Béatrice est une ancienne danseuse nue, du Cabaret de l’amour, camion parcourant les routes de France et de Navarre pour le bonheur des spectateurs venus assister à ce qu’elle appelle sa disparition : alors que la nudité est révélée, l’esprit s’échappe et se libère accédant à une forme d’extase. Mais, après plusieurs drames, Béatrice se retrouve seule à devoir élever ses deux enfants, dans un petit deux pièces tout près du Père Lachaise, travaillant comme auxiliaire de puériculture dans un service mère-enfant. Alors qu’elle dansait libre de tout carcan, la voilà attifée d’une blouse et de sabots, devant faire face à ses collègues médisantes et aux caprices des médecins, tout en veillant les jeunes accouchées et leur progéniture.
Il ne s’agit pas d’un roman mièvre sur les bonheurs de l’enfantement mais bien d’un texte intime sur les difficultés d’être une femme confrontée à la réalité de la maternité. Donner la vie semble souvent synonyme de donner la mort dans cet hôpital et les naissances sont bien souvent difficiles, laissant les femmes en vrac, passant d’un corps resplendissant dans le meilleur des cas à un corps souffrant, toujours célébré au fil des pages.
Faire naître un enfant peut-être le signe d’un bonheur ineffable mais s’avère parfois être le début d’une chute à deux, ou à trois.
C’est finalement la question de la norme, quand on devient mère, qui est pointée à plusieurs reprises: a-t-on le droit moral de ne pas vouloir nourrir soi-même son enfant, peut-on vivre son accouchement comme un acte sexuel, peut-on accepter la vie une fois que l’on a donné la mort ? Et peut-on choisir une vie autre que celle répondant à la triste trinité métro-boulot-dodo ?
Les enjeux de l’allaitement, des difficultés rencontrées et des ravages sur l’amour maternel, sont assez développés.
Même si je n’ai pas été particulièrement séduite par l’écriture de Julie Bonnie, j’ai apprécié de lire ce court texte sonnant comme une éloge de la femme. Cependant, je le déconseillerai fortement aux femmes enceintes (ou aux futurs pères) car le texte soulève de nombreuses angoisses qui ne sont pas forcément faciles à évacuer…
Julie Bonnie, Chambre 2, éditions Belfond, Août 2013