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Limiter la consommation d'huile de palme ? L'avis d'un expert

Publié le 11 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

Pourquoi les scientifiques belges s’en prennent-ils à l’huile de palme : réaction du Docteur Guy André Pelouze à l’avis du conseil supérieur de la santé.

Limiter la consommation d'huile de palme ? L'avis d'un expert

Le docteur Guy André Pelouze.

Le Conseil Supérieur de la Santé belge (CSS) vient d’émettre un avis recommandant une consommation limitée des aliments contenant de l’huile de palme. Nous avons recueilli les propos de Guy André Pelouze, chirurgien thoracique et cardio-vasculaires.

Peut-on affirmer que l’huile de palme est la cause principale des maladies cardio-vasculaires ?

La question de l’huile de palme renvoie à la question de l’impact des régimes alimentaires sur les maladies chez l’homme. C’est une question d’une extraordinaire complexité. Il faut le dire pour éviter toute forme de simplification. Aujourd’hui, il y a peu de certitudes et beaucoup de points d’interrogation.

Pour l’huile de palme, la question essentielle c’est d’une part de quoi on parle, s’agissant d’un produit et non pas d’un fruit directement puisqu’on presse le fruit du palmier pour obtenir l’huile. Est-ce que ce produit est raffiné ou pas ? Et bien évidemment s’agissant d’un corps gras, quelle est sa composition ? Il y a des graisses saturées dans l’huile de palme et ces graisses saturées ont été accusées de provoquer des maladies cardio-vasculaires. Alors on en vient au fond du débat.

Force est de constater que ce n’est pas l’huile de palme, mais qu’il y a bien d’autres facteurs. Quand on veut faire une politique de prévention, il faut s’intéresser aux principaux facteurs et non pas aux facteurs secondaires. Les gens ont des infarctus, des AVC et font de l’artérite, à cause du tabac, de l’excès calorique, de la sédentarité, de l’hypertension et après des facteurs génétiques et environnementaux. On constate qu’il y a plus de maladies cardio-vasculaires dans les villes que dans les campagnes...

Les scientifiques du CSS ne se trompent-ils pas de cible ?

Il faut se concentrer sur les facteurs réels. Ensuite il y a beaucoup plus simple que de se concentrer sur l’huile de palme. Quel est l’acide gras qui est les plus athérogène aujourd’hui ? Ce sont les acides gras trans et les acides gras trans de l’industrie, pas ceux qui sont fabriqués par les bactéries dans le rumen des vaches, mais ceux qui sont fabriqués par hydrogénation à haute température en présence de nickel des acides gras pour prolonger leur durée de conservation. Ces acides gras trans on peut aussi en fabriquer dans sa poêle si on fait chauffer les huiles à trop haute température. Ces acides gras, qui sont très athérogènes, on peut s’occuper de nos pratiques culinaires, de nos pratiques industrielles, de la façon dont on fait la régulation des acides gras dans ce pays. C’est plus pourvoyeur de danger qu’une hypothétique consommation d’acides gras saturés. Contrairement aux acides gras saturés (dont certains ne sont pas athérogènes), dans les acides gras trans issus de l’hydrogénation des huiles par chauffage, il n’y a que des acides gras athérogènes. Quand on prend une margarine dans laquelle il y a des acides gras trans il y a forcément des acides gras athérogènes et ils le sont très fortement. Dans les acides gras saturés, il y a une disparité des effets, certains sont beaucoup plus athérogènes que d’autres et donc il faut être prudent quand on condamne tous les acides gras saturés. Le comble de ce rapport c’est qu’il affirme que les réglementations incitent à supprimer les acides gras trans par des acides gras saturés, alors que cette substitution est bénéfique.

Ce n’est pas seulement l’huile de palme qui est concernée, mais toute l’alimentation industrielle.

Si on est au-dessus de 8% de consommation, il faut se poser la question des acides gras saturés, mais de TOUS les acides gras saturés, pas seulement de l’huile de palme : la viande grasse (viande de la grande consommation), les produits laitiers, et bien sûr les acides gras saturés des huiles végétales.

La problématique est bien celle des produits industriels dans leur ensemble, pas celle de l’huile de palme. L’individu qui consomme beaucoup de produits industriels va rajouter beaucoup d’acides gras saturés dans son alimentation. Celui qui consomme très peu de produits industriels va manger beaucoup moins d’acides gras saturés. Les produits industriels sont souvent source d’un excès calorique. Qu’on ajoute dans ces produits de l’huile de tournesol ou de l’huile de palme, ça ne va pas changer grand chose dans la facture calorique.

Ce n’est pas l’huile de palme qui est concerné par ce rapport, ce sont les produits industriels. Il faut consommer moins de produits industriels. Mais pas d’huile de palme. Si on continue de consommer de l’alimentation industrielle sans huile de palme, le résultat va être le même. On va mettre de l’huile de tournesol. L’huile de tournesol, ce sont des acides linoléique, ce sont des oméga 6, c’est pro-inflamatoire, ça détériore le rapport entre omega 3 et oméga 6 et on va être de nouveau dans un rapport délétère pour la santé.

Vouloir limiter la consommation d’huile de palme risque d’avoir un effet inverse.

En effet, on est en train en faire une médecine médiocre. On est en train de nous dire "Il ne faut pas consommer plus de 8% d’acides gras saturés", mais qui fait cet effort ? Personne ne dispose d’un compteur, qui lui dit combien il a mangé de gramme d’acides gras saturés. Ensuite il y a des variations très importantes. Lancer un message de réduction des acides gras saturés pour tout le monde c’est être assuré de l’échec car cela va concerner des populations qui n’ont pas les mêmes régimes et les mêmes facteurs de risque.

On peut fournir des infos de qualité aux consommateurs. Dans le Nutella, un produit qui contient plus de 50% de sucre, on ne peut pas prouver que ce sont les acides gras de l’huile de palme qui sont dangereux, en revanche, on peut aisément prouver que la quantité de sucre astronomique qui est présente dans le Nutella est un danger majeur dans un pays où le diabète risque d’augmenter.

En faire une priorité, c’est inverser la hiérarchie des actions et cela relève d’une inefficacité totale, c’est donner de mauvais signaux aux populations qui vont s’attacher aux données constituantes des produits et ne pas s’intéresser aux facteurs essentiels (nombre de calories, faire de l’exercice physique, ne pas fumer et avoir moins de sucre rapide dans son alimentation...). Cela pose la question de pourquoi on le fait.


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