Laissée à sa solitude, c'est la violence de l'achèvement, la crudité du vide et l'angoisse. La quête de l'autre par les traces, les souvenirs, et des rencontres plus ou moins fugaces et brèves. Entre les peaux, les bouches, les langues...le désir éclot dans l'absence.
L'écriture est féminine, ferme et juste. Mesurée, rapide, belle. Nue. Et l'érotisme des scènes imprègne le roman d'une sensualité élégante et sans tricherie, qui interpèle ce qui est Vivant en soi. Ce qui est vrai dans nos corps et dans nos relations, ici & maintenant...
Quelques extraits :
"L'identité d'emprunt est celle que l'on rêve et construit, depuis l'enfance. Personne ne peut nous ôter notre terre de naissance. Colère des mères sans terre. Mères dont la mémoire, violente, brutale, est entâchée de douleurs collectives. Le sang des miens est répandu sur le sol rouge de la terre battue. Le sang colore les rizières et altère les visions sucrées de cocotiers. Mais il est aussi un autre exil, figuré. Un exil intérieur, celui de la solitude, de l'amour non heureux. On passe parfois sa vie à rechercher ses traces. Mais on se perd dans un château de miroirs, un palais d'images qui sont autant de terres blessées. Ma mère est une héroïne de fiction. Elle a fui. Elle a demandé l'asile politique et quitté le pays où je suis née, une terre qui a ouvert des camps de réfugiés comme on ouvre des charniers. (...)" p. 74
"Je dispose de trop peu d'informations pour expliquer ma généalogie. A vingt ans, j'ose défaire un tabou ; je veux savoir qui est mon père.
A force de ma taire, j'ai créé une langue coupable qui affecte l'enfance. (...)" p. 78
"(...) dans six printemps, j'aurai quarante ans. Je dois avancer, refaire ma vie, oublier. Les conquêtes, les nuits d'amour, la fuite ne font pas le poids devant la
mélancolie.
Je ne connais pas le dosage exact contre l'excés et le défaut d'amour." p. 87
" Pendant l'actes, tu t'égares, tu m'assènes des coups et j'en redemande. Où as-tu appris ces gestes, d'où vient ce nuage de tendresse et de violence ? Tu voles les heures au quotidien. Tu
fais des heures sexuelles un temps plein. Mais ce temps ne remplace pas le vide grandiose qui m'encercle et m'éloigne de toi." p. 95
"Tes étreintes me rappellent à l'existence. Je me sens vivante. Tu me chavires. Tu me fais souffrir. Cette nuit-là, tu me dis le vrai, c'est le corps. Alors, je tâche d'éprouver ta chair.
(...)" p. 95.
Après l'amour
Roman d'Agnès Vannouvong
Aux éditions Mercure de France,
Rentrée littéraire 2013