Nicolas Sarkozy semble avoir pris la mesure du désenchantement des électeurs, au point d’en arriver à confesser des "erreurs" lors da sa prestation télévisée du 24 avril. On aurait aimé savoir lesquelles à son avis : le bling-bling ? la surexposition médiatique de sa vie privée ? la frilosité dans la rupture ? la sur-communication sur les réformettes ? On lui pardonnera complètement le jour où on l’entendra déclarer : "Le paquet fiscal était une grosse connerie. Il y a certes que ceux qui ne font rien qui ne font pas de conneries, mais c’était une connerie, je l’assume et je vais m’employer à en corriger les effets".
Pour autant, aura-t-il réussi à livrer un plan d’action clair et précis, à donner des perspectives au citoyen lambda, à créer un nouvel élan ? Je dois avouer que sa prestation m’a laissé à cet égard un sentiment des plus mitigés, et ce même si, sur certains points (la régularisation des sans-papiers – où il a confondu régularisation et naturalisation, octroi d’un permis de séjour et obtention de la nationalité française – et l’éducation), je l’ai trouvé plutôt percutant.
Je ne reviens pas sur les préliminaires et l’exercice d’autoglorification auquel il s’est prêté à propos des actions engagées depuis un an. La réforme des régimes spéciaux de retraite qu’il a mise en avant à titre d’exemple a fait l’objet de tellement de concessions sous forme de mesures de compensation que même Alain Juppé aurait réussi à la mener à bien sans bloquer le pays pendant un mois. De même sur l’amélioration sur les douze derniers mois des chiffres du chômage, qui restent un indicateur retardé de la conjoncture et qui tiennent plus à la création d’emplois précaires et sous-qualifiés qu’au développement d’une Silicon Valley à la française qui verrait éclore les Apple et les Google des années 2010.
Sur les questions d’économie, il m’a semblé de très mauvaise augure d’entendre Nicolas Sarkozy se réfugier derrière la crise des subprime, la hausse du prix du pétrole et des matières premières et celle de l’euro pour justifier les piètres résultats économiques du gouvernement. Car c’est implicitement faire croire aux Français qu’ils pourraient s'affranchir des efforts à faire en matière d’assainissement des finances publiques et de compétitivité de l’entreprise France si la conjoncture internationale n’était pas aussi difficile.
De ce point de vue, les mesures annoncées auront à faire la preuve de leur efficacité. Les règles d’attribution d’un tiers des résultats des entreprises devront faire l’objet d’une vigilance active pour que la mesure ne reste pas un vœu pieux (il peut être aisé de minorer les bénéfices dans une entreprise), de même que les conditions qui obligeront les chômeurs à accepter une offre d’emploi.
Je dois avouer que j’ai écouté le reste d’une oreille distraite, tant la préoccupation majeure du Président et de son gouvernement me semble devoir être l’allègement des charges pesant sur l’investissement des entreprises et sur le coût du travail pour espérer faire repartir la croissance et ses corollaires, emploi et augmentation des rémunérations de toutes sortes, donc du pouvoir d’achat en dernier ressort. La loi de modernisation de l’économie n’est qu’un pas timide (et technocratique : pourquoi un prélèvement libératoire sur le chiffre d’affaires des entrepreneurs individuels ? Le chiffre d’affaires, ce n’est pas du bénéfice, c’est quand même le B-A-BA de la gestion d’entreprise) dans cette direction.
Et puis, de toute façon, moins d’une semaine après, notre bateleur national a replongé dans l’illusionnisme et la navigation à vue par l’intermédiaire de Christine Lagarde, qu’il a laissé maintenir contre vents et marées, et surtout contre l’avis de tous les prévisionnistes de France et d’Europe, une prévision de croissance exagérément optimiste pour ne pas avoir à reconnaître que la politique économique du gouvernement est totalement inadaptée à ce qu’exige la situation.
NB : Le renouvellement des journalistes s’est révélé, je trouve, plutôt utile malgré quelques couacs. Cela a au moins eu le mérite de rendre PPDA moins complaisant. En revanche, entendre Yves Calvi, plutôt bien parti dans ses premières questions, demander à Nicolas Sarkozy s’il confirmait aux lycéens les suppressions de postes d’enseignants m’a prodigieusement agacé. Qu’espérait-il là ? Déclencher un mai 2008 ?
NB bis : L’utilisation de la fonction "Prévisualiser" des commentaires est toujours à éviter, plus pour très longtemps j'espère, j'y travaille avec l'aide bienveillante de l'un de mes anciens étudiants de l'IAE.