cafe de la vell (où le froid souffle le chaud)

Par Richard Gonzalez

(Cafe de la Vell, Tarragone, Espagne, le 30 déc. 2003)

Sur la plaça de la Vell, en haut des marches à gauche, il y a ce magnifique café niché sous les piliers. Là, on vous fait asseoir sur des chaises en fer forgé, devant des tables incrustées d’émaux. Les murs en pierre apparente s’attifent de peintures chamarrées, où le contemporain géométrique caresse des impressions pastelles sous des photophores tremblants. Une discrète musique lounge baigne ces lieux, avec l’imposante stature de la cathédrale, par les vitres fumées, pour stigmatiser leur solennité. On bavarde peu dans cette Espagne-là, on échange de brèves œillades : rien à voir avec ces bars à tapas enfumés, repaires du braillement et des papiers gras. Comment pourrait-il en être autrement d’ailleurs : la carte que vous tend le garçon en col cheminée et laine peignée se contente de dérouler une cinquantaine d’infusions et autant de cafés différents. Verres fumants sertis de chrome qu’on couve de nos mains cherchant la chaleur. Je laisserai les miennes se réchauffer longtemps au-dessus d’un thé aux fruits rouges. Un geste de précaution, trahissant une recherche insistante du réconfort, et qui finira par amuser la fille à la table voisine. Au petit mot qu’elle me lança, j’appris qu’elle cherchait non pas à deviner mon prénom, mais simplement à sourire de ma frilosité : « Fred ? », pour me demander en catalan si j’avais froid…

(Tarragone, le 30 déc. 03)