Roman - 150 pages
Editions Christian Bourgeois - août 2012
Frank revient de la guerre de Corée, on est donc juste après 1953, avec ses souvenirs de crimes, avec le souvenir de ses camarades morts sur le front, avec ce décalage avec ce Nord des Etats-Unis (Seattle) qu'il redécouvre. Il n'a plus vraiment d'attaches là où il se trouve. Alors quand il reçoit mystérieusement une lettre qui lui apprend que sa soeur Cee est mourante, il décide de se mettre en route vers la région de son enfance, en Géorgie, à Lotus près d'Atlanta, à sa recherche, pour la sauver, elle qui est l'être le plus cher à ses yeux.Finir un roman en deux jours, voilà bien longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Et un livre de Toni Morrison en plus ! Mais il faut bien avouer qu'après les lectures de Beloved et Un don on peut plonger dans ce livre court avec facilité car la construction est moins tortueuse, les symboliques sont plus accessibles, les flashs back s'agencent naturellement, le narrateur reste le même.Avec Toni Morrison, les choses terribles sont bien souvent suggérées, bien entendu Frank est Noir, la ségrégation subsiste toujours, même dans les Etats du Nord. Notre homme se livre pleinement, mais plus tard il dévoilera ses mensonges, ses vérités occultées, son passé obsédant.
Extrait :Mais il y a cet amour fraternel immuable, cette enfance qui reste la raison d'espérer et d'appréhender un avenir. Il y a ces solidarités rencontrées sur le chemin de Frank, ces aides absolues rendues par des femmes à une Cee qu'il a fallu sauver in extremis des griffes d'un médecin eugéniste fou d'expérimentations mutilantes.C'est un road book lancinant, avec des aspects dramatiques qui sont subtilement distillés, et une plume acerbe jamais compatissante. Egalement une fresque de l'état de ce pays dans les années 50, riches en troubles, en inégalités sociales, en ségrégation, en impunités, en dénuement.Merci à vous Madame Morrison.
"Les époux qui avaient été agressés chuchotèrent entre eux ; elle, d’une voix douce, suppliante ; lui, avec insistance. Quand ils rentreront chez eux, il va la battre, se dit Franck. Et qui ne le ferait pas ? Être humilié en public, c’était une chose. Un homme pouvait s’en remettre. Ce qui était intolérable, c’était qu’une femme avait été témoin, sa femme, qui non seulement avait vu, mais avait osé tenter de lui porter secours ! Il n’avait pas pu se protéger et n’avait pas pu la protéger non plus, comme le prouvait la pierre qu’elle avait reçue au visage. Il faudrait qu’elle paye pour ce nez cassé. Encore et toujours."
L'analyse de Laurent - InColdBlogL'avis de Les livres de George - Les livres de George