Au départ, une aventure tragique. À la fin d'une fête de la jeunesse vaudoise, Manon, 16 ans, connaît l'horreur. Elle se retrouve seule au point du jour, alcoolisée, en quête de nourriture...
« A peine plus tard, je ne saurais dire quand ni comment exactement, mais je me retrouvai au fond d’un long tunnel, immensément grand, infiniment noir. Trois hommes étaient là, en face de moi. Deux d’entre eux me tenaient ferme les épaules tandis que le dernier rouait mon corps de coups. Il s’en prit d’abord à mes seins en les tirant, les pressant, les saignant. Puis, il s’acharna contre mon ventre dans lequel parut alors la marque de son poing. Ensuite, ce fut très lentement, ou rapidement je ne me souviens plus vraiment, mais il arracha les boutons de mon pantalon comme si son désir sexuel, ou devrais-je dire plutôt, son besoin vital d’assoupir sa queue, le rendait complètement fou, hystérique, c’était un véritable chien ! »
La dévastation qui suit, Manon Leresche ne va pouvoir l'apprivoiser que par un biais tout à fait inattendu : un travail de maturité. Il s'agit, pour ceux qui l'ignoreraient, d'une démarche personnelle indispensable à l'obtention de la maturité, qui consiste faire une recherche, à exploiter des informations et à formuler un travail final, qui sera noté.
Une année après les faits, donc, en 2012, Manon propose à Jean-François Cand, professeur au gymnase d'Yverdon de baser son travail de maturité sur ses réactions face aux événements qu'elle a subis. Le cadre étant fixé (des textes libres suivis d'une brève analyse), la jeune fille se met à la tâche et étonne le jury unanime avec le résultat.
C'est ce travail que les Editions de L'Aire publient sous le titre Peau morte. Un choix éditorial évident quand on lit le texte.
Car ce t
Dense, convulsif, combustible, Peau morte proclame surtout le pouvoir de l'écriture. Mêlant les niveaux de langue, le sordide et le poétique, il est un acte de foi dans la force des mots, dans leur pouvoir de fondation, dans la possibilité du langage de s'approprier l'indicible, de le suggérer, l'apprivoiser. L'écriture comme recréation et consolation.
Bien sûr, certains ont pu trouver cette publication dangereuse. Dangereuse pour la jeune fille, dont on se dit qu'elle se retrouve très exposée, dont on peut se demander si l'attention publique portée sur son drame lui apportera plus d'apaisement. À entendre Manon Leresche, dont la détermination frappe, on peut cependant espérer le meilleur pour elle et croire que cette renommée sera thérapeutique, notamment parce qu'elle fait passer le débat du fait tragique au fait créatif.
Car le professeur Jean-François Cand a raison : « Si la littérature est une tentative de transcender le réal pour en tirer, par le choc de mots, une nouvelle vérité, alors le texte de Manon Leresche est de la littérature, de la bonne littérature. »
Manon Leresche, Peau morte, L'Aire