Le gouvernement se félicitait la semaine dernière de la hausse seulement modérée du chômage et se réjouit d'avance d'infliger aux Français des hausses d'impôts moins importantes que prévu. En ces circonstances, la rédaction de Contrepoints et moi-même lui adressons nos plus molles félicitations.
Par Baptiste Créteur.
Certes, le demi-échec des contrats d'avenir est à déplorer ; le public n'a pas assez de moyens, le privé a trop de préjugés. Si on ne s'y prend pas dès l'école, il est difficile de déconstruire les enfants et d'éviter qu'ils ne soient formatés par une culture qui refuse de comprendre que filles et garçons ne sont pas seulement égaux, mais aussi indifférenciés ; ensuite, il est trop tard, et bien sot celui qui vous accuserait d'un échec qui ne tient qu'aux stéréotypes qu'ont les chefs d'entreprise et les chargés de ressources humaines au sujet des jeunes de Zones Urbaines Sensibles®.
Évitons de nous attarder sur ce sujet après tout secondaire ; nous avons bien mieux à faire, comme par exemple attaquer la Syrie renverser un régime dictatorial rétablir l'ordre dans une ancienne colonie éviter qu'un État ne s'en prenne à sa population à coup d'armes non conventionnelles. Comme le soulignait h16, qu'on massacre à l'arme conventionnelle, passe encore, mais à l'arme chimique, no pasaran.
Souligner le demi-échec des contrats d'avenir serait d'autant plus malvenu qu'un demi-succès est à célébrer : certes, le chômage augmentera, mais de façon modérée. Ce n'est pas un demi-échec ; c'est un demi-succès. On sent d'ailleurs dans ce demi-succès le frémissement, la réduction de la pente préalable à l'inversion de la courbe du chômage.
Monsieur Sapin, félicitations. [1]
Dans un communiqué, le ministre du Travail Michel Sapin s’est félicité d’une progression «plus modérée» du taux de chômage par rapport au trimestre précédent. En hausse depuis mi-2011, le taux de chômage a augmenté de 0,1 point sur un trimestre, conformément aux prévisions de l’Insee, alors qu’il avait bondi de 0,3 point au premier trimestre.
L'action du gouvernement porte ses fruits :
La situation «s’améliore», signe selon Michel Sapin que «l’action du gouvernement sur le front économique et le front des politiques de l’emploi commence a porter ses fruits». Depuis un an, le président François Hollande martèle son objectif d’inverser la courbe du chômage à la fin 2013.
Les pessimistes, les mauvaises langues, les partisans du France-bashing et du anti-hollandisme avaient tort ; comme Jean-Marc Ayrault l'annonçait déjà quand la croissance caracolait à 0,5%, conséquence de l'équilibre subtil de la politique gouvernementale.
La dernière publication du nombre d’inscrits à Pôle emploi, à fin juillet, montrait elle aussi une hausse moins marquée (+6 300 chômeurs sans activité en juillet en métropole). «Le chômage, quelle que soit la mesure utilisée, ralentit», se réjouit Michel Sapin.
Les mauvaises langues diront que le chômage ne ralentit pas autant que l'activité, mais elles auront évidemment tort une fois de plus. Comment l'activité pourrait-elle ralentir alors que les impôts supplémentaires levés représenteront beaucoup moins que les 6 milliards prévus ? [2]
Les mauvaises langues évoqueront aussi des fusillades qui semblent se multiplier, et une prise d'otages passée sous silence dans un hôpital à Marseille. Comme si, et de folles rumeurs faisaient déjà état d'une forme de censure lorsque de jeunes sacripants pillaient un train saboté qui avait déraillé, on cherchait, en France, à taire certains évènements !
Non seulement, la censure n'existe pas, mais en plus, ce qu'on pourrait prendre pour une hausse des violences et de la criminalité n'en est pas une. La prise d'otages est on ne peut plus justifiée :
L'homme était hospitalisé pour une blessure par balle à la jambe, survenue lors d'une altercation dans un bar du quartier Saint-Antoine, au nord de la ville. Il se trouvait dans le service de chirurgie thoracique de l'établissement.
Un mauvais regard, le ton monte, on s'emporte, on en vient aux mains, et quelqu'un prend un pruneau. Un grand classique de la loi de la jungle que certains partisans du néo-libéralisme anglo-saxon aimeraient voir revenir, ce far-west violent des quartiers Nord ; pourquoi s'émouvoir d'une blessure à la jambe, quand la population syrienne est massacrée par l’État ET les rebelles ?
Et comment ne pas comprendre que l'individu s'emporte une nouvelle fois alors que, blessé et amoindri, il se rend compte qu'il se trouve en chirurgie thoracique pour une blessure à la jambe ? D'autant plus que ses agresseurs semblaient vouloir s'assurer que le travail avait été mené à la bien à bien :
Persuadé que ses agresseurs allaient venir le traquer à l'hôpital, il aurait pris en otage et menacé plusieurs infirmières vers deux heures du matin. «Il a fait irruption dans les couloirs du service, un revolver à la main. Il interdisait à quiconque d'entrer ou de sortir de l'unité, menaçant de buter le premier qui désobéirait ou qui donnerait l'alerte», raconte à La Provence le professeur Pascal Thomas. «Il était convaincu que ses agresseurs le cherchaient partout dans l'hôpital pour l'exécuter. Alors il s'est fait amener une arme par un ami»
Ouf, l'ordre règne ; on peut encore se faire amener une arme par un ami à l'hôpital lorsqu'on ne se sent pas en sécurité. Heureusement, tout est bien qui finit bien :
Contactées, les forces de l'ordre ont rapidement réussi à maîtriser l'individu, qui a pu, selon une source proche du dossier, regagner librement son domicile.
Espérons que les forces de l'ordre ont eu la décence de ramener le malheureux chez lui après tant d'émotions, de ne pas trop lui poser de questions pour ne pas raviver des souvenirs douloureux, et de lui proposer des leçons de tir pour la prochaine altercation.
Pour cette culture de l'excuse l'absence de justice l'impunité des criminels le pardon et la miséricorde dont il sait faire preuve, cette proximité entre l’État et les citoyens ses administrés, la hausse du chômage la hausse modérée du chômage, les impôts supplémentaires les impôts supplémentaires qui couteront moins de 6 milliards, bravo et félicitations ! Continuez, nous croyons en votre inaction action.
- Je profite de l'occasion qui m'est donnée en les citant pour signaler à nos amis de Libération que leurs claviers semblent dépourvus d'accents, ce qui est du plus mauvais effet sur le lecteur tatillon. ↩
- Je profite de l'occasion qui m'est donnée en les citant pour féliciter les équipes de communication de monsieur Cazeneuve, qui ont eu l'intelligence de ne pas proposer de nouveau chiffre pour que les journaux parlent de ce "beaucoup moins" plutôt que du nouveau chiffre, comme si les hausses d'impôts devenaient une bonne nouvelle et un succès gouvernemental. ↩