Pose les grandes lignes de ton voyage, et laisse-toi porter, pour le détail, par les reflets de l'heure. La plus grandiose curiosité qui soit, c'est le monde, regarde-le. Personne ne saurait en avoir une assez parfaite connaissance pour tout comprendre et tout estimer à sa juste valeur: aie le courage de dire que tu ne comprends rien à ceci ou cela.
Ne prends pas au tragique les petites difficultés du voyage; si restes coincé à une étape sans intérêt, sois heureux d'être en vie, regarde un peu les poules et les chèvres à l'air grave, et fais une petite causette avec le marchand de tabac. Détends-toi. Lâche les commandes. Et tombe en vrille dans le monde.Il est si beau: donne-toi à lui, il se donnera à toi.
Kurt Tucholsky, L'art de bien voyager, dans: Moments d'angoisse chez les riches - Chroniques allemandes (Héros-Limite, 2012)
traduit de l'allemand par Claude Porcell