Suda Goichi, dit Suda 51 ("Go" pouvant se traduire par 5 et "ichi" par 1 en japonais) est né le 2 Janvier 1968 à Nagano au Japon. Après une douzaine de petits boulots dont aucun ne le prédestine au monde du jeu vidéo il est embauché chez Human Entertainement, une société de création et d'édition de jeux fondée en 1983, pour travailler sur "Super Fire Pro Wrestling 3" (SuperNes) en tant que scénariste du à sa passion et ses connaissances sur le monde du catch. Il enchainera ensuite avec "Super Fire Pro Wrestling Special" dont la fin spectaculaire et choquante est un des prémices des univers décalés, violents et érotiques qui seront la marque de fabrique de Suda Goichi plus tard.
Il continuera aussi avec la saga de jeu horrifique "Syndrome", en tant que scénariste et directeur de projet, 3 jeux qui resterons exclusifs à l'archipel Japonais.
Sentant le vent tourner il quitte Human Entertainement en 1998, peu avant le démantèlement de la société, et fonde Grasshopper Manufacture dont le premier jeu "The Silver Case", développé avec seulement deux autres personnes, est un succès. Ce sera le début de la thématique du meurtrier, qui reviendra dans presque tous les jeux de Suda51 et des scénarios alambiqués, inhérents à Grasshopper.
Les jeux se succèdent et la société s'agrandit, après "Flower, Sun and Rain" et deux épisodes de "Shining Soul" (le seul rpg traditionnel développé par Grasshopper) vient l'excellent mais frustrant "Michigan : Report from Hell" sur playstation 2, qui plaçait le joueur dans la peau d'un cameraman parti filmer des évènements surnaturels et gore pour "Zaka TV". Le gameplay était particulier, tout dépendait de ce que vous choisissiez de filmer pour faire intervenir ou non les autres protagonistes, il y avait plusieurs fins mais chacune vous laissait avec de nombreux mystères non résolus. En 2009 Suda évoquait l'idée de faire une suite ou un remake de "Michigan" mais depuis le projet semble avoir été abandonné.
Scénario complexe, hectolitres de sang et interactions coquines avec les personnages féminins, tous les ingrédients d'un jeu "Suda51" était là !
Mais ce qui reste à ce jour le plus grand succès de Suda51 et du studio Grashopper c'est bien "Killer7" sorti en 2005 sur PS2 et GameCube et produit par Capcom. Avec son scénario mature, enchevêtré et plein de surprises, ses graphismes fins dignes d'une bande dessinée et son gameplay à la fois complexe et original le jeu à su conquérir le cœur des joueurs grâce à son coté expérimental, déviant et décalé. La musique, composée par Masafumi Takada (Compositeur ayant travaillé sur tous les jeux de Suda Goichi mais également sur des productions externes comme Vanquish et Kid Icarus), était également l'un des point fort du jeu. L'accueil critique et commercial est excellent bien que certains ne pardonnent pas à cet ovni vidéoludique ses quelques défauts comme un système de sauvegarde pénalisant et des allers-retours entre les zones trop nombreux et longs en cas de mort d'un personnage. Une série de comics en 12 volumes basé sur le jeu fut édité afin d’approfondir l'histoire mais finalement annulée après le 4eme, un épisode spécial, le "numéro 0" avait été offert aux pré-commandes du jeu, tandis qu'un autre le "numéro 1/2" fut distribué à quelques fans chanceux durant le Comic-Con de San Diego en 2005. Suda Goichi a confié vouloir créer une suite de Killer7 mais Capcom possédant les droits du jeu s'y est opposé malgré les nombreuses demandes des fans.
Le thème de l'assassin en personnage principal deviendra quasiment une constante chez Suda51Les jeux s'enchainent ensuite avec notamment quelques licences adaptées d'animés comme "Blood +" et "Samuraï Champloo" pour lesquels en plus de sa casquette de directeur de projet Suda Goichi sera designer. Les téléphones mobiles japonnais auront droit à "Silver Incident 25 Ward" qui conte de nouvelles aventures des personnages de "The Silver Case". Enfin la Nintendo DS recevra "Contact" qui, malgré son étiquette RPG se révélera une création tout à fait originale avec une dimension sociale novatrice : les amis possédant le jeu apparaissent comme PNJ dans l'aventure et fournissent quêtes et objets entre autres.
En 2008 la bombe "No more Heroes" est lâché ! Certaines critiques vont jusqu'à dire que le jeu exploite tellement bien la totalité des capacités de la Wii qu'aucun ne pourra faire mieux après ça. Malgré des avis presse élogieux, un humour décapant et une violence jouissive le jeu reçoit un accueil mitigé au Japon, les ventes aux États Unis et en Europe restent cependant satisfaisantes sans doute grâce au coté très occidental du design et de l'ambiance. En 2010 une suite : "No more Heroes : Desperate Struggle" arrive, toujours sur Wii, si le succès critique est encore une fois au rendez-vous les ventes restent faibles, la sauce : parodie à l'américaine de la culture pop japonaise, ne semble pas faire l'unanimité. C'est probablement dut au choix d'un développement exclusivement sur la console de Nintendo qui ne réunit pas le public ciblé par une production aussi adulte. La PS3 et la Xbox360 finiront d'ailleurs par avoir droit à un remake du premier jeu intitulé "No more Heroes : Paradise" bien mieux accueilli même si il est plutôt ironique de constater que la version Xbox n'est sortie qu'au Japon ! Fans comme testeurs sont d'accord pour dire que le diptyque "No more Heroes" condense tout ce qui fait la "patte" Suda51 : Des graphismes façon dessin animé, une violence sans limite (le jeu à été censuré dans certains pays), un humour débridé qui joue sur les clichés et la caricature avec délice, et des personnages féminins à la plastique de rêve qui donnent droit à des scènes joyeusement coquines.
En 2011 c'est "Shadow of Damned" qui arrive dans nos consoles Xbox360 et PS3 et si Suda51 s'est associé à Shinji Mikami, créateur de la saga Resident Evil, et Akira Yamaoka, le compositeur de la musique de Silent Hill, la sauce ne prend pas, principalement à cause de l'implication d'Electronic Arts en tant que producteur, qui bride énormément les développeurs afin que le jeu ressemble plus à un action-shooter à la troisième personne, plus vendeur à cette période là. Si le coté "what-the-fuckesque", les allusions sexuelles et la violence sont bien là, ont sent qu'il manque quelque chose, le point de vue de la camera est parfois désagréable, la visée pénible, la difficulté horriblement mal gérée. Au final c'est Arthur Gies, journaliste chez IGN, qui résumera le mieux ce qu'on peut ressentir face à "Shadow of Damned" :"Si il semble que je me focalise sur le style de Shadow of Damned plutôt que sur son gameplay, c'est parce qu'il est difficile d'avoir un avis solide sur le genre de jeu qu'il tente d'être. [...] Il y a bien cette méchante plantureuse qui vous taquine un moment avant que vous puissiez la combattre, ce boss gigantesque dont le pont faible est un bijou fait de sang humain et une abondance de phases de tir à la troisième personne, mais rien de tout ça ne se démarque vraiment par rapport au style habituel pour lequel Suda est connu."
Si Akira Yamaoka à admit en 2012 qu'il aimerait beaucoup travailler sur une suite du jeu, l'opinion très négative de Suda51 sur EA suite à leur collaboration laisse peu de place à cette perspective.
due à une mauvaise gestion du scrolling.
En 2012 Grasshopper rencontre Digital Reality, un studio hongrois aux créations originales, de leur union nait le magnifique "Sine Mora" pour lequel Suda Goichi officie en tant que Designer. J'ai déjà rédigé ma critique de "Sine Mora", je vous invite donc à la lire si vous voulez en savoir plus sur le jeu, j'ajouterai simplement que même si le jeu à été critiqué pour son aspect trop simpliste pour les habitués du shoot'em up mais trop difficile pour les novices, il a été très bien accueilli grâce à sa qualité graphique indéniable et son univers particulier, complexe et attachant. Il est l'un des rares shmup avec un scénario aussi élaboré, qui nécessite plusieurs analyses, non seulement à cause de son sujet de voyage temporel dans lequel on s’emmêle les pinceaux au début mais aussi à cause de sa "vraie" fin qui ne se débloque qu'après avoir fini une première fois le jeu.
Si Sine Mora est d’abord une exclusivité Xbox Live Arcade son succès le portera ensuite vers Steam et le Playstation Network, pour le plus grand plaisir de ses créateurs et de leurs adeptes.
Digital Reality et Grasshopper nous ferons un deuxième petit en 2012, toujours sur le Xbox Live Arcade, il s'agit de "Black Knight Sword" un magnifique jeu de plate-forme/aventure en vue de coté (à la "Flashback") au parti pris graphique original : L'ensemble semble se dérouler sur une scène de théâtre et les personnages et les décors paraissent être des marionnettes de papier, dessinés, découpés et animés. Un mélange entre le théâtre d'ombre Japonnais traditionnel et l'animation Tchèque. L'histoire est un pied de nez aux contes traditionnels puisqu'il s'agit ici d'incarner le chevalier noir et son épée magique pour aller tuer la cruelle princesse blanche. On retrouve des éléments chers à Suda51 notamment de belles giclées de sang pendant les phases de combat et de la bizarrerie avec les têtes de chat en pot à collecter. "Black Knight Sword" est l'un des rares jeu du studio Grasshopper entièrement doublé en Français et c'est une pure merveille en tous points : tant par sa narration, son univers visuel que son gameplay. Un bijou !
Entre temps Suda a pris le temps de développer "Diabolical Pitch" (toujours en exclusivité sur Xbox) un jeu Kinect original ou l'on incarne un joueur de baseball armé d'une balle et d'une batte pour éliminer des adversaires loufoques et effrayants dans une fête foraine hantée. La sortie du jeu à été plutôt discrète et même si il n'est pas révolutionnaire il a le mérite d'être l'un des rares jeux orienté adulte utilisant les fonctionnalités kinect et l'un des rares jeux Grasshopper à pouvoir se jouer à deux simultanément.
Du WTF en veux-tu en voilà !
Après quelques autres productions qui restent cantonnées au Japon comme un jeu PSP sur la licence Evangelion ou "Dark Menace" un shooter pour téléphones mobiles, Suda nous livre un très gros morceau avec Lollipop Chainsaw ! Ce sera non seulement le début de la collaboration de Suda51 et Jessica Nigri, qui deviendra l'emblème vivante du jeu, mais aussi de ma passion pour le monsieur ! Le jeu est un beat'em all mettant en scène Juliet Starling une pom pom girl issue d'une famille de chasseurs de zombies dont le lycée est attaqué par des hordes de morts-vivants. Le jeu, assez court, est basé sur un système de scoring invitant à la rejouabilité. Les graphismes façon BD animée, avec ses personnages qui semblent avoir été dessinés au feutre noir avant d'être modélisé en 3D, sont une réussite même si ils n'ont pas fait l'unanimité. Le jeu reprend tous les codes de Suda51 : de l'humour à foison : les personnages sont de véritables parodies de ceux qu'on trouve dans les séries américaines. Une musique de qualité : chaque niveau est d'ailleurs illustré par un style musical : funk, métal... Et les morceaux choisis, que l'ont peut réécouter à loisir, comme "Lollipop" des Chordettes ou "Cherry Bomb" du groupe Runaway, sont un véritable plaisir pour les oreilles. Les gerbes de sang sont bien présentes, agrémentées de paillettes et de petits cœurs, voilà pour la violence et le WTF !
Si l'ont reprochera au jeu d'être un peu trop court et de présenter quelques soucis de gameplay, comme la possibilité d'être interrompu et enchainé en plein milieu d'un combo, il s'agit là sans doute d'une des meilleures productions de Suda Goichi rien que pour son humour décapant.
Nous voilà arrivé en 2013 et Grasshopper lâche sa dernière création, une production plus personnelle selon Suda, "Killer Is Dead" est né.
Une sorte de condensé de tout ce qui fait Suda Goichi.
Des graphismes qui rappellent forcément Killer7, un gameplay plus proche de Lollipop, un héros, assassin, mélange de tous les précédents personnages masculins de Suda51, la Lune qui a souvent eu une place centrale dans les productions Grasshopper et des femmes aux formes généreuses et séduisantes à souhait.
Mondo Zappa, le héros, (qui partage son nom à la fois avec Sumio Mondo de "Flower, Sun and Rain" et le musicien Franck Zappa) travaille comme assassin pour une organisation gouvernementale, pour mener à bien ses contrats il possède un katana capable d'absorber le sang de ses ennemis et un bras robotisé qu'il peut transformer en arme à feu : musselback. Si le scénario à été jugé, tant par les critiques que les joueurs, comme beaucoup trop complexe voir même carrément incompréhensible par moment, le gameplay est un petit bijou de nervosité, basé sur le timing, à la façon d'un Bayonetta.
Le jeu est toujours un beat'em all, plus long que Lollipop et qui reprend un système de scoring similaire à ce dernier. Entre les missions il est possible d'effectuer des défis annexes permettant de débloquer toutes sortes de costumes, bonus et objets, ou bien de choisir les épreuves "gigolo" qui consistent en un mini jeu de séduction. Épreuves de charme qui ont d'ailleurs été critiquées pour leur sexisme puisqu'elle repose sur le fait d'offrir des cadeaux aux belles afin de pouvoir coucher avec elle, cependant même une féministe comme moi à du mal à appuyer cette critique connaissant l'amour de Suda Goichi pour le 30 000eme degré et les pavé jeté dans la mare ! D'ailleurs le mode s’appelle "gigolo" et non pas "prostitué" car même si il convient de séduire les dames avec du parfum ou des gâteaux c'est bien elles qui nous paient après les avoir rejoins au lit en nous donnant des armes et des cristaux. Je reprocherai plus à ces défis d'être répétitifs et de manquer d'originalité.
Outre cela les graphismes, si ils donnent au jeu son style si particulier, ont le défaut d'être beaucoup trop sombres (même en poussant la luminosité au maximum), gênant durant certains passages comme le jardin japonais.
Malgré tout Killer Is Dead est un jeu à faire pour son gameplay et ses défis corsés, plus oriental dans sa narration que ses prédécesseurs, il monte encore d'un cran la maturité des productions Grasshopper.
Jessica Nigri est toujours présente pour faire la promo du jeu Du sang...
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... et du sexe.
Il est amusant de constater qu'avant son embauche chez Human Entertainement monsieur Goichi était entrepreneur de pompes funèbres ! Il en parle encore aujourd'hui comme d'une expérience qui à contribué à sa vision du jeu-vidéo : "Je suis sans doute l'un des rares créateur de jeux à parler de la mort en ayant vraiment vu des cadavres dans ma vie !", et ce n'est surement pas étranger à la persistance des personnages d'assassins charismatiques présent dans ses jeux :"Le fait d'être un assassin c'est pour moi le meilleur moyen de représenter dans un jeu l'idée qu'il y a une petite ligne qui existe entre la vie et la mort, pas seulement le simple fait que si on perd un combat, on meurt."
De l'avenir on ne sait pas grand chose hormis l'arrivé d'un nouveau "Liberation Maiden" sur PS3 et le futur "Lily Bergamo", un jeu d'action annoncé comme exclusif à la PS4 et qui partagera le même designer que "No more Heroes", mais je gage que Suda Goichi, surnommé par certains le Hitchcock du jeu-vidéo, a la tête qui bouillonne d'idées, de scénarios Kafkaïens, de personnages délurés, et d'univers accrocheurs, et nul doute quand on voit le chemin parcouru par le monsieur depuis 20 ans qu'il sera là pour nous surprendre pendant encore longtemps.