Le consommateur qui achète de la viande d’agneau à l’étal du boucher est généralement peu conscient de la provenance souvent exotique de cette viande et est convaincu d’acheter de la viande fraîche.
Et pourtant, les viandes importées ne peuvent arriver sous forme fraîche chez nous. Cette confusion serait même présente chez les professionnels de l’alimentation. Dans l’Horeca (CHR en France) par exemple, une étude menée en Belgique par le CRIOC en 2007 a montré que si près de 6 restaurateurs sur 10 servent de la viande ovine en provenance de Nouvelle-Zélande, près de 3 restaurateurs sur 4 estiment acheter de la viande ovine fraîche, 4 sur 10 de la viande ovine surgelée et seulement 2% de la viande réfrigérée.
Réfrigéré, congelé... kesako ?
Le recours au froid constitue une pratique courante pour assurer une conservation prolongée des aliments, de quelques jours à quelques mois. Le froid est appliqué à tous les types de conservation : frais, réfrigéré ou congelé. Dans chacun de ces cas, le froid a comme conséquence le ralentissement des phénomènes d’altération et de multiplication microbienne.
Contrairement aux idées reçues, la viande dite « réfrigérée » – ou viande « chilled » - n’est pas simplement de la viande qui repose dans un réfrigérateur, comme son nom pourrait le laisser sous-entendre. Ce type de viande se présente sous deux conditionnements différents.
La viande réfrigérée sous vide
La viande est conditionnée dans un emballage imperméable au gaz et à l’intérieur duquel le niveau d’oxygène est le plus faible possible. Pour y parvenir, toute la surface de la viande doit être en contact avec le film du sachet afin d’éviter la formation de poches d’air.
L’emballage ainsi obtenu prévient le développement de certaines bactéries tout en permettant au processus naturel de maturation de la viande de se poursuivre. Cette méthode accroît considérablement la durée de vie de la viande avec une durée de stockage de 8 semaines pour l’agneau à condition que la température soit strictement maintenue à -1°C (+/- 0,5°C). (Une température de -1°C correspond à une température légèrement supérieure au point de congélation de la viande.)
La viande réfrigérée sous atmosphère contrôlée ou sous atmosphère protectrice
La viande est conditionnée dans un emballage imperméable au gaz et à l’intérieur duquel le mélange gazeux présent a une composition différente de celle de l’air atmosphérique (d’où le terme d’«atmosphère contrôlée»). Notamment, du dioxyde de carbone (CO2) est ajouté, l’emploi du CO2 limitant la prolifération des bactéries et retardant ainsi les phénomènes d’altération du produit (un mélange gazeux classiquement utilisé est : 70% N2, 30% CO2).
Cette technique permet d’augmenter jusqu’à 50 % la durée du stockage par rapport à la méthode «classique» sous vide, soit 12 à 16 semaines pour de la viande d’agneau, à condition que la température soit strictement maintenue à -1°C.
Outre des modifications / altérations de certaines propriétés physico-chimiques de la viande, une des limites potentielles de ce mode de conservation est d’ordre hygiénique. De fait, lors de la phase de distribution du produit, le boucher, le restaurateur ou le consommateur oublie souvent que la date de péremption de ce produit n’est valable que lorsque le produit est maintenu à une température de -1°C. Si un tel produit est placé dans nos réfrigérateurs « ménagers », soit sous une température de +4°C à +7°C, la prolifération microbienne est plus rapide et des problèmes d’altération et d’ordre sanitaire peuvent surgir avant la date de péremption indiquée.
Notons que les atmosphères contrôlées ne sont pas réservées à la viande réfrigérée : elles pourraient tout aussi bien être appliquées à de la viande fraîche (température de conservation comprise entre +4°C et +7°C); c’est notamment souvent le cas de la viande en portion consommateur présentée en barquette operculée. (Source)
La viande « chilled », de la viande irradiée
6,35€ lekilo, en promotion à 5,75€/Kg pour Pâques.Sans le savoir, des centaines de milliers de consommateurs français mangent peut-être de la viande irradiée, c’est-à-dire ayant subi un fort traitement radioactif. Il s’agit des consommateurs qui achètent en grande surface de la viande ovine réfrigérée importée de Nouvelle-Zélande, ou bien de ceux à qui cette viande est servie dans les restaurants.
" Officiellement, l’ionisation des viandes rouges – destinées à l’alimentation humaine ou même animale – est strictement interdite en France. Mais le petit secteur de la viande ovine ne semble pas relever du droit commun... " (forum.doctissimo.fr, 27.11.2008)
" La France a perdu près de 2/3 de ses éleveurs de moutons et le 1/3 de ses brebis dans les 25 dernières années et le déclin s’accélère vivement. Cette évolution est surtout due à l’importation de viande de l’hémisphère Sud, notamment de Nouvelle-Zélande, le premier exportateur mondial. Pendant longtemps, seules les viandes congelées pouvaient supporter un transport économique par bateau mais depuis quelques année elles sont remplacées par du « chilled », simplement réfrigéré.
Les viandes « chilled », grâce à des traitements particuliers (irradiation), peuvent être conservées à température positive pendant plus de 16 semaines après l’abattage et être ensuite commercialisées comme « fraîches ». L’irradiation, d’une intensité équivalente à celle de millions de radiographies des poumons, permet d’éliminer toute cellule vivante et de réduire le risque de développement de germes mais son innocuité n’est pas prouvée." (Monde-solidaire.org, 15.10.2008)
" Il faut de tout pour faire un monde. Il est normal pour le consommateur de rechercher le prix le plus bas à condition que le produit réponde à des critères de qualité. Par ailleurs, s’il est avantageux d’acheter de l’agneau provenant de pays où le coût des salaires est moins élevé et les surfaces d’exploitation sont plus grandes, le prix du transport risque d’augmenter fortement. Ne vaut-il pas mieux aider à maintenir une agriculture régionale qui favorise l’entretien du territoire, les traditions culturelles et alimentaires, l’artisanat ? Tous les peuples, quelle que soit leur culture, doivent-ils manger la même chose !? " (Emmanuel Coste, éleveur de moutons, momagri.org, 19.05.2006) (Source)
Les circuits courts? Oui, mais pas uniquement, des élevages écologiquement acceptable ou la cohabitation est intégrée
La qualité de la viande, le goût, la fraicheur, le circuit de distribution ne sont pas les seules exigences du consommateur actuel. Celui-çi s'intéresse aussi des conditions de production, à l'empreinte CO2 des produits, à l'alimentation, aux intrants, à l'énergie grise, aux soins, au bien être des animaux, à la charte de production, au respect de la biodiversité, aux conséquences de l'élevage sur les milieux, au conditions sociales des fabricants..., tous des facteurs qu'il y a lieu de prendre en compte, et pas seulement dans sa communication.
" Il importe que les circuits courts soient privilégiés de sorte à conserver le contrôle de la distribution. Non seulement parce que les marges sont plus confortables dans ce segment, mais aussi parce qu’il est important que les éleveurs restent directement au contact avec leur clients consommateurs pour mieux promouvoir leur image de marque. (...)
En dépit des discours des décideurs, l’industrie du tourisme est passée devant celle de l’agriculture. La mutation d’une agriculture productive vers celle tournée vers l’ouverture au tourisme et donc vers la cohabitation avec les espèces qui dérangent les uns (les éleveurs) mais sont recherchées par les autres (les touristes) font partie de l’éternelle adaptation des Hommes de la terre face à l’évolution sociétale et sa demande : clientèle obligée." (Gérard Bozzolo interviewé par la Buvette des Alpages, 2012)
Vous avez dit « viande propre »? Barèges-Gavarnie: un exemple à ne pas suivre
D'après le site de l'Association des éleveurs de l'AOC Barèges-Gavarnie (en pleine zone à ours), les 20 troupeaux sont petits (entre 80 et 370 brebis, 150 en moyenne). Un nombre qui ne permet pas d'engager un berger. Ce ne serait pas rentable, même en se regroupant.
Le mode de conduite de l'AOC - des troupeaux qui "pâturent en liberté totale de jour comme de nuit" - a été construit sur cette réalité économique et sur cette facilité indispensable à la pluri-activité des éleveurs et non sur des "usages loyaux et constants".
"Comme par le passé, les dégâts ne cesseront que quand l’ours aura quitté la vallée, et la même situation se reproduira, indéfiniment, dès qu’un ours reviendra, tant que l’on n’aura pas modifié des pratiques de gestion des troupeaux inadaptées."Pour Gérard Bozzolo, le problème ne vient pas de l'ours, mais de l'appellation Barèges-Gavarnie : "Dans le décret de l'AOC, la partie relative aux conditions techniques de production du système d’élevage, l’assertion de la conduite d’élevage en liberté durant l’estive, justifiant la qualité de la viande produite, résulte d’un fait d’opportunisme. Il entérine la facilité prise par les éleveurs de laisser leurs troupeaux sans surveillance étroite et régulière".
Et pour l'AOP BArèges-Gavarnie, il n'est pas seulement question d'un refus de cohabiter avec l'ours, Gérard Bozzolo poursuit: "En particulier, les moutons ne mangent pas habituellement la nuit, par contre, tirent avantage d’une forte activité de pâturage à la tombée de la nuit et tôt, au lever du soleil, lorsque les conditions météo sont propices et que la rosée n’est pas très abondante. Or, cette mise en vacances des animaux sur les parcours d’altitude correspond à un laisser aller préjudiciable à la qualité fourragère des estives et constitue, aussi, un risque face aux pertes accidentelles, sanitaires et à la prédation."
Le consommateur dispose d'une arme silencieuse très efficace: l'acte d'achat. Coluche disait "Et dire qu'il suffit de ne pas l'acheter pour que cela ne se vende pas!" Et bien pour moi, c'est non merci !