« Et c’est en somme une façon comme une autre de résoudre le problème de l’existence, qu’approcher suffisamment les choses et les personnes qui nous ont paru de loin belles et mystérieuses, pour nous rendre compte qu’elles sont sans mystère et sans beauté ; c’est une des hygiènes entre lesquelles on peut opter, une hygiène qui n’est peut-être pas très recommandable, mais elle nous donne un certain calme pour passer la vie, et aussi — comme elle permet de ne rien regretter, en nous persuadant que nous avons atteint le meilleur, et que le meilleur n’était pas grand’chose — pour nous résigner à la mort. »(Marcel Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs).
1. 2 décembre.- Quelques flocons matinaux précoces puis une journée embarrassée d’humidité (l’observateur attentif que je suis aura cependant noté deux courtes éclaircies l’une à 14h10, l’autre à 15h30).
Sollers : Fugues. Amorce : Homère, Epicure, Pascal. Détonateur : Lautréamont. Sur ce dernier Sollers toujours égotiste, très satisfait de lui-même (il a un peu raison de l’être). Plus problématique ce délire interprétatif qui darde, cette érection perpétuellement plantée dans la supposée pédérastie de l’indispensable Ducasse (anus et homosexualité, clitoris et prostate, ce genre de choses). D’autre part, parmi d’autres, Sollers dézingue le père Thibaudet. (Thibaudet pour qui Lautréamont n’était qu’un toqué qui écrit. Pourtant, Lautréamont était bel et bien toqué et il écrivait incontestablement).
Fin de journée, thé kenyan et reportage cambodgien de Serge Daney (reportage dans le sens de Jean Rolin). Drôle d’écho : « loin d’être une transgression de la loi, l’homosexualité en est la réalisation complémentaire, celle que la loi ne cesse de désirer ». 3 décembre.- Brume et bruine, froideur insidieuse. Not in the mood. Sollers : Manet, Lautréamont. Le père Joyaux tellement immodeste en devient amusant. Stendhal, diary, three or four pages, not more. 4 décembre.- Morne voute nuageuse, semi-froideur. Je relis les Rêveries d’un promeneur solitaire. Rousseau est toujours ce promeneur mélancolique qui rêve en bord de lac ; cet étranger au monde qui s’adresse à l’univers tout entier : « Me voici donc seul sur terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société que moi-même… ». Regarder le monde en face, signer un pacte avec son mystère. 6 décembre.- Froideur, rares soleillées. On annonce des chutes de neige pour demain.
Levé 5H00. Labeur. Sieste. Promenade, rêveuse, mais déprimante, avec Jean Jacques Rousseau (un Suisse lémanique). Sollers : Molière, Saint-Simon, Céline, ces trois-là n’écrivent pas en français, ils écrivent en « extrêmement français ». (In my case : Langue blanche, forcement cartésienne, tellement biseautée quelle pourrait vous taillader sournoisement). Sollers est très fier de sa formule, de son « extrêmement français », le voilà qui sautille (cependant, il ne sautillera jamais à la hauteur de son ego).7 décembre.- Neige semi-matinale, fondue dans l’après–midi.Levé 6h00. Marche 3km. Labeur. Sieste. Thé chinois. Sollers. Heureux Diderot. Casanova triomphant mais calomnié. La postérité le considère comme un vulgaire suborneur de soubrettes alors que c’est un écrivain considérablement tourneboulant (quoi de plus tourneboulant que l’italien écrit en français ?). Pour finit ce mot de Balzac : « je ne sais rien de plus calomnié dans ce bas monde que Dieu et le 18e siècle ».
Quel est le meilleur livre que vous ayez lu cette année ?Autres Rivages, Nabokov.Quel est le dernier grand livre que vous ayez lu ?Autres Rivages, Nabokov. Avez-vous un genre littéraire préféré ? Diary.Lisez-vous de la poésie ?Chichement.
Vous rappelez-vous du premier livre qui vous a fait pleurer ?Les dernières pages de la Marche de Radetzky sont douces et saisissantes. Tellement douces et saisissantes qu’elles m’ont saisi le cœur, l’estomac puis la gorge. Ces divers saisissements me sont ensuite remontés dans les yeux et je dois concéder que comme le préfet Von Trotta apprenant la mort de son fils deux belles et lourdes larmes de cristal me sont venues.
Vous devez conseiller un ouvrage au président de la République, quel serait-il ? Je suis décevant, Jackie Berroyer .
Si vous pouviez rencontrer un auteur mort ou vivant, qui souhaiteriez- vous connaitre ? Un couple : Raymond Roussel et Charlotte Dufrène (à travers l’Europe dans leur « Rolls-roulotte »)
Avez-vous déjà écrit à un auteur ? Si oui lequel ? A-t-il répondu ? Oui. Robert Walser. No, unfortunately.
Quel personnage appartenant au monde de la littérature souhaiteriez- vous être ? A.O. Barnabooth.
Qu’avez-vous prévu de lire prochainement ?Winfried Georg Sebald – Austerlitz, Junichiro Tanisaki - Eloge de l’ombre, Thomas Bernhard - Maîtres anciens, Peter Guralnick – Feel like going home, Claudio Magris – Alphabets, Stanislaw Ignacy Witkiewicz – L’Inassouvissement, Sterling Hayden – Wanderer, Hans Henny Jahnn – Les Cahiers de Gustav Anias Horn, Yves Martin – Manège des mélancolies, Raymond Dumay – Mon plus calme visage ; et autres journaux de guerre. Ad libitum.8 décembre.- Froideur sèche. Je n’aurai jamais le temps de lire tous les livres que j’envisage de lire. C’est une perceptive fâcheuse. Je crois même que c’est l’une des perspectives les plus fâcheuses au monde (qui lui peut bien vivre sans moi, je peux bien vivre sans lui).
Beaucoup regardent Sollers en diagonale avec une bonne dose d’affliction et une semi-haine moqueuse envers celui qu’ils estiment être un vieux papiste faussement libertin, un encombré de rajouts capillaires, de bagues, de fume-cigarettes, de légèreté fautive et de chinoiseries en tous genres. Pourtant, Sollers vaut mieux que son image, c’est un très bon lecteur, un « passeur » à l’enthousiasme communicatif, un « as » de la citation.Pour ce qui est des citations en voilà trois que je me permets de répéter tel un perroquet panégyriste :« Il faut que le cœur se brise ou se bronze », « Qu’est-ce qu’un Russe ? Un anarchiste. Deux Russes ? Des joueurs d’échecs. Trois Russes ? Une révolution. Quatre Russes ? Le Quatuor de Budapest. », « Celui qui sait réchauffer l’ancien pour comprendre le nouveau mérite d’être considéré comme un maître. »(Chamfort, un célèbre violoniste américain, Confucius). 9 décembre.- Froideur (-1°C).
« Connais ton masculin, garde ton féminin, deviens le ravin du monde ».
Quelques chinoiseries sollersiennes. Un reportage de Serge Daney « envoyé spécial » à Téhéran (le cinéma n’est qu’un prétexte, il est bien plus question du pouvoir des morts sur les vivants, de fillettes entchadorées…) Un autre reportage dans le Moscou de la glasnost ( le moindre taximan pourrait jouer dans un remake de Taxi-driver… ) Ничтодругое (Rien d’autre). 10 décembre.- Froideur précautionneuse (4°C). Sollers. Bund. Shanghai.
« D’abord, il n’y a rien, ensuite un rien profond, puis une profondeur bleue ».
Creuser autour des liens Klein/Bachelard. En avril 1958 Klein cite Bachelard lors de son exposition « le vide ». En 1961 il rencontre le « vieux philosophe ». Rendez-vous douteux. Le moins glabre prend le plus rosicrucien pour un vague charlatan ! Pourtant, les liens entre les deux ne manquent pas : sensibilité aérienne, dématérialisation, feu… voilà nous ne sommes pas bien avancés. 12 décembre.- Nichts. 13 décembre.- Moins de froideur, plus d’humidité. Le labeur n’est qu’un siphon dans lequel je me vide, sans douceur. Pas d’envie. Impossible de lire plus de trois lignes, alors en écrire deux… 14 décembre.- Pluie continuelle. Vent violent. Quasi tempête.
Baltasar Gracián qui n’était pas le dernier des jésuites pensait qu’il fallait « jouir lentement et agir vite ». Cependant, le quidam ordinaire du XXIe siècle, ce quidam qui n’est rien du tout et qui est encore moins jésuite, pourrait lui rétorquer qu’une belle et lourde lenteur n’a jamais empêché une belle et lourde jouissance.
Il y a certainement une pléiade d’écrivains qui font avec la célérité, la concision (Saint-Simon, Vivant Denon…) des écrivains qui jouissent longtemps et qui agissent vite. Il y en d’autres qui font avec la durée, l’atermoiement, une authentique lourdeur, leur jouissance n’en garde pas moins la capacité d’être ici longue que leurs phrases (John Cowper Powys, Paul Claudel…)
Il ne faut jamais penser en lisant, il faut toujours penser en écrivant.
2.
Retour chez Philippe Muray. L’homme qui rime, Hugo. Conférence quasi juvénile. 1985 du Muray primeur. Haine des commémorations ces turpitudes festives qui n’ont qu’un lointain rapport avec la mémoire. Ce joli mot de Shelley traduit par Baudelaire : « Je suis de ceux que les hommes n’aiment pas ; mais je suis de ceux dont ils se souviennent » .
De Philippe l’autre, je passe de Muray à Sollers. Révolution Manet. Manet qui « drague » ses modèles sur les grands boulevards, les ramènent dans son atelier, les peints pour l’éternité. Manet qui comprend les femmes mieux que quiconque. Manet qui est un peintre à femmes. Ressentiment envers ceux qui ne sont pas des peintres à femmes. Inimitié des expressionnistes abstraits, haine de Rothko, de Newman (je les aime). Antipathie totale envers l’art contemporain, dégout pour les « installations ». Bref, haine de l’absence de femmes ! Sollers place l’Olympia de Manet au-dessus de tout, c’est le plus beau tableau de nu jamais réalisé, cela se discute. 16 décembre.- Douceur, ciel de traine. Pour Nabokov le Bloom de Joyce n’est pas le citoyen ordinaire qu’il est censé être. Il est trop encombré de désirs bizarres, d’histoires de sexe mêlées et entremêlées au thème des latrines. Or, s’il n’y a aucune objection à vouloir parler franc, il n’est pas certain que l’esprit d’un citoyen ordinaire soit « continuellement occupé de choses physiologiques ». Il faut donc passer au-dessus de ce fatras pathologique avec un souverain détachement. D’autre part Joyce cultive parfois un bien inutile hermétisme. Il vise trop l’initié et pas assez l’heureux petit nombre (c’est moi qui souligne).
Pour le reste Sollers et Montherlant. Montherlant pour qui le bonheur était suspect (Stendhal lui ne respectait « rien au monde comme le bonheur »). Montherlant et les jeunes filles (pas mal), la tauromachie (bâillements), sa fin tragique romaine et espagnole (soupirs). 17 décembre.- Ciel gris-bleu. Douceur.
Le Sartre posé sur son tonneau et haranguant l’ouvrier de Billancourt était un brin fatiguant. Le Sartre des Mots l’était moins. Le Sartre vaguement stendhalien ne l’était pas du tout: « Un homme heureux est aujourd’hui si solitaire qu’il faut bien expliquer son sentiment : il parle de couleurs aux aveugles ». 18 décembre.- Laboro. Tempo variablo. Kelkaj gutoj.Nenio. 20 décembre.- Quelques averses. Not in the mood. Gonalgie. Relu les Poésies de Lautréamont. Toujours un drôle de coup de fusil. Demain fin du monde. Nothing else. 21 décembre.- Ciel chargé. Humidité relative.
L’avantage de préférer les morts aux vivants c’est que nous sommes rarement déçus par les morts que nous aimons.Finalement ce monde d’abusion* est toujours là. On le trouvera durable comme une replète masse non-sensique persistante. On aura bien raison de le trouver ainsi. On s’ennuiera aussi.
Sollers/Debord. Debord n’aimait pas Sollers. Sollers « passe » pourtant très bien Debord. Les deux ont un petit côté ecclésiastique. Moine éthylique, évêque égocentrique.
« Je dirai ce que j’ai aimé ; et tout le reste, à cette lumière se montrera et se fera bien suffisamment comprendre »
* « Ce monde n’est qu’abusion » (Villon) 22 décembre.- Temps pluvieux, semi-froideur (6 °C).
« Personne n’atteint d’emblée à la frivolité. C’est un privilège et un art. »
Une promenade avec Rousseau. Un gros chien le fait choir et il rentre un brin amoché à la maison. Quelques pages du journal de Stendhal, joyeuses, forcement joyeuses.
Sollers et Debord. Sollers et lui-même. Sollers qui est souvent intéressant sur les autres l’est beaucoup moins sur lui-même. Nous voilà alors plantés devant un égotiste vaporeux hissant ses propres romans à des altitudes qui ne sont pas les leurs. Tout cela est bien plus pernicieux, qu’il n’y parait. Sollers est un trop bon lecteur pour s’ignorer colline, il sait bien voir la haute montagne, cette façon de se considérer très haut ne pourrait donc être que de la frivolité, c’est une éventualité plausible. 24 décembre.- Ciel bleu pâle. Douceur indécente, hors de saison (17 °C). Dimanche. Levé 9 h 00. Breakfast, thé russe, pain grillé. Marché 500 mètres. 9 h 45 Sollers toujours sur lui -même. Les cinq sens : « le vert paradis des amours enfantines, les courses, les chansons, les baisers, les bouquets… », « Il y a très peu de choses que nous pouvons goûter avec les cinq sens à la fois…». Baudelaire et Lichtenberg. Bel écho entre les deux (c’est moi qui surligne). 11 h 20 Nabokov autopsie l’Ulysse de Joyce. Association de mots, attraction verbale, pensée et monologue intérieur. Nabokov voit très bien Joyce relier la mer verdâtre et le manche sale d’une lame de rasoir ; un bol de bile, un bol à raser et le bol de la baie de Dublin ; des larmes amères et des mucosités salées, « tout cela fondu l’espace d’une seconde en une seule image ». C’est un début, c’est déjà un sommet. 13 h 00 Déjeuner. Crevettes, Muscadet Sèvre-et-Maine. Rôtie de veau, Coteaux du Lyonnais. 13 h 55 Sieste (forcement). 15 h 00 Sollers, Willy Ronis, Jean Daniel Pollet. Méditerranée, beau film (Sollers encore immodeste, le texte est de lui, c’est pourtant ce qui a le plus vieilli). L’Ordre, magnifique (très bon pour du cinéma, je tamponne tout à fait). 17 h 00 Homeland un épisode (très bien), thé chinois (pas mauvais) 17 h 50 Nuit novalisienne : « la nuit elle-même est une matière qui nous porte, un océan qui berce notre vie : “la Nuit te porte maternellement” ». Solstice d’hiver. Rien d’autre. 27 décembre.- Giboulées. Vague douceur hors de saison. Léthargie post-agapes. Entamé la Chute de Ian Kershaw. Riend’autre 28décembre.- Ciel maussade, sans plus. La Fin de Ian Kershaw. Ou comment Hitler, Ubu tragique, entraine tout un peuple vers une fin modérément sautillante. Aveuglement, sens du devoir et irrésistible penchant des païens à flambeaux pour leur petit chef charismatique. Indifférence qui vire à l’incompréhension chez le quidam de base, chez le non-juif, le non-communiste, le non-tzigane, le non-homosexuel, qui ne risquait rien à vivre en Allemagne jusqu’en 1944. Le quidam de base sera pourtant l’un des éléments du charnier, le quidam de base est toujours un élément du charnier. 31 décembre.- Beau temps (12 °C) Ruminer n’est pas penser, alors ne ruminons pas, pensons !
Un fardeau de plus en plus lourd me pèse sur le cogito. Me voilà donc comme ancré dans une sourde marmelade existentielle alors que pour espérer écrire il me faudrait voleter un tout petit peu au-dessus de l’ontologique (je suis être léger). Quant à la lourdeur et à ces histoires d’ancre Jules Renard avait trouvé une solution bien pratique ; il était soulevé par ses petits ballons. Malheureusement, cette solution n’est pas valable pour moi, je manque de souffle. Une autre solution serait de chercher la source de cette lourdeur en moi-même (Au risque de convoquer le charlatan viennois et tout son attirail…)
Du côté de « l’atelier lecture » : Sollers ; beaucoup de défauts, mais une qualité : il est toujours joyeux. Pour le reste, haine du 19e siècle, amour du 18e siècle ; haine des romantiques, amour des libertins. Cette façon de se cacher dans le médiatique comme si une ombre pouvait se cacher au cœur même du soleil. 1 janvier.- « C’était l’explosion du nouvel an : chaos de boue et de neige, traversé de mille carrosses, étincelant de joujoux et de bonbons, grouillant de cupidités et de désespoirs, délire officiel d’une grande ville fait pour troubler le cerveau du solitaire le plus fort. » 3 janvier.- Froideur de saison (5°C). Levé 6h00. Marché 3km. Labeur. Sieste. Discussion entre Philippe Sollers et Fréderic Berthet, une vague histoire de pape mort, de l’ennui. Thé Ceylan (95°C, 4 min d’infusion). Entamé le Monde selon Churchill (Sentences, confidences, prophéties, reparties…), spicilège échafaudé par François Kervaudy. Inévitablement Churchill est très drôle (et bien plus). 4 janvier.- Bruine (6 °C). Bernhard, Tanisaki, Sebald, Magris ; trop de livres à lire. En attendant : « nous sommes tous des vers ; mais je crois que moi, je suis un ver luisant » (Churchill). Nothing else. 5 janvier.- Demi-froideur (7°C).
Je résume assez bien, c’est l’une de mes minces qualités.
J’ai bien peur que par contre l’un de mes grands embarras soit de me situer au niveau de l’ontologique et non de l’humain.
Écoutant Gould interpréter Haydn j’entends aussi des voix. Je dois être un peu schizophrène.
Churchill et son monde. Il avait tout prévu : la Première Guerre mondiale avec toutes ses « merveilles » technologiques ; la montée d’Hitler et la pusillanimité couarde des munichois en goguette ; la Seconde Guerre mondiale et son issue fatale pour les mornes païens à flambeaux ; la guerre froide et la dissuasion nucléaire ; l’invention de l’ « Europe » et la chute du communisme… Devant tant de prédictions étalées, on se prend à regarder Churchill de biais ; sous le replet insulaire n’y a-t-il pas un mince chaman holistique qui sommeille ?6 janvier.- Temps globalement hivernal (6°C).
Le secret des plus grands ? En avoir toujours sous le pied.
Le français de Churchill était diablement croquignolet. Une sorte de traduction automatique avant l’heure légale (ce petit côté poétique pas piqué des hannetons, aussi).
« Mong général, si vous m’obstaclerez, je vous liquiderai »
For the rest, francophilie galopante chez Churchill, anglophobie pathologique chez De Gaulle. L’un étant le plus exact antonyme de l’autre en bien des domaines (un replet, un chêne qui a tout du roseau).7 janvier.- Ciel gris avec quelques aplats noirâtres, demi-froideur, rien de réjouissant (7°C).Sablés écossais, thé de Ceylan, beau mélange.
Churchill subsistait très bien sans le communisme. Pour lui les bolcheviks ressemblaient à de féroces babouins, des cynocéphales tout juste capables de sautiller sur la multitude de tas de ruines qu’ils avaient créé eux-mêmes. Le marxisme-léninisme n’était pas une politique c’était une maladie ; ce n’était pas une foi non plus, c’était une épidémie. Cependant les affaires du monde étant ce qu’elles sont, il fallut que Churchill fraye un temps avec son ennemi préféré ( le nazisme était encore pire). Ainsi en 1942 : « je réfléchissais à la mission qui me conduisait vers ce lugubre et sinistre état bolchevique que j’avais tant essayé d’étrangler à sa naissance, et que j’avais considéré jusqu’à l’arrivée d’Hitler comme l’ennemi mortel de la liberté et de la civilisation. Et maintenant que devais-je dire à ses dirigeants ? […] je me faisais l’effet d’un homme qui porte un gros bloc de glace au pôle Nord. » 8 janvier.- Ciel gris monochrome, fade froideur circonvoisine. (5 °C). Too tired to read. Only a few fragments of Kafka’s diary. : « Qu’est-ce que tu es ? Misérable, voilà ce que je suis. J’ai deux planchettes vissées sur les tempes ». 9 janvier.- Début de froideur. On annonce des chutes de neige pour demain (1 °C). Churchill, Kafka ; drôle de couple. Rien d’autre. 10 janvier.- Bruine glaciale, rien de pire (1 °C).
Ne supportant plus aucun contact avec autrui, je reste avec moi-même. Le résultat est pire, je ne me supporte plus. Heureusement il les y a les livres. Le journal de Kafka. Cet extrait parfaitement concordant avec mon humeur du moment (et avec l’état de mes genoux) : « J’ai une fois de plus essayé d’écrire, presque en pure perte. Ces deux derniers jours, je me suis couché tôt, à dix heures, ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps. Tout au long de la journée, sentiment de liberté, demi-satisfaction, augmentation de ma capacité de travail au bureau, possibilité de parler aux gens.- pour l’instant, violentes douleurs dans le genou ». 11 janvier.- Crachin. Rares soleillées. Légère hausse de la température. La nuit là moins tôt : demi-allégresse.
Toujours dans le Monde de Churchill que je finis par petites bouchées. L’humour du bonhomme, sa misogynie, les deux mêlés : « Une députée choquée : “Monsieur Churchill, vous êtes ivre ! ”, Churchill : “Et vous madame, vous êtes laide… Et moi, demain, je serai sobre ! ” »
Kafka, diary. Des lamentations, en guise de réponse, des élancements dans la tête.12 janvier.- On annonce de la neige. Elle est pour l’instant pendue à un océan de nuages grisâtres.
Fini le Churchill de Kersaudy, la fin est très bien : « La mort ? Une sorte d’obscurité soyeuse et fraiche. Bien sûr, j’admets que je pourrais me tromper. Peut-être que je renaitrai en coolie chinois. Dans ce cas, je protesterai. » Octobre 1964 : « le voyage méritait d’être fait – une seule fois. Et ensuite ? Un long sommeil, probablement ; je le mérite. »
En parlant de fin, retour chez Ian Kershaw et sa fin à lui (celle du IIIe Reich). Bouquin passionnant (même si je n’ai pas grand-chose à en dire). To be continued