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Une interview de votre serviteur suite à la sortie de mon dernier livre : Petit traité de la connaissance de soi :
"Almora : Vous venez de publier un livre sur la connaissance de soi. La question de la connaissance de soi est-elle récente ?
José Le Roy : Non. Elle est aussi ancienne que l’homme probablement. L’homme est l’être pour lequel la question de son propre être se pose. Il existe et s’étonne de sa propre existence ; Je suis, oui, mais Qui suis-je ? Qui est là en train de vivre ? Qu’est-ce que le je ?
Almora : est-ce une question qui n’apparait qu’en Occident ?
José Le Roy : Elle est liée pour nous à la philosophie grecque avec le fameux « Connais-toi toi-même », mais on trouve aussi la question en Orient par exemple en Inde : « Ko’ham ? » Qui suis-je ? en sanskrit. J’ai voulu donner dans mon livre des références occidentales mais aussi orientales. La question de la connaissance de soi est universelle.
Almora : Mais on n’a pourtant pas l’impression que les individus soient bien soucieux de savoir qui ils sont ?
José Le Roy : C’est vrai. Beaucoup de personnes ne semblent pas inquiets ou curieux de savoir ce qu’ils sont. Mais c’est sans doute parce que nous pensons nous connaitre. Je suis moi, Pierre Dupond, avocat, père de trois enfants, français. Point final.
Almora : Et bien sûr ces réponses ne sont pas suffisantes.
José Le Roy : Elles sont suffisantes peut-être pour fonctionner et vivre dans la société, mais elles sont très superficielles.
Almora : Si l’ignorance sur soi-même est suffisante pour fonctionner, comme vous le dites, alors pourquoi chercher à se connaitre ?
José Le Roy : Les traditions sont unanimes : la connaissance de soi est une condition de la sagesse et du bonheur. Voici ce que dit Ramana Maharshi, le grand maitre indien du XXème siècle : «Tout être brûle du désir d’être toujours heureux, inaffecté par la tristesse ; et chacun a le plus grand amour pour soi-même, ce qui est dû au simple fait que le bonheur est sa vraie nature. Par conséquent, afin de réaliser ce bonheur inhérent et inaltérable qu’il éprouve bien chaque jour lorsque son esprit est plongé dans le sommeil profond, il est essentiel qu’il se connaisse. Pour obtenir une telle connaissance la question « Qui suis-je ? » dans la voie de la recherche du Soi est le meilleur moyen. »
Almora : Mais la connaissance de soi telle que vous l’entendez est très différente d’une simple connaissance psychologique ?
José Le Roy : Oui, absolument. Par connaissance psychologique on veut dire connaissance de ses émotions ou de son caractère. Tout cela est intéressant mais ne répond pas encore à la question de savoir QUI a ses pensées ou QUI a tel ou tel caractère. Il faut aller plus profond, au-delà de la psychologie.
Almora : Mais peut-on vraiment se connaitre ?
José Le Roy : De nombreux philosophes et cela depuis l’Antiquité ont prétendu que c’était impossible. En effet un sujet peut connaitre des objets parce qu’il est différent des objets, mais comment le sujet pourrait-il se connaitre lui-même ? Je ne peux pas être à la fois au balcon et me voir passer dans la rue !
Almora : Oui car nous sommes déjà qui nous sommes ?
José Le Roy : En effet, mais nous l’avons oublié. C’est pourquoi la connaissance de soi est une reconnaissance de soi. En fait le chercheur est le cherché ; Il y a là un paradoxe.
Almora : Comment faire alors ?
José Le Roy : Eh bien, je crois que ce problème est sérieux mais pas insurmontable. Je peux déjà prendre conscience de ce que je ne suis pas. Suis-je le corps ? Suis-je le personnage social ? Suis-je mes pensées ?
Almora : En fait vous montrez qu’on s’identifie à ce qu’on n’est pas.
José Le Roy : Oui il faut apprendre à distinguer entre ce que nous sommes vraiment et ce que nous croyons être, disons entre notre essence et nos apparences. Le grand philosophe indien Shankara le formulait ainsi : nous surimposons le non-soi sur le soi.
Almora : Vous citez beaucoup d’auteurs dans le livre ; De qui êtes-vous le plus proche ?
José Le Roy : On sait que j’ai été un grand ami de Douglas Harding dont l’approche m’a beaucoup impressionné. Mais mes sources sont aussi : Plotin et Maitre Eckhart pour l’Occident ; Shankara, Abhinavagupta pour l’Inde et les grands maitres du bouddhisme Chinois T’chan comme Houei-Neng ou Houang-Po.
Almora : Pensez-vous qu’aujourd’hui la connaissance de soi au sens où vous l’entendez suscite l’intérêt ?