S’il y a bien deux trucs dans ma vie qui n’ont au premier abord rien à voir l’un avec l’autre, ce sont bien ceux-là : le roller derby et ma mère. Pour moi ce sont des univers diamétralement opposés. Du coup, en me lançant dans le roller derby, c’était ça passe ou ça casse. Et pourtant.
Soit elle allait adorer, soit elle allait faire sa moue réprobatrice et me faire culpabiliser pendant au moins 5 minutes. Evidemment, j’ai bien tenté de lui cacher les aspects les plus sombres du derby du genre "ouais l’autre fois y’a une fille de l’équipe qui s’est cassé le tibia", ou "la rotule de mon genou est écrasée à cause d’une chute" ou encore "j’ai un sacré œil au beurre noir". Je n’ai pas spécialement envie de la faire s’inquiéter "pour rien". C’est une maman et elle a peur pour sa fi-fille, qui en plus vit à 350 km de là (je suis une enfant indigne).
Je m’attendais à une réaction comme ça
Enfin bref, le jour est venu où j’ai annoncé à ma mère que je me mettais au roller derby. Ça ne l’a pas vraiment étonnée parce que même si j’ai selon elle un côté posé et sérieux, je suis aussi une petite casse-cou, une fonceuse qui n’a pas peur de grand chose. Et finalement, elle n’a pas eu grand chose à redire sur le moment parce qu’elle ne connaissait pas. Normal. Quand je lui ai dit que c’était un sport de contact, avec des chutes et des coups, la première chose qu’elle m’a répondu est "Mais comment tu vas faire si tu es blessée ? Tu as des amis au moins ?" MERCI MAMAN. Enfin bon bref, je suis sûre que le jour où je me casse une patte, je peux compter sur elle pour venir me chercher fissa, me faire des chocolats chauds et me border le soir.
Et puis est venu le moment où elle a vu un match en vrai (où je jouais dedans). Et je peux dire que depuis ce jour, ma plus grande supportrice c’est elle ! Je l’entendais du track en train de crier "ALLLEEEEZ BOUFFE LAAAAA" ! Héhé, c’était drôle. Le côté guerrier l’a beaucoup impressionnée au début, elle s’en faisait une image vraiment violente. Et puis quand le match a débuté, elle s’est rendue compte que c’était autant un sport de contact que de stratégie, les chutes sont (à peu près) maîtrisées et on est finalement plus pris par le jeu et les points que par le côté brutal.
Mais en fait c’était plus comme ça
Le roller derby embarque très vite les spectateurs. La montée des points, les lignes qui changent toutes les 2 minutes, le départ en position sur la ligne de jam et son petit moment de stress sont autant de détails qui font que ma mère est devenue presque accro au derby. Comme elle le dit, le côté visuel participe à l’effervescence du public. Quand elle me voit sur la piste, elle est agacée de me voir me faire rentrer dedans, tomber, mais elle est trop dans le jeu pour avoir peur. Elle veut partager ce que je vis et préfère laisser le stress de côté. Elle est fière de sa fille, ma mère. Encore plus quand j’obtiens le lead et remporte le jam. Mais de toute façon, que mon équipe gagne ou perde, elle trouve déjà courageux d’oser se lancer dans ce sport.
Les chiens ne font pas des chats, c’est bien connu. Et quand je demande à ma mère si elle se serait mis au roller derby quand elle avait mon âge, elle me dit que oui. Elle faisait beaucoup de patin étant jeune mais le côté brutal/bagarre lui est un peu étranger. En se forçant, elle pourrait très bien "bousculer des gens", comme elle dit "j’ai un côté un peu crapule et je me serais bien vue avec l’accoutrement du roller derby". Si elle avait 10 ans de moins maintenant, elle serait prête à s’y mettre ou du moins essayer.
Enfin bon m’est avis qu’on ne devait pas rouler bien vite avec ça. Roh bon ça va, je blague, ma mère n’est pas SI vieille.
Elle a attrapé la fièvre du roller derby et irait même voir des matchs que mon équipe ne joue pas. Pour elle, le roller derby vaut bien tous les sacrifices que je fais (financiers, de temps, d’implication, etc) tant que ça apporte du bien-être (c’est bien des paroles de maman, ça) et qu’on porte le sport, parce que faut l’avouer, c’est pas encore très connu.
Ma mère, ça l’énerve quand elle parle du roller derby à des proches qui ne comprennent pas l’intérêt du sport et qui trouvent que c’est seulement un truc de bourrin. Ma mère, elle essaye de convertir tout le monde au derby. Ma mère, elle est fière que sa fille soit une rollergirl effrontée et heureuse de pouvoir partager des moments forts comme ceux qu’on passe lors d’un match. Et moi j’suis contente qu’elle soit là de temps en temps et de l’entendre crier "BRUTAL BRUNETTE ! BRUTAL BRUNETTE !" du haut des gradins.