout en cherchant à séduire, et qui se plaît à brouiller les frontières sociales du vêtement en associant à des coupes plutôt habillées des matières déconcertantes et recherchées, parfois issues de l’univers du travail, ainsi que des imprimés aux tons justes. Il faut dire que Yasuto Kamoshita est un homme curieux, et que sa curiosité (d’autres diraient « sa méticulosité ») lui a valu une très grande connaissance technique, perfectionnée notamment à Florence auprès d’Antonio Liverano. Mais n’anticipons pas.
Après avoir obtenu son diplôme à l’Université des Beaux-Arts de Tama, Yasuto Kamoshita commence par travailler dans la vente chez Beams, une chaîne de magasins spécialisés qui possède en outre sa propre marque. Puis, se rendant compte que son goût pour les produits et la qualité se situe très au-dessus de la moyenne, il décide de se tourner vers l’achat et cumule alors les deux fonctions, ce qui lui vaut de voyager beaucoup. L’opportunité d’une nouvelle aventure s’offre à lui en 1989 avec United Arrows, qu’il contribue à fonder et dont il devient tout naturellement l’acheteur privilégié (il le restera vingt ans). Camoshita naît en 2007 et reflète la volonté de transcrire une vision japonaise du style. Les emprunts existent, notamment aux classiques du style Ivy League et du style italien, mais les règles sont adoucies, infléchies, et chaque modèle semble étudié pour redonner de la noblesse à un casual wear un peu dilué.
Photo : Anton/Helsinki.
Chez United Arrows (qui compte aujourd’hui une trentaine de magasins à travers le Japon), Yasuto Kamoshita assure aujourd’hui les fonctions de directeur de la création et de directeur de la mode masculine. A la différence de nombreux créateurs, M. Kamoshita attend beaucoup des clients de ses magasins, j’entends par là qu’il compte à la fois sur leur versatilité et sur leur capacité à juger un produit. Il sait que, contrairement à certaines habitudes européennes, les Japonais ne sont pas prêts à se contenter d’un ou deux fournisseurs référents, qu’ils veulent composer leur propre style. Il sait aussi que leur culture du détail les conduit souvent à comparer les pièces et à acquérir par là une forme de savoir expérimental. Il sait enfin qu’en tant qu’insulaires, ils sont naturellement portés à rechercher dans ce qu’ils achètent une forme de pérennité. Ces facteurs, qui pourraient apparaître comme des contraintes, représentent en réalité une force, et même si le dandysme japonais, mélange de discrétion et d’hommages plus appuyés, n’est pas littéralement transposable en France, on se prend à rêver à ce que pourrait être chez nous une authentique culture du vêtement, par-delà les offres standardisées et le marketing du tout-mode.