Heureusement que les chiffres sont là pour aider nos hommes politiques à justifier de leurs actions. Nicolas Sarkozy pousse à fond cette logique de l'argument sur mesure. Non seulement il sait présenter, sélectionner et interpréter à son avantage les chiffres existants (rien d'exceptionnel jusque là), mais il est carrément capable d'en inventer !
Le dernier exemple est date est révélé par le Canard Enchainé. Lors de son grand show, le président a déclaré ceci.
Il y a 500.000 offres d'emploi non satisfaites.
Le problème, c'est que ce chiffre est complètement fantaisiste. Les journalistes du Canard Enchainé ont contacté le service de presse de l'Elysée. Ils sont formels, le chiffre provient de l'INSEE. Malheureusement, l'institut dément formellement. Le service de l'Elysée se ravise, en fait, c'est l'ANPE. L'agence est gênée, et déclare qu'elle n'a jamais communiqué ce chiffre à l'Elysée.
Les experts expliquent la situation : ce chiffre le correspond pas aux offres d'emploi non satisfaites, comme le déclarait Sarko ; c'est une projection établie sur la base des offres recensées par les agences. Un chiffre pas du tout fiable. Personne ne comptabilise les offres non satisfaites en France. Et quand bien même on le ferait, un tel chiffre pourrait signifier une plus grande mobilité sur la marché, signe de dynamisme économique. Le contraire de ce que Sarkozy voulait insinuer, à savoir : il y a du travail disponible et des fainéants qui préfèrent ne rien faire (et qu'il faudra sanctionner).
Ce genre de situation n'est pas du tout exceptionnelle. Nicolas Sarkozy est un habitué de ce genre de déclaration. Ainsi dans le débat récent sur la rétention de sureté, un rapport du gouvernement présentait un taux de récidive de 31%, une chiffre censé justifier l'enfermement sans procès de criminels ayant purgé leur peine. Sarkozy, lui, en 2005 avançait un taux de 50%. Las, si le premier chiffre ne sort de nulle part, le second était manipulé. Dans la réalité la récidive de faits criminels s'établit entre 1 et 2%
Parmi les autres précédents, il y a la fameuse manipulation des chiffres de la délinquance en 2005. Le premier chapitre du livre Ruptures de Serge Portelli démontre très clairement la manigance.
Enfin, n'oublions pas la venue d'une nouvelle source chère au Figaro et à l'Elysée, OpinionWay. Cet institut proche du pouvoir (là n'est pas sa spécificité, tous le sont) publie souvent des chiffres très favorables au gouvernement. Le problème, c'est que les études ne sont pas réalisées sur un échantillon représentatif, mais sur internet. Pour un discours de Sarkozy, par exemple, on interroge sur le net ceux qui ont regardé le discours. Cela ne permet pas du tout d'en déduire, comme le fait le Figaro, l'opinion des français. D'ailleurs, OpinionWay n'est pas un institut de sondage officiel, il s'agit d'un "bureau d'études orienté communication". Voyez comment ils se définissent eux-mêmes.
Voir aussi :
Bilan du discours sur politique.net
Sur les sondages par Marianne2