Le lourd héritage des émeutes anti-sikhs de 1984

Publié le 01 novembre 2012 par Dopalruka @DoPalRuka
28 ans après l'assassinat d'Indira Gandhi et les émeutes anti-Sikhs, la justice n'a toujours pas été rendue aux victimes et les violences contre les minorités restent tolérées par les autorités.

Un homme sikh attaqué par la foule à New Delhi.


9 h 10 du matin, le 31 octobre 1984. Indira Gandhi, premier ministre, est assassinée par ses deux gardes du corps sikhs sur son lieu de résidence à New Delhi. Le soir même, une foule se forme près de l'hôpital AIIMS à Delhi, où  l'héritière de la dynastie Nehru-Gandhi a été transportée, puis part s'attaquer à la communauté sikhe. Les violences durent 4 jours dans la capitale indienne, 2,733 sikhs sont sauvagement tués. Les forces de l'ordre n'interviennent pas.
Aujourd'hui, la justice n'a toujours pas été rendue aux victimes de la tuerie, morts ou survivants. Les condamnations qui ont été prononcées ont épargné les acteurs majeurs - les hommes politiques - de cette scène macabre. Les Indiens en sont réduits à pointer du doigt des responsables en espérant qu'ils devront un jour répondre de leurs actions - ou inaction.
Le Congrès est bien sûr ciblé. Le parti aujourd'hui au pouvoir l'était déjà en 1984; Indira Gandhi en était la présidente. Selon une enquête du Central Bureau of Investigation de 2012, le gouvernement de l'époque a été l'instigateur de ces violences. Voilà pourquoi l'armée n'a pas été déployée. Voilà pourquoi la police serait restée sourde et muette face au massacre. Voilà pourquoi elle n'aurait alors pas poursuivi d'enquêtes sérieuses. Selon un rapport de 2006 de l'organisation à but non lucratif Enaafle Congrès aurait même armé les émeutiers et leur aurait procuré des listes de vote et de rationnement pour leur permettre d'identifier et de localiser leurs victimes.

Le corps d'Indira Gandhi transporté hors de l'hôpital à Delhi.


La réaction insensible de Rajiv Gandhi, fils d'Indira, n'aura rien fait pour dédouaner le parti. « La terre tremble toujours quand un arbre imposant tombe », avait-il alors déclaré. Pour beaucoup d'observateurs, les émeutes n'étaient pas l'expression spontanée d'un sentiment de colère et de vengeance déclenché par l'assassinat du puissant Premier ministre. Le Congrès aurait ce soir-là tenté de récupérer politiquement ce crime. Le gouvernement d'Indira Gandhi menait à l'époque une véritable guerre contre les séparatistes sikhs, qui luttaient pour un Etat indépendant dans le Punjab. Une mise en accusation qui rappelle celle visant Narendra Modi, chef du gouvernement du Gujarat, depuis les affrontements intercommunautaires dans son Etat en 2002. Il est accusé d'avoir laissé faire les violences, survenues après l'attaque d'un train transportant des pèlerins hindous par des musulmans, pour gagner les votes des hindous.
Pour l'éditorialiste de The Hindu, pas de coïncidence. L'injustice de 1984 a inspiré et justifié les violences contre les minorités qui ont depuis ensanglanté le pays. « Le schéma des émeutes perfectionné par le Congrès dans les rues de Delhi a été à nouveau déployé à Bombay en 1993 et par le gouvernement du Bharatiya Janata Party (BJP) dans le Gujarat en 2002 », écrit-il. Chaque fois, des politiciens auraient mené la foule en furie. Chaque fois, la police aurait fermé les yeux, et se serait assurée que les enquêtes criminelles ne mènent nulle part.