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Le nouveau livre de Thomas Piketty sort cette semaine. Un remarquable essai sur la dynamique historique des inégalités patrimoniales et une réflexion sur le statut de la science économique.
Le capital du XXIe siècle (publié au Seuil) affiche son ambition dès les premières lignes : analyser la dynamique de la répartition des revenus et des patrimoines du XVIIIe siècle à nos jours, avant d’en tirer des conclusions prospectives pour le XXIe. Rien de moins ! Pari gagné : Thomas Piketty nous offre un ouvrage de référence sur la tendance inégalitaire du capitalisme de marché. Seuls des évènements politiques extraordinaires, comme les guerres, où un impôt progressif et élevé sur le capital sont à même de rompre une dynamique qui, laissée à elle-même, conduit à une montée continue des inégalités. Un scénario qui pourrait bien être celui des décennies qui viennent.
Ce livre est d’abord un immense travail statistique qui, s’il couvre effectivement sur plusieurs siècles et dans le détail les cas de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis, offre en plus des informations sur un nombre important de pays riches. Cela permet de comprendre combien les institutions politiques et économiques locales jouent un rôle essentiel dans la compréhension de la dynamique des phénomènes sociaux.
Car chaque pays, selon son histoire et ses compromis démocratiques, va répondre différemment à une loi essentielle du capitalisme de marché qui pousse à la concentration toujours plus forte des patrimoines. Cette loi est simple : sur le long terme, le rendement du capital après impôt est de l’ordre de 4-5 % par an tandis que la croissance moyenne des pays riches est de l’ordre de 1-2 %. Lorsque les nouveaux revenus croissent de 1% et que le rendement des anciens est de 4 %, à moins que les riches ne dépensent tout ce qu’ils gagnent, leur dynamique d’accumulation des richesses est largement supérieure à celle des nouveaux revenus. Ce qui conduit au fil du temps à une concentration toujours plus grande des patrimoines.
On le voit très bien pour la France. A la veille de la Première Guerre mondiale, les 10 % les plus riches détiennent 90 % des patrimoines. Il faudra deux conflits de grande ampleur, qui détruisent la valeur du capital et amènent des périodes de reconstruction à croissance rapide, plus l’avènement d’un impôt progressif sur le revenu et les successions pour casser cette dynamique. Le taux de rendement du capital passe sous le taux de croissance et les années 1910-1970 voient l’émergence inédite d’une classe moyenne patrimoniale tandis que les pauvres restent pauvres et les riches sont moins riches.
Mais le rééquilibrage s’est arrêté au début des années 1970 et, après une période de stabilité, les inégalités repartent à la hausse dans une nouvelle dynamique de concentration dont seul un impôt élevé et très progressif mondialisé sur le capital pourrait vraiment venir à bout. Pas pour demain…
Thomas Piketty avance ses démonstrations pas à pas, avec un grand souci de pédagogie. Il n’hésite pas à souligner régulièrement l’imperfection de ses données, de ses analyses ou de ses prévisions dans un souci d’humilité particulièrement rare dans la tribu des économistes. Enfin, dénonçant la « passion infantile » pour les maths et les spéculations théoriques de la science économique actuelle, il appelle aux approches multidisciplinaires, à l’étude des conditions institutionnelles locales contre la prolifération des études statistiques multi pays et à ne surtout pas laisser l’étude de l’économie aux économistes. Une référence vous dis-je !