5 septembre 2013
Syrie
Les articles de prévision géopolitique se multiplient, surtout aux Etats-Unis, depuis les derniers évènements d’Egypte et de Syrie. Ils partent dans tous les sens et ne servent à rien parce qu’ils enchainent de l’incertain. En simplifiant : « A a 60 % de chance d’entrainer B qui a 30 % de chance d’entrainer C et 60 % d’entrainer D ; par ailleurs B, C et D dépendent de E »(les % n’apparaissent pas toujours, mais on les sent). A étant par exemple « si tel acteur fait ceci en Syrie ». Donc on a une chance sur 5 d’avoir C et une sur trois d’avoir D, sauf si E … On n’est pas plus avancé ! Autant lire la propagande qui dit clairement (et faussement) ce qu’elle veut dire, et renseigne au moins sur qui l’émet !
Donc « ne rien faire » ? Mais c’est aussi « faire ».
Et comment parler du futur quand le passé proche est déformé. En Syrie, par exemple :
1) révolte contre un tyran, qui riposte de la façon que vous savez
2) le tyran, en difficulté, se fait appuyer par des troupes islamistes d’Iran et du Hebzbollah ; il redresse ainsi la situation
3) ses adversaires demandent des secours : se présentent des volontaires (et surtout de l’argent) qatari pour les uns, séoudien pour les autres (je simplifie) et des volontaires moins argentés qui « compensent » en se réclamant d’Al Qaïda (succès médiatique garanti). Une partie des rebelles à court d’argent et donc d’armes (tout s’achète là-bas) se rallientaux portefeuilles les mieux remplis.
Le 2) est moins remarqué que le 3), tout simplement parce qu’Assad ne s’en vante pas, puisqu’il essaie de sauver une image « laïque et prochrétiens » (je rappelle cette vieille appréciation : « vis à vis de la communauté chrétienne, Assad est neutre, mais il est sanglant vis à vis des individus chrétiens »).
Et par ailleurs il ne faut pas oublier que les Séoudiens financent l’éviction des islamistes Egyptiens et que les Qataris viennent de changer de gouvernants.
Pour moi a situation est claire : ce n’est pas parce que des victimes ont des appuis islamistes qu’elles cessent d’être des victimes. C’est l’appui des Russes et des Iraniens à Bachar, ainsi que la timidité occidentale, qui ont amené les rebelles à faire appel à qui ils pouvaient. Dont des islamistes, comme en face. Et ceux de Bachar sont plus puissants, puisque venant d’une armée régulière (les Iraniens) et d’une milice puissante et organisée (par les Iraniens également), le Hebzbollah.
A mon avis, les non islamistes règleront dans un deuxième temps leurs comptes avec les islamistes (et devraient gagner, les islamistes étant surtout des étrangers).
Par ailleurs les Chrétiens sont en grande majorité dans les zones alaouites, donc sous la coupe d’Assad, qui demande depuis deux ans à leurs notables d’alerter en sa faveur l’opinion occidentale.
Je plains les chefs d’Etat qui ont le choix entre le saut dans l’inconnu et la tolérance de l’emploi de l’arme chimique (qui va donc se généraliser, y compris chez nous), puis celui du « nucléaire sale », plus simple que la bombe, sans parler de la perte de crédibilité de tout discours civilisé
Algérie : « Monsieur », frère du roi ?
(Que les Algériens me pardonnent cette allusion à la cour de France)
L'état de santé du président Bouteflika étant ce que vous savez, ou plutôt que vous soupçonnez faute d'informations précises, il paraît très peu probable qu'il se présente à un 4e mandat, et donc la guerre de succession bat son plein. Bien sûr les démocrates soupirent en rappelant qu'elle devrait passer par des candidatures claires et une élection ouverte. Mais ce n'est pas le cas, et les journalistes en sont réduits à interpréter des événements secondaires pour tenter de deviner qui est en piste avec des chances de l'emporter.
La maladie du président a mis en lumière l'importance du rôle de son frère Saïd, et donc son poids possible dans le choix du nouveau président. Certains évoquent même « une possibilité dynastique ». Corrélativement les gens qu'il gêne essaient de l'écarter. La presse fait allusion à des hauts et des bas. Nous verrons bien le résultat final. Notons toutefois qu'après plusieurs péripéties, il semble que ce soit un de ses proches qui ait finalement obtenu le secrétariat général du FLN.
Le Sinaï sous feux croisés
Vous vous souvenez que le traité de paix israélo-égyptien rendait à l'Égypte le Sinaï occupé par Israël en contrepartie de la limitation de sa présence militaire dans cette région pour être à l'abri d'une attaque surprise. Mais voilà que cette présence militaire très limitée devient un problème pour les deux pays.
D'une part une grande partie de ce territoire est peuplée de bédouins qui ne se considèrent pas comme Égyptiens, et veulent rester maîtres de leurs trafics que ce soit de marchandises, d'armes ou de militants. Parmi ces derniers, il y a d'une part des groupes islamistes internationaux, dont Al Qaïda, qui ne se sentent pas liés par le traité de paix entre l'Égypte et Israël, et continuent leurs opérations contre ce dernier pays. Israël proteste officiellement auprès de l'Égypte, mais celle-ci lui répond qu'il lui faudrait plus de militaires que le traité de paix n'en autorise.
Les bédouins accueilleraient également des « terroristes » (comprendre : « des Frères musulmans » voulant échapper à la police du nouveau régime égyptien : 15 000 d’entre eux, lourdement armés, auraient défilé une nuit à El Arich à la barbe -si j’ose dire- de la police égyptienne)
Les bédouins, enfin, trafiquent avec le Hamas pour l'approvisionnement la bande de Gaza (comme le font d'ailleurs probablement aussi les militaires égyptiens surveillant cette frontière).
D'où des incidents comme celui-ci, rapporté par le journal algérien El Watan :
LUNDI 19 AOÛT, les policiers n'ont pas vu venir l'embuscade. Des hommes armés ont tiré à la roquette et à l'arme automatique sur leur convoi, tuant 25 d'entre eux. Dans le triangle formé par les villes d'El-Arich, Rafah et Cheikh-Zoueid, à la frontière avec Israël, pas un jour ne passe sans que les forces de sécurité égyptiennes ne soient la cible d'attaques.
Au moins 75 membres des forces de l'ordre, ainsi que deux chrétiens coptes, ont été tués depuis la chute du président Mohamed Morsi, le 3 juillet. La multiplication des tirs de roquettes sur son territoire depuis le Sinaï a décidé Israël à installer une batterie antimissiles du " Dôme de fer " dans la station balnéaire d'Eilat.
Égypte : qui a tiré le premier ?
« Les autres », bien sûr ! Le gouvernement clame que les Frères tirent dès qu'ils voient approcher un policier, tandis que ces derniers déclarent que des "snipers" de la police abattent des manifestants pacifiques. Chacun a bien sûr des images à l'appui de sa thèse, qui circulent sur les réseaux et finissent à la télévision, Al-Jazira la qatarie soutenant les « Frères » et Al Arabiya la séoudienne, le régime.
Dubaï n’a pas fini de digérer sa dette
Lafaillite du Dubaï est gérée dans la plus grande discrétion, mais occupe toujours les milieux spécialisés : http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2013/cr13239.pdf
Appel au peuple !!
Cette lettre est gratuite et entend le rester. Toutefois elle demande à notre association, l’ICEG, des efforts financiers qui, bien que modestes, commencent à la dépasser.
De petits dons seraient donc les bienvenus (chèques à l'ordre de ICEG, 12 rue Abel 75012). J’ai remercié les abonnés qui y ont pensé depuis longtemps, et ceux qui viennent de le faire en leur envoyant un petit recueil de témoignages sur la situation du français dans les pays arabes … et bien sûr un reçu fiscal pour diminuer leur impôt (écrire à iceg@noos.fr).
Ceux qui ont reçu ce cadeau l’an dernier en auront un nouveau cette année, approprié à ce que je sais d’eux.