Si vous aimez vous promener dans Paris, vous avez déjà forcément croisé les voies de la Petite Ceinture. Même inconsciemment. Surgissant au détour d’une petite rue protégée par des grillages, surplombant de ses ponts les voies de circulation ou creusant son chemin avec profondeur au milieu de parcs ou de quartiers calmes.
Quelle est donc cette voie ferrée qui ceint Paris, laissant la végétation s’envahir ?
La Petite Ceinture a été construite sous le Second Empire, entre 1852 et 1869. Elle a fonctionné jusque dans les années 1970, transportant des voyageurs jusqu’en 1934 et des marchandises avant de s’arrêter de fonctionner. Aujourd’hui fermée au public, elle se divise en tronçons, sur 32 km, dont une promenade ouverte au public, dans le 16ème arrondissement (qui relie La Muette à Porte d’Auteuil). Les autres, sont interdits d’accès malgré les beaux paysages qu’ils offrent. Dans le 15ème, la Petite Ceinture desservait notamment les usines Citroën (aujourd’hui le Parc André Citroën) et les abattoirs de Vaugirard (Parc Georges Brassens).
Depuis la nature a repris ses droits, s’immisçant dans les moindres interstices des voies. Tapissant le bois des rails et rongeant les anciennes gares. Plusieurs associations (dont je parlais précédemment ici), défendent et protège l’écosystème qui s’est développé sur la Petite Ceinture. Faune et flore insolite en plein de coeur de Paris : chauves-souris, fraises des bois, mûres, une vie insoupçonnée qui est vivement maintenue par plusieurs groupes. Lors d’une précédente édition de la Fête des Jardins, j’avais eu l’occasion de visiter la portion protégée par une des associations, qui nous avait réservé une visite mémorable. Nous avions ainsi passé en revue sa biodiversité particulière.
Depuis plutôt fascinée par cette ancienne voie, j’ai écumé ses paysages variés, relevé avec attention sa flore singulière, avant de découvrir le 24 août dernier, la promenade publique qui a ouvert dans le 15ème arrondissement (à la surprise de certains habitants du quartier). C’est précisément en ces lieux que j’avais eu l’occasion d’observer la Nature et la diversité des habitats naturels : du boisement, à la prairie, en passant par la friche et la lisière forestière.
Aujourd’hui un tronçon est ouvert entre les rues Olivier de Serres et Desnouettes, long de 900 mètres et propose au public, une balade respectueuse de l’environnement. Le patrimoine ferroviaire a été conservé et il s’inscrit dans le paysage. Les habitats sont préservés, et pour ne pas troubler le rythme biologique des animaux, aucun luminaire ne jalonne la balade. Le site est fermé la nuit et les talus ne sont pas praticables.
Tout au long de la voie, on trouve des informations utiles sur les lieux, des panneaux qui légendent ce qui est mis en place pour préserver la nature. “L’entretien s’adapte aux cycles biologiques, notamment la nidification des oiseaux. Il maintient les trois étages de la végétation et les prairies sont fauchées une à deux fois par an. Des éclaircies paysagères sont réalisées pour favoriser la croissance des arbres et des arbustes locaux, comme l’orme champêtre devenu rare, le chêne ou l’érable sycomore. Les souches des arbres laissées en chandelle, les troncs coupés et les tas de bois mort qui accueillent des micro-organisme, champignons et insectes xylophages (qui décomposent le bois mort) sont essentiels à l’équilibre écologique.”
On note la présence de curieux chalets et d’une ancienne gare, qui valent le coup d’oeil et qui intriguent.
Les aménagements sont très agréables et rendent la découverte agréable et paisible.
Au fil de la promenade, on découvre alors, la pelouse à orpins (que l’on voit juste au dessous). Il s’agit d’une plante qui pousse sur les sols secs et rocailleux, très ensoleillés. Fragile et vivace, elle attire les insectes, les coléoptères et les abeilles qui se nourrissent de ses fleurs.
On entrevoit aussi le long de la voie, la lisière (que l’on imagine plutôt en pleine forêt). On apprend ainsi qu’il s’agit de la rencontre entre deux écosystèmes : la prairie et le boisement. L’une est un milieu ouvert et l’autre, au contraire, un milieu fermé. C’est aussi un milieu très riche, car il accueille une faune et une flore très spécifiques. L’étagement de sa végétation est faite d’un ourlet herbeux, de buissons et arbustes, et d’un manteau forestier. C’est aussi une zone de nidification appréciée par les oiseaux.
Plus loin, nous croisons l’orme champêtre, cet arbre presque disparu dans les années 1970, à cause d’une maladie (graphiose). Sa présence ici est exceptionnelle. D‘ailleurs, les autres ormes plantés dans le Marais sont des clones des rares sujets survivants. Enfin, nous auront noté la présence de souches d’arbres laissées en chandelles (le bois semble sécher et la souche est nue). La vie s’y développe, certains insectes décomposent le bois mort et en attirent d’autres qui s’en nourrissent. Les chauves-souris viennent aussi s’y abriter. Les tas de bois laissés au sol accueillent aussi divers animaux comme des hérissons et des musaraignes, mais aussi des crapauds.
Enfin, la Petite Ceinture ne serait pas sans ses nombreux graffitis, et l’issue de la balade nous en réserve un échantillon sur tout un pan de mur.
Une balade qui décrypte ainsi les trésors abrité par ces voies historiques, et qui aiguise notre regard sur l’environnement.