Ce sont des souvenirs. Ceux des autres, la mère et le père. Ce sont deux vies, qui ont connu des guerres. Où l’amour est venu, où il a attendu, d’où sont nés les enfants, le grand au début de la guerre, et la p’tite après (« les guerres / charrient / dans leurs gravats / l’enfance / des petits / qui auraient pu / être des p’tits »). Ce sont deux existences, qui ont traversé des difficultés matérielles, des peurs, des fatigues, des bonheurs. Le tout n’est certes pas de tout dire, mais dans l’écriture de Christiane Veschambre le pique-nique devient une aventure inoubliable, la dispute fait de l’homme et de la femme deux solitudes d’une insondable tristesse, le siècle dépose ses espoirs, ses déchirures, ses solidarités. C’est presque rien, mais c’est tellement ! Et on connaît de Robert, cet homme, ce soudeur, assez pour en partager la joie du jour ; et de cette femme, qui fait les ménages à la Sécurité Sociale ou chez Monsieur Grenier, on apprend par les brefs récits qu’elle a livrés comment elle est devenue Joséphine, elle qui aurait pu n’être personne. Ce recueil rejoint le genre littéraire du Tombeau poétique, célébrant les disparus, à qui l’auteure doit la vie, en les rendant éternels.