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[Critique] LES DERNIERS AFFRANCHIS

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LES DERNIERS AFFRANCHIS

Titre original : Stand Up Guys

Note:

★
★
★
½
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Fisher Stevens
Distribution : Al Pacino, Christopher Walken, Alan Arkin, Addison Timlin, Julianna Margulies, Mark Margolis, Lucy Punch, Vanessa Ferlito, Craig Sheffer…
Genre : Drame/Comédie
Date de sortie : 4 septembre 2013 (DTV)

Le Pitch :
Val retrouve son ami Doc, après avoir presque passé trois décennies derrière les barreaux. Mafieux vieillissants, les deux hommes profitent de ces retrouvailles pour évoquer le bon vieux temps. Pour Val, c’est aussi l’occasion de profiter de plaisirs que la prison interdit. Val qui ne se doute pas que Doc a été chargé de l’éliminer par un caïd avide de vengeance et à la rancune tenace…

La Critique :
Le bon vieux temps… L’époque où Al Pacino, Christopher Walken et une poignée de géants comme Robert De Niro ou Jack Nicholson régnaient sur le Nouvel Hollywood. C’est précisément de cela dont il est question ici. Au cas où on ne l’aurait pas pigé, le titre français se charge de nous le rappeler. Al Pacino et Christopher Walken sont des affranchis. Jadis, ils relevaient tous les défis propres à leur condition d’acteurs touche à tout. Les deux ont incarné des mafieux. Pacino tout particulièrement, dans des œuvres qui ont marqué au fer rouge le public, comme Scarface, L’Impasse et bien sûr la trilogie du Parrain. Walken a lui aussi donné, avec le fameux King of New York d’Abel Ferrara, Nos Funérailles du même réalisateur, ou encore True Romance du regretté Tony Scott. Leurs visages portent les stigmates de ces longs-métrages qui ont instauré une image tenace, désormais indissociable de leur nom. Et c’est cette image qu’exploite Les Derniers Affranchis.

C’est Fisher Stevens, l’un des seconds rôles les plus récurrents du cinéma américain, réalisateur discret passé à la réalisation sur le tard, qui orchestre les retrouvailles des deux monstres sacrés. Une réunion de famille à laquelle se joint Alan Arkin, un autre vieux de la vieille dont la carrière grand public a véritablement explosé ces dernières années avec des films comme Argo et Little Miss Sunshine. Trois acteurs vétérans pour une comédie mafieuse aux accents dramatiques et dont le principal objectif semble être de jouer sur la corde sensible d’un public mélancolique amoureux de ce genre de choses.
De l’eau a coulé sous les ponts depuis les glorieuses années d’Al Pacino. À quand remonte son dernier vrai bon film ? À 2002 probablement, avec Insomnia de Christopher Nolan. Depuis, Pacino a succombé à la maladie des vieilles légendes. Moins exigeant, plus paresseux, il a joué la facilité et a cabotiné. Parfois à l’extrême, au point de se ridiculiser. Souvenez-vous de Jack et Julie avec Adam Sandler. Une véritable catastrophe qui va plutôt bien avec l’inclinaison d’une carrière engagée sur une pente dangereusement savonneuse. En une décennie, Pacino n’a rien fait de bien notable. Des films tout au plus amusants, voire carrément navrants (La loi et l’ordre avec De Niro est un bon exemple). La légende est néanmoins intacte. C’est là que le bénéfice de toutes ces années de chef-d’œuvres parle. Pacino a vieilli. Il a de la bedaine, ses traits sont fatigués, sa voix aussi et parfois, sa façon de bouger rappelle celle d’Ozzy Osbourne. Mais quand même, on parle de Pacino. Le charisme est intact. Dans Les Derniers Affranchis non plus il ne force pas. Il fait ce qu’il sait faire, avec un peu trop de détachement, mais de manière convaincante. Il faut dire que dès qu’il en fait des caisses, Christopher Walken est là pour tempérer, lui qui a su davantage négocier le virage de la soixantaine, même si il n’a pas échappé à quelques bons vieux navets de derrière les fagots. C’est peut-être son rôle qui veut ça, mais Walken est plus posé. Plus réfléchi. Dans les non-dits, l’économie des mots et le ressenti brut. C’est lui qui conduit ici et il conduit toujours aussi bien.

Au fur et à mesure que les minutes défilent, le long-métrage change. Comme si il comprenait qu’il amuse plus qu’il ne fait vraiment rire au détours de quelques situations cocasses et référentielles, le film privilégie la nostalgie et les émotions. Restent donc ces deux meilleurs amis, réunis à l’hiver de leur existence. L’un doit éliminer l’autre. Même vieux, ils restent des affranchis et doivent toujours obéir à cette fameuse loi impitoyable. Récit d’une nuit, où le passé rencontre le présent et où le futur n’est jamais évoqué, où alors très peu, via la jeune génération, personnifié par Julianna Margulies (Urgences) et la sublime Addison Tamlin (vue dans Californication).

Avec cette grosse madeleine de Proust, Fisher Stevens ne réussit pas un grand film à la hauteur des plus prestigieux trips mafieux de ses stars. Ils les soigne quand même, en les caressant dans le sens du poil. Discret derrière sa caméra, le cinéaste débutant laisse se dérouler les choses et le charisme de faire son petit effet. Le seul fait de voir discuter Walken et Pacino d’un passé que d’une certaine façon, nous avons partagé avec eux, est un régal d’initié. Peu importe si au fond, il ne se passe pas grand chose. Progressivement, ces derniers affranchis gagnent leurs galons et à la fin, quand intervient le bilan définitif de leurs vies de débauche criminelle, on se surprend à ressentir une petit boule au niveau de la gorge, alors que la chair de poule n’est pas loin. Alors oui, on aurait aimé que cette réunion soit orchestrée avec plus de contrôle, par un Scorsese par exemple, mais en l’état, le film reste appréciable. Par sa capacité à convoquer des figures inoxydables et à les confronter aux ravages du temps, il mélange fiction et réalité, dans une dernière valse certes un peu anecdotique, mais à laquelle il serait dommage de ne pas prendre part.

Dommage que le film n’ait pas eu les honneurs d’une sortie en salle…

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : Metropolitan FilmExport


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