Qui ne connaît pas de langues étrangères ne sait rien de la sienne.
C’est pas moi qui l’ai dit. C’est Goethe. Ca fait un sacré bail, donc. A cette époque, il faut bien avouer que parler français était un gage de chic et de raffinement. Les Français se sont-ils reposés sur leurs lauriers? Ont-ils été aveugles au glissement certain vers la culture anglo-saxonne? Il faut se rendre à l’évidence: l’avenir appartient aux polyglottes.
L’enseignement des langues étrangères dans nos écoles primaires et collèges, est, à peu d’exceptions, indigent. Dispensé par des intervenants non compétents, peu ou mal formés, tétanisés par l’idée de sortir du cadre. Pourtant, certains y mettent du coeur, et je rêve qu’un jour mes enfants trouvent sur leur chemin quelques enseignants un peu concernés ou motivés* ou encore à qui on aura seulement donné les moyens de leurs ambitions.
Une langue s’apprend non pas dans les livres, mais sur le terrain. Un supermarché, une rue commerçante, un marchand de glaces, sont des lieux d’apprentissage formidables. Quand le déplacement est trop loin, trop cher, il est facile de trouver une classe intéressée par la mise en place d’un partenariat, basé sur internet (mail, Skype,…), sans aucun budget, puisque la plupart des classes s’enorgueillissent aujourd’hui de posséder l’outil informatique et d’y initier les enfants. Les séries télé anglo-saxonnes populaires se comptent par centaines, l’accès aux versions originales est sans doute la clé d’un apprentissage joignant l’utile à l’agréable (Manu en a parlé très bien cette semaine).
Des classes d’immersion précoce, ou appelées européennes, se répandent un peu partout pour les plus motivés. Qui prendront quelques longueurs d’avance sur les autres. Qu’en est-il de l’enseignement des autres, ceux qui n’ont pas forcément d’atomes crochus avec les langues étrangères, mais qui y seront confrontés un jour ou l’autre, même rhétoriquement, au moment de rédiger leur curriculum vitae? Même pour montrer sa demi-douzaine de maillots de bain sur son blog mode, il faut apparemment aguicher le chaland en briton – dépasser le stade du Google Translate est assez bien vu sous peine de se ridiculiser. Pour être influent, sois fluent.
Cherry on the cheesecake, juste avant l’été, certaines grandes écoles de commerce font le constat que le niveau d’anglais de leurs élèves est lamentable et les pénalise donc fortement au niveau international pourtant lié intimement à leur filière. Et émettent donc l’idée brillante que certains cours se donnent désormais en anglais, par des native speakers. Tollé général. Protectionnisme franco-français. Un peu comme dans les années ’90, où ce cher Mr Toubon avait exigé des radios de passer en majorité des chansons en français**. On ne peut pas faire une chose pareille à notre belle langue française. Mais continuer à enseigner dans un français haché d’expressions anglophones inhérentes au sujet dont la traduction frise le ridicule, ça oui, on peut.
Pendant ce temps, dans les pays voisins, on sous-titre les films mais on ne les double pas, on enseigne l’histoire ou les mathématiques dans une autre langue quand il n’y a pas de professeur disponible dans la langue première, on n’imagine pas perdre sa langue et en gagnant une, voire plusieurs autres. Si apprendre une langue sur l’oreiller reste la méthode la plus efficace, encore faut-il maîtriser l’approche toute en finesse. Je crains que le mythe du French lover n’y résiste pas longtemps.
Parler une langue étrangère, au delà de l’aspect linguistique, c’est tendre la main à son voisin, engager le dialogue, s’intéresser à lui. S’enrichir. Se sentir enfin européen et non franco-français.
*Je pars volontairement sur le postulat anglo-saxon, bien que l’idée vaille également pour n’importe quelle autre langue, européenne ou non.
**Réunion de parents-profs de 5ème de la Collégienne, en décembre 2012, le prof d’allemand: "Votre fille a un excellent niveau pour une 5ème, je n’ai plus rien à lui apprendre."
***A ce sujet, je ne peux malheureusement lui donner entièrement tort, ayant entendu, l’été 2012, ma fille chanter "I just wanna make you sweat", jusqu’à ce que nous fassions une explication de texte d’une seconte trente-quatre centièmes – la chanson anglophone souffre rarement la traduction.