MGMT - MGMT
Oyé Oyé. Quand on entreprend de créer un blog, qu’on décide de l’alimenter régulièrement, c’est entre autres pour avoir l’opportunité un jour de chroniquer un ou plusieurs artistes qui se prélassent en mode serein au plus profond de votre hypophyse, certains de leur immunité, canonisés d’un adoubement immortel. Peu sont les élus, mais il est évident que MGMT fait partie de ceux-là. Autant vous dire qu’un troisième album annoncé du duo me mettait dès début 2013 dans tous mes états.
Tout a commencé avec Oracular Spectacular. Album sonique aussi fou que paradoxal, aussi génial que bancal. 22 minutes de cinq premiers morceaux parfaits,
irradiants, pétant toutes les coutures d’une pop recroquevillée sur elle-même. Et puis la suite, cinq autres morceaux dispensables. Pratique pour les possesseurs de vinyle : seule la face A
pouvait tourner en boucle. Et quelle face A ! Le psyché fédérateur Time to Pretend, le solaire mélancolique de The Youth, Le torturé sulfureux aux accents 70’s
d’Electric Feel et sa rythmique voluptueusement salace, pour finir sur le tubesque Kids qui mettra à terre des milliards de hipsters tout surpris de se faire souffler dans la
barbe par l’insolence d’une composition pleine de basses distordues, d’un clavier lancinant, d’une fougue juvénile métamorphosée en char d’assaut. Ce premier album se payait donc le luxe de
réformer et libérer la pop moderne avec cinq titres sur dix. Les deux chimistes de Brooklyn, Ben Goldwasser et Andrew VanWyngaden, musicologues dévoués à la cause d’une mathématique digérée et
positivement populaire, venaient de lancer un pavé nucléaire dans la mare de nos habitudes musicales. Indispendable. Inépuisable.
Comment poursuivre après ? Pour nous comme pour eux ? Le succès rencontré aurait pu suivre le schéma bien connu de l’assujettissement à une formule. Les deux compères ont été pressés de livrer un copié-collé des meilleures recettes d’Oracular Spectacular. MGMT a préféré livrer un immense album malade, témoin de leurs doutes, de leur atermoiements, de leur épuisement de post-ados trop vite démantibulés par l’infinie violence d’une médiatisation pourtant si méritée. Ils accoucheront dans la douleur et les psychotropes d’un deuxième opus intitulé ironiquement Congratulations. Et si l’album ne comporte pas à proprement parler de tubes aussi immédiats que sur le premier, l’ensemble est passionnant, expérimental, beaucoup plus homogène et envoûtant que le précédent. Congratulations est une malice de sorcier boiteux, un grand tour de piste d’un artificier inspiré. Ca retient puis libère, enchante, ménage ses effets, déroule de grands collages de tout ce que la musique a amalgamé depuis trente ans. Ca pête du disco déglingué, de la pop sous lexomil-jazz, ça mélange au blender de la soul 2.0 avec du garage-rock sous champi. Et ça déballe parfois un bouquet final ébouriffant, digne des plus belles incursions mélodiques du meilleur Floyd (An Orphane Fortune pour ce dernier opus). Le laboratoire MGMT n’en est qu’au début d’une vaste exploration généreuse d’une musique pop trop souvent gangrénée par des carcans périmés. Ce deuxième album, sans doute mal aimé des hédonistes précoces, prouve qu’on ne la fait pas aux deux new-yorkais : ils préfèrent les voies de traverse aux chemins balisés du tube clé en main.
2013. Troisième album très attendu. Dans l’intervalle, Alt-J, Tame Impala ont assuré l’intérim. Que vaut MGMT aujourd’hui ?
Première impression : ceux qui attendaient un retour vers une ligne claire, un compromis de hits radio, passez votre chemin. MGMT est plus que jamais barré dans une expérience totale, charnelle, déconstruite de la pop. Oubliez couplets / refrains, pensez plutôt immersion dans un magma sonore aux mille variations, où les Beatles couchent avec Animal Collective, où une troisième ligne mélodique hantera votre pavillon incrédule lorsqu’elle disparaitra au milieu du morceau (bel exemple à 2’’40 sur Introspection ou encore pire (aaaahhhh !) au début d’I Love you, too death ). L’ai je bien entendu ?
Deuxième impression ou plutôt hypothèse : l’album en décevra plus d’un. Pas immédiat, encore plus revêche que le précédent, il est à parier que la greffe acoustique ne prendra pas chez plein de fans de la première ou deuxième heure. Et il serait prétentieux de pouvoir affirmer que c’est d’ors et déjà un chef d’œuvre. Ce que l’on peut dire au bout d’une dizaine d’écoutes est que la matière MGMT 2013 est dense, complexe, proposant de vrais bonheurs instantanés : Alien Days (qui n’aurait pas fait tâche sur Congratulations) Your life is a lie, Plenty of girls in the sea (tout un programme), mais aussi des morceaux plus foutraques, qui vont faire hésiter l’auditeur entre génie à retardement et foutage de gueule ( Astro-Mancy pour ne citer que celui-là). Seule l’envie d’une écoute prolongée nous apportera des éléments de réponse. Accordons en attendant une mention spéciale à MGMT qui depuis des années n’en fait qu’à sa tête, creusant le sillon d’une pop exploratrice, ornementée, savante (démente ?) et, il faut bien le reconnaître, souvent jouissive.
Retour sur les trois albums :
Et quelques clips :
Time to pretend :
Kids :
Flash Delirium :
Your life is a lie :