Comment ? Un groupe de folk ayant une tendance hippie fortement marquée ? Ca y est, Artetvia, site éminemment sérieux porté sur le « grand » art, est devenu fou : en fait, non pas totalement (un peu quand même, mais c’est comme ça depuis le début), et vous verrez pourquoi.
Créé en 1973, le groupe est principalement actif jusqu’au début des années 1980. Il s’est reformé épisodiquement depuis, avec un style nouveau, beaucoup moins réussi, ou alors en reprenant les succès des premières années. Malicorne, c’est avant tout le couple Gabriel et Marie Yacoub, rejoints dans la meilleure période par Hugues de Courson et Laurent Vercambre. À eux quatre, ils jouent d’une vingtaine d’instruments ! En vrac : guitares électriques, dulcimer (électrique !), vielle à roue, cromorne (un instrument typique de la Renaissance), mandoline, bouzouki (une sorte de luth grec), violon, flûtes à bec, psaltérion, trompe de chasse, percussions, etc. Des instruments anciens donc, sur lesquels on ajoute une couche d’électricité, typique de la vague folk de ces années-là, au même titre que les Tri Yann ou Alan Stivell… la bombarde et le breton en moins.
La plupart des chansons proviennent du vieux fonds populaire français et québécois allant du Moyen-Age à la période baroque. Toutes sont savamment documentées et présentées dans leur contexte historique. Elles sont souvent issues du recollage de plusieurs versions de la même histoire – la transmission était orale et on ne se gênait pas pour ajouter une couche, selon l’imagination parfois fertile des interprètes. On connait jusqu’à une soixantaine de versions différentes de la même chanson, ce qui est d’ailleurs une preuve d’ancienneté et de large diffusion ! L’objectif est bien de restituer une ambiance, un climat et non de faire œuvre de musicologue universitaire.
Malicorne a une nette tendance à choisir des chansons tristes. On parle d’amours malheureuses (hé oui, au pluriel, c’est féminin, comme orgue et délice !) « Les tristes noces » – tout un programme -, des dures conditions de travail « Couché tard, levé matin », de la mort omniprésente « Quand je menais mes chevaux boire », du diable et de la sorcellerie. La tristesse se transforme en ironie mordante « Le luneux ». D’autres textes sont touchants, mais sans mièvrerie aucune. Globalement, ce n’est pas toujours très fun, mais ça ne tombe ni dans l’horrible, ni dans la délectation du morbide : c’est juste bien glauque et bien pessimiste…
Les chansons sont parfois interprétées a capella, ce n’est pas toujours très juste – et puis Gabriel Yacoub a une voix particulièrement nasillarde – mais ça a beaucoup de charme. Des pièces instrumentales, souvent des danses de la Renaissance (Thoinot Arbeau, Claude Gervaise…) sont également jouées et participent à la création d’un univers singulier. Singulière, l’harmonisation l’est assurément, c’est même ce qui fait la spécificité de Malicorne : une harmonisation très particulière et reconnaissable immédiatement. On joue beaucoup sur le mode mineur, les quintes parallèles et les basses obstinées. Cela donne des pièces à la fois très incarnées par les textes et très aériennes, envoûtantes et mystérieuses par la musique. Les Yacoub ont réussi à trouver l’équilibre entre le new-age pseudo-celtisant et planant, totalement déconnecté de toute tradition musicale, et la musique traditionnelle à tendance tas de fumier et ballon de rouge, avec voix éraillées à souhait et instruments faux à dessein « pour faire authentique ».
Ces quelques explications achevées, place à la musique ! Le choix a été difficile.
Le Prince d’Orange – Une des premières chansons interprétées par le groupe et chantée entièrement a capella – La chanson est inspirée de la mort en 1544, de René de Nassau, Prince d’Orange au service de Charles-Quint.
Le luneux, originaire du Bas-Poitou / Angoumois, c’est un tube du groupe – Et puis, comme ça vous pouvez voir la tête des chanteurs : ça vaut le coup, de vraies têtes de baba cool folklos !
Une chanson dont l’origine est floue : Ile-de-France, Ouest ? Les versions sont très nombreuses et le dénouement soit heureux, soit tragique comme ici.
Margot, chanson très courte tirée de l’album phare du groupe : Almanach – Une chanson par mois de l’année.