Michael Kohlhaas, un film d’Arnaud des Pallières

Publié le 06 septembre 2013 par Copeau @Contrepoints

Michael Kohlhaas, un film d’Arnaud des Pallières, retrace l'histoire d'une fronde contre un système féodal ; ce film vient de sortir sur les écrans et nous vous en proposons la recension parue sur Cinesthésie.

Un article de Marc Fairbrother

Éleveur de chevaux et père de famille, Michael Kohlhaas se heurte dans une France encore féodale à l’injustice perpétrée par un jeune et impétueux baron local. Conforté dans ses actions par des proches siégeant à la cour de la reine de Navarre, celui-ci impose illégalement un droit de passage sur ses terres et use d’une violence disproportionnée à l’encontre des voyageurs et commerçants qui s’opposent à sa volonté. Maltraité, ne trouvant plus le moindre soutien auprès des voies officielles mais lâches de la justice, Kohlhaas se soulèvera donc, menant une fronde afin d’obtenir la réparation qu’il estime lui revenir de droit.

Lorsque les paysans de sa région – pour la majeure partie des protestants opprimés – rejoindront sa cause, il devra assumer de nouvelles responsabilités, la vie de ces hommes dépendant dès lors de la moindre de ses décisions. Mais Kohlhaas est tout sauf un Robin des Bois continental et il sera amené à trancher définitivement, selon sa seule conscience, entre quête de justice et soif de vengeance.

Arnaud des Pallières applique au film une mise en scène simple mais élégante qui laisse s’exprimer pleinement la force de son récit, adapté d’une nouvelle d’Heinrich von Kleist qui s’inspira à son tour d’un épisode de l’histoire allemande du XVIesiècle. Si l’oppression et la résistance en sont les motifs évidents, c’est ainsi les choix qui s’imposent à un Kohlhaas ostracisé qui occupent la place centrale de l’œuvre et sa conscience même qui s’y trouve exposée au grand jour.

En effet, il n’est pas tant question ici de critiquer ceux dont le comportement engendre le mal que de scruter le bien-fondé de ses propres agissements. Les paysages balayés par le vent, verdoyants et pourtant arides, prêtent à l’ensemble le souffle d’un romantisme tourmenté, exploitant la beauté de la campagne française pour en faire le théâtre intemporel de l’action. Rompant avec l’approche générale d’une sobriété prosaïque, certains plans s’aventurent à la lisière du fantastique pour subitement faire basculer ce tragique fait divers dans le domaine du conte existentiel.

Tirant quelque peu sur la longueur, Michael Kohlhaas se trouve plombé par une bavarde insistance sur les évidences du récit par des dialogues trop explicites et didactiques révélatrices d’une impuissance à traduire les ramifications politiques et morales en purs enjeux de mise en scène. Malgré ces défauts, le film reste néanmoins captivant grâce au talent des acteurs qui le portent, notamment Mads Mikkelsen qui – dans le rôle-titre – prouve une nouvelle fois l’étendue de sa palette et fait résonner dans son interprétation subtile toute la complexité des sentiments de son personnage.

On notera aussi la présence au casting hétéroclite de Denis Lavant (Les Amants du Pont-Neuf, Holy Motors), Bruno Ganz (L’Ami américain, Nosferatu, fantôme de la nuit) ou Sergi Lopez (Harry, un ami qui vous veut du bien, Le Labyrinthe de Pan) dans des rôles secondaires. Arnaud des Pallières signe donc avec Michael Kohlhaas une œuvre singulière dans le paysage audiovisuel français, inégale mais aussi fascinante par bien des aspects.

L'article original (avec de belles images) sur cinesthesies.fr

Le film sur wikipédia (attention, lisez pas tout si vous voulez voir le film !)