Et si l'intervention était finalement inutile ?
On n'en sait pas davantage, au petit matin du 10 septembre. En Syrie, la situation évolue, et reste la même. Elle évolue puisque les partisans du statu-quo stressent et changent. Elle reste la même puisque la guerre est et sera encore là.
Preuve numéro 1: Bachar El Assad stresse.
Bachar El Assad est encore dans les médias, cette fois-ci sur CBS et PBS, deux chaînes américaines. Il récuse toute responsabilité personnelle dans le massacre chimique du 21 août. Après son entretien au Figaro il y a quelques jours, il multiplie les gestes pour convaincre de sa bonne cause. Des journalistes occidentaux ont même été invités à Damas.
Bref, il stresse.
Preuve numéro 2: Poutine bouge enfin.
Vendredi dernier, lors du G20, Vladimir Poutine était sorti grand vainqueur. Lundi 9 septembre, la Russie enjoint officiellement la Syrie de placer ses stocks d'armements chimiques sous contrôle international. L'idée lui a-t-elle été soufflée par John Kerry ? Sans doute. Quelques heures plus tôt, le secrétaire d'Etat américain lançait: "Bien entendu (Bachar al-Assad) pourrait restituer l'intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale, dans la semaine à venir, tout rendre, tout sans délai (...) Mais il n'est pas prêt de le faire, et il ne le peut pas." Et le ministre des Affaires étrangères russe de "répondre":
"Nous appelons les dirigeants syriens à non seulement accepter de placer sous contrôle international leur stock d'armes chimiques, et ensuite à le détruire, mais aussi à rejoindre pleinement l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques" Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères de Russie.Preuve numéro 3: Assad prêt à céder
Le leader syrien stresse (cf. preuve numéro un), mais voici qu'il semble céder. Lundi soir, on comprend qu'il accepte la proposition russe. Il avoue donc détenir des armes chimiques, et il accepte(rait) d'en céder le contrôle. Quelle nouvelle ! Une vraie avancée. C'est un pas sans doute décisif. Mais techniquement, comment détruit-on 1000 tonnes de gaz mortels stockés un peu partout sur le territoire ?
La #Syrie aurait-elle accepté un contrôle international de ses armes chimiques si #Obama et #Hollande ne l'avaient pas menacée de frappes?Preuve numéro 4: les prémices d'une coalition internationale ?
— veronique maurus (@vmaurus) September 9, 2013
Lundi après-midi, le Royaume Uni s'est rallié à la proposition russe. Angela Merkel, bloquée dans un silence pré-électoral, a jugé la proposition de la Russie "intéressante", à condition que "les actes suivent". En France, Laurent Fabius a accepté la proposition, mais sous trois conditions: qu'il y ait des "engagements précis, rapides et vérifiables". Même aux Etats-Unis, l'idée a porté, Hillary Clinton, ancienne (et brillante) secrétaire d'Etat, commente: "cela ne peut pas être une nouvelle excuse pour un délai ou une obstruction". Barack Obama, lundi soir (heure française) reconnaissait "l'avancée".
Preuve numéro 5: John Kerry s'est calmé
La pression contre une intervention trop rapide a aussi fait ses preuves: John Kerry, qui n'hésitait pas il y a peu à évoquer la possibilité d'une opération au sol, a battu en retraite. Son président a décidé de consulter son Congrès, pour y trouver la légitimité que l'ONU refusait à une sanction du régime syrien. Et lundi, avant même le vote du Congrès, les officiels américains expliquaient qu'une éventuelle intervention militaire serait "limitée dans son envergure et sa durée", et sans troupes au sol.
Il faudra encore attendre, quelques heures, quelques jours, pour savoir si les Etats-Unis sont en vrille pour une intervention militaire. Lundi 9 septembre, Susan Rice insistait encore, en direct sur CNN: "Il n'y aucun doute de ce qui s'est passé le 21 août." La conseillère à la sécurité de Barack Obama décrit l'horreur, comme d'autres avant elle. Elle surjoue l'émotion pour rompre la frilosité des élus. On connait cette chanson-là.
Contre-preuve.
Il apparaît donc possible que les Etats-Unis et/ou la France cessent d'envisager une action de représailles en Syrie. La guerre, donc, se poursuivra. Les "pacifistes" ne seront plus là pour commenter. Il y eut dans le passé quelques interventions militaires sans cette légalité internationale qui exige l'accord de la Chine ou de la Russie. Certaines ont été détestables, d'autres ont sauvé quelques vies.
[Nous avons tous un avis sur ce qu'il convient de faire et de ne pas faire en Syrie. Le débat s'est rapidement focalisé sur une guerre occidentale en Syrie, comme hier en Irak ou en Afghanistan. C'était faux, dès le début. Mais cela permettait à quelques-uns de surjouer l'offensive atlantiste inefficace et impérialiste. L'excellente nouvelle de ces dernières heures, à confirmer, est qu'une menace forte a encore du sens. La terrifiante nouvelle est donc que la guerre, cette guerre, se poursuivra. Et, sans doute, Bachar el-Assad gagnera. Ce jour venu, nous nous souviendrons. De chacun.]