PS : la meilleure des droites

Publié le 10 septembre 2013 par Labreche @labrecheblog

Il y a vingt-sept ans, deux intellectuels de gauche signaient un essai à charge contre le gouvernement élu sous l'étiquette du Parti socialiste. La thèse est simple : le Président Mitterrand, ses ministres, les responsables du PS, ne sont plus vraiment à gauche. Il ne sont pas non plus une « fausse gauche », qui gouvernerait sous les simples apparences du socialisme. Ils sont bien plus une vraie droite. La deuxième droite. D'une justesse cinglante, La deuxième droite retrouve toute son actualité sous la triste mandature Hollande.

Fausse gauche ou vraie droite ?

La critique de gauche du gouvernement actuel n'a pas attendu cette fois. Elle s'est exprimée dès la fin de 2012 et a donné lieu, d'ores et déjà, à diverses publications (L'étrange capitulation de Laurent Mauduit est la plus exposée) et à une floraison de sites parfois très précis. Il faut avouer que le Président Hollande et son équipe n'ont pas cherché un instant à dissimuler leurs intentions, une fois le pouvoir conquis.

Il est particulièrement intéressant au regard de l'interminable litanie des déceptions et des reniements de retrouver La deuxième droite grâce aux éditions Agone, maison marseillaise inscrite dans le sillage de la revue du même nom, et à laquelle on doit entre autre nombre de rééditions cruciales. Publié pour la première fois en 1986, l'ouvrage de Jean-Pierre Garnier et Louis Janover apporte un regard différent sur ce débat qui a le défaut de facilement tourner en rond à partir du moment où l'on s'en tient à distinguer une « vraie » gauche qui ne pourrait gouverner et une « fausse » gauche qui trahirait son électorat.


Cette réédition de La deuxième droite (révisée pour en atténuer les rares aspects datés, et précédée de l'article « Ils ont gagné ! » de 1981) propose à son tour une thèse plus efficace. La trahison des idées de gauche ne résulte pas irrésistiblement de l'arrivée au pouvoir. Elle est la conséquence des convictions viscérales des dirigeants socialistes qui, non seulement ne sont pas une « fausse » gauche ou une gauche modérée, mais bel et bien une droite, nouvelle, différente de la première mais visant aux mêmes objectifs, et qui ne s'en est profondément jamais caché et ne le peut d'ailleurs pas.

Des discours curieusement transparents

Comment qualifier autrement que d'authentiquement de droite des figures telles que Michel Rocard, Jean-Pierre Chevènement, Laurent Fabius, et quelques autres que l'on retrouve d'ailleurs parmi les principales figures gouvernementales aujourd'hui ? Les discours sont ici rappelés dans toute leur netteté, et ne demandent jamais de savant décryptage pour en arriver aux mêmes conclusions que MM. Garnier et Janover.

Déjà, François Mitterrand était le premier à rejeter avec la même vigueur « société d'assistés » et « société de la jungle » (p. 50). Derrière lui les caciques du PS enchaînaient des poncifs presque tout aussi creux que ceux de leurs cadets des années 2010. « Être socialiste, c'est, avant tout, ne pas se satisfaire de la société telle qu'elle est » (Laurent Fabius). « La politique que nous menons est socialiste en premier lieu parce qu'elle est menée par les socialistes » (Lionel Jospin). « Il s'agit de donner un sens socialiste aux mesures gouvernementales » (Michel Sapin). Comme le relèvent les auteurs, « le tampon sur la carte du PS tient lieu maintenant de passeport politique lorsqu'ils cherchent à vérifier leur propre identité ». La politique menée, elle, n'est en rien socialiste, comme l'avouera le trop honnête candidat Jospin en pleine campagne  présidentielle de 2002.

Et puis, parmi tout ceux-là, il y a Michel Rocard, toujours enclin à pencher, lui, du côté de la première droite. Avant la fameuse « misère du monde » en 1990, il avait déjà osé, par exemple : « Là où il n'y a plus de compétition, il n'y a plus de vie. La compétition est de l'ordre du biologique » (p. 41-42).

Les discours, les mots des socialistes, ne trahissent pas mais annoncent, préviennent, des options prises avec franchise lorsqu'il s'agit de gouverner. Les politiques d'austérité appliquées avec brutalité à partir de 1983 tout autant que depuis le printemps 2012 sont d'ailleurs, à trente ans d'intervalles, justifiées identiquement par leur nécessité, et par l'absence « d'autre possible, compte tenu des contraintes environnementales » (p. 76-77).

L'histoire se répète : d'une farce à l'autre

Conversion au productivisme capitaliste, cadeaux aux chefs d'entreprise, affaiblissement de l'État par la décentralisation, perpétuation et institutionnalisation des inégalités au travail et à l'école, promotion des contrats précaires comme solution (statistique au moins) au chômage, menées guerrières... Le tout, toujours, paré des atours de la « modernisation » chère aux cadres du parti. Si l'on est par hasard frappé d'amnésie, La deuxième droite rappelle intelligemment combien les déceptions actuelles ne font que répéter ce que le PS, hier, avait déjà infligé de trahisons à ses propres électeurs.

Écrivant La deuxième droite, les deux auteurs voyaient se profiler les élections législatives de 1986 et l'échec du PS à conserver sa majorité. Deux ans de gouvernement Chirac avaient ensuite suffi à François Mitterrand pour conserver l'Élysée. Aujourd'hui, le calendrier électoral laisse au président Hollande les mains libres pour appliquer sans frémir son sinistre agenda, sans même avoir pris les précautions de ses prédécesseurs repoussant les mesures d'austérité entre 1981 et 1983. Nouveau chantre de la deuxième droite, le second François envoyé par le PS à la Présidence ne se laisse cependant aucune issue, pour le jour où il devra rendre compte devant les électeurs.

Jean Pierre Garnier & Louis Janover
La deuxième droite
Agone, coll. Contre-feux, avril 2013 (1re édition 1986), 316 p.
Prix éditeur : 20 €

Crédits iconographiques : 1. © T - D / Agone | 2. Chevènement, Rocard, Jospin, Fabius, Mauroy, au Congrès du PS à Toulouse en 1985 © AFP | 2. François Hollande et François Mitterrand en 1981 © AFP | 3. © Le point du jour/Gérard Drolc.