En l’espèce, les faits sont les suivants, les propriétaires d’une charcuterie font acquis un tableau représentant un paysage et ils estiment pouvoir l’ utiliser à des fins commerciales une reproduction du tableau sur leur site internet, leur véhicule utilitaire, la devanture de leur boutique, des panneaux publicitaires, des sacs à provision et des affichettes publicitaires. L’artiste peintre les assigne pour reproduction et transformation sur de multiples supports de son œuvre sans son autorisation, et atteinte au droit moral.
Par un jugement du 21 juin 2013, le TGI de Paris les a condamnés à verser à l’artiste-peintre 3 000 € de dommages-intérêts pour atteinte aux droits patrimoniaux en raison de la reproduction du tableau, alors qu’ils n’étaient pas titulaires des droits d’auteur sur le tableau.
Les droits patrimoniaux peuvent être cédés partiellement ou totalement, à titre gratuit ou onéreux.
Il appartient néanmoins à celui qui s’en prétend cessionnaire d’en rapporter la preuve et l’étendue, l’article L131-3 du code de la propriété intellectuelle exigeant que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue, sa destination, son lieu et sa durée.
En effet, les défenseurs, qui n’étaient “pas titulaire des droits d’auteur sur le tableau, [puisque] la cession du support matériel de l’œuvre n’emportant pas celle des droits d’auteur, a en conséquence reproduit illicitement celle-ci sans autorisation de son créateur sur son site internet, son véhicule utilitaire, la devanture de sa boutique, des panneaux publicitaires, des sacs à provision et des affichettes publicitaires, ce qui constitue une atteinte à des droits patrimoniaux d’auteur”.
En vertu de l’article L122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.
L’article L122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite.
Le tribunal rappelle que la cession du support matériel de l’œuvre n’emporte pas celles des droits. Le tribunal a par ailleurs considéré qu’ils avaient porté atteinte à l’intégrité du tableau, en ne le reproduisant pas dans son intégralité ou en le déformant.
« La société LS, qui n’était pas titulaire des droits d’auteur sur le tableau, la cession du support matériel de l’œuvre n’emportant pas celle des desdits droits, a en conséquence reproduit illicitement celle-ci sans autorisation de son créateur sur son site internet, son véhicule utilitaire, la devanture de sa boutique, des panneaux publicitaires, des sacs à provision et des affichettes publicitaires, ce qui constitue une atteinte à des droits patrimoniaux d’auteur »
Pour les juges, ils ont également porté atteinte à l’esprit de l’œuvre en l’associant au commerce de spécialités charcutières, « lequel n’a aucun rapport avec l’art pictural ni le sujet du tableau ».
« L’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, le juge prend en considération les conséquences économique négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ce droits du fait de l’atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternatif et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus à l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
Compte tenu du nombre important de supports publicitaires et commerciaux de la société LS ayant reproduit le tableau en cause, et de la durée de cette utilisation litigieuse de 2007 à 2011, le préjudice patrimonial de Monsieur G. consécutif à la contrefaçon, lequel s’analyse en l’absence de perception de la rémunération normalement due en cas d’exploitation d’une œuvre protégée, sera évalué à la somme 3000 €, que la défenderesse sera condamnée à lui verser.
L’auteur a par ailleurs subi un préjudice moral du fait de l’exploitation de son œuvre sans son autorisation, dans un contexte peu artistique.
Néanmoins, il sera tenu compte pour l’évaluation de ce préjudice de la circonstance selon laquelle il a toléré cette utilisation pendant plusieurs années avant de la dénoncer.
Au regard de ces éléments, son préjudice sera évalué à la somme de 500 €, que la société LS era condamnée à lui verser.
Il sera fait droit en tant que de besoin, à la demande de Monsieur G. tendant au retrait de l’œuvre du site internet de la société LS.
Il sera également fait droit à sa demande de destruction des supports publicitaires et commerciaux contrefaisants. »
Références:
- Tribunal de grande instance de Paris, 3ème chambre, 3ème section, 21 juin 2013, Jean G. c/ LS