Le revenu inconditionnel

Vous êtes désormais de retour. Chez vous. Des idées plein la tête et des souvenirs plein le slip avec peut-être même encore un peu de sable dans vos baskets. Sans crier gare, vous voilà de nouveau sur les rails, ceux du succès. Vos valises à peine déballées retrouvent leur place sous vos yeux et votre bronzage se fait la malle. Ça c’est pour la partie la plus douce de la rentrée. Une fois le cul posé sur votre chaise de bureau qui n’a pas bougé d’un poil, vous avez le droit à « l’épreuve de la confrontation ». Digne d’une épreuve physique d’un mauvais show de télé réalité, les règles sont simples : vous devez résister aux questions de Michel de la compta sans laisser tomber le « mais qu’est-ça peu te foutre connard » accroché à vos lèvre brulantes et gercée par les premières bises fraiches de septembre. Pourquoi vouloir infliger à votre intellect un tel affront ? Tout simplement parce qu’on travail et grâce à ce travail on perçoit de l’argent. Et si ensemble, nous remettions ce concept en cause ?

 « Nous sommes encore persuadés de devoir arracher à une nature aride et ingrate les moyens de notre subsistance individuelle » or la réalité, et heureusement pour nous, est absolument différente. Cette idée saugrenue est d’ailleurs tellement bien ancrée dans nos esprits qu’il nous est difficile aujourd’hui de penser à des alternatives. Nous pensons ici à celle du revenu inconditionnel qui consisterait à verser à chacun d’entre nous une somme mensuelle suffisante pour nous permettre de vivre, indépendamment d’une activité rémunérée. L’idée n’est pas si folle que cela, d’ailleurs accrochez vous à vos baskets pleine de sable puisqu’une forme alternative à cette idéologie existe déjà. Oui, ce sont l’ensemble des prestations sociales dont nous bénéficions : bourse d’études, allocations diverses, congés parentaux, minima sociaux. Ainsi, en France et en 2005, 30% des revenus de la population dépendent de la redistribution.

 Le revenu de base aurait pour effet instantané de faire disparaître le chômage, source d’angoisse et de frustration de la société. Et bam, on économiserait déjà le coût de la lutte pour le plein emploi car détrompez-vous, il s’agit bien d’une lutte fantôme. Le revenu inconditionnel serait alors versé à tous, riches, pauvres, moches, fans de Morandini, Morandini lui-même, et même ceux qui n’aiment pas les frites. Autant vous dire que le spectre et à la fois large et indulgent. Les économistes prônant cette idéologie vont plus loin en annonçant que ce revenu doit être versé mensuellement de la naissance à la mort, à chaque individu, cumulable avec les revenus du travail et sans aucune contrepartie, sauf la participation à l’impôt bien évidemment.  Et bam #2, on économiserait aussi le coût du maintient d’une administration ayant à charge de la surveillance des bénéficiaires de l’aide sociale créant un climat nauséabond d’humiliation. A croire que les gens font exprès d’être dans la merde, et ne nous sortez pas votre bouquin sur la méritocratie, on vous l’a déjà dit, ça ne fonctionne pas.

 De cette manière, le protagoniste de cette société nouvelle aurait le choix entre non pas deux pilules mais trois : a) continuer à travailler, b) vivre modestement avec comme seule source de revenu le revenu inconditionnel, c) les deux. Aux yeux de tous, le travail ne serait plus reconnu comme la seule source de revenu et éliminerait toute forme de frustration liée aux périodes sans activité professionnelle. Chacun aurait le luxe de faire ce qu’il veut de son temps libre en faisant ce qu’il lui plait et surtout en créant une autre forme de richesse, immatérielle cette fois-ci en contribuant à des activités associatives ou collectives par exemple. Ce qui nous fait le plus flipper dans cette histoire c’est que l’instauration d’un tel revenu modifiera très certainement et en profondeur – mais pas plus profond que la carotte qu’on se prend aujourd’hui, rassurez-vous – les rapports au temps, au travail, à la consommation et aux relations entre individus.

 En adoptant une perspective un peu plus globale, les conclusions sur l’influence de l’état de l’économie sont les suivantes : « le revenu inconditionnel aurait pour but de stimuler la croissance dans les pays en développement et de légèrement la ralentir dans les pays développés contribuant ainsi à une réduction des inégalités, notamment entre le nord et le sud ». Cela infligerait un sacré coup de fouet à la société sous le coup d’une « impulsion culturelle ». On part ici du principe qu’on fait confiance aux individus en leur laissant le choix de faire ce qu’ils veulent de leur temps libre. Le postulat de Nicolas Baverez, essayiste libéral est que « pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance ». Qu’il en est le cœur net, le triangle magique qu’il nous présente est bel et bien là dans les sphères les plus hautes de la société, y compris la sienne !

Évidemment, les limites à un tel projet existent et ne les nions pas, mais laissez-vous néanmoins séduire à l’idée d’avoir le temps de réfléchir à ce que vous avez réellement envie de faire.

L’idée mérite Réflexions !