Girondins. Commençons d’abord – contrairement à beaucoup d’autres – par ne pas nous étonner de l’attitude en apparence assez déroutante de notre François Ier en son Palais élyséen, qui, en moins de dix ans, aura donc tout bazardé par-dessus bord, y compris ce qu’il affirmait en 2003 lors de l’intervention américaine en Irak alors qu’il était encore premier secrétaire du Parti socialiste. Dénonçant à l’époque l’archaïsme de nos institutions, il préconisait que «l’emploi hors du territoire national des forces françaises soit soumis à une consultation préalable du Parlement».
Aujourd’hui, dans ses habits de monarque élu, la musique varie du tout au tout. Mais, à ce propos, d’où vient son côté ostensiblement belliciste ? La lecture d’un texte du blog de Vingtras (sur Mediapart), intitulé «Le tropisme girondin», nous aide à y réfléchir sérieusement: «Si l’on prend le temps de relire un peu notre histoire depuis la Révolution de 1789, on comprend mieux le réflexe guerrier, sinon l’addiction militaire de cette gauche qui n’est pas la gauche»… L’auteur poursuit en ces termes: «En effet, dès 1791, les députés girondins qui se sentaient incapables d’affronter les problèmes sociaux posés par la chute irrémédiable de la féodalité et la fin probable de la royauté se sont déclarés partisans de la guerre contre les monarchies européennes. Ils espéraient ainsi que ce bouleversement serait en mesure d’apporter une légitimité nationale au nouveau régime qu’on allait instaurer en France. À savoir une monarchie constitutionnelle à l’anglaise.» Ce que Vingtras appelle le « fantasme girondin » aurait par la suite couru tout au long du XIXe siècle (exemple: les radicaux de la «République des ducs»), jusqu’à laisser des traces indélébiles au XXe siècle après la mort de Jaurès (Viviani durant la guerre 14-18, Daladier en 1939, puis Guy Mollet avec l’Algérie). Conclusion provisoire, sous forme de question: la social-démocratie-libérale à la française s’inscrit-elle «naturellement» dans cette tradition?
Face. Le bloc-noteur se pose la question: comment sanctionner Bachar Al Assad sans ajouter de la guerre à la guerre, sans que le dictateur en question ne se frotte les mains? Que faire ou, plus exactement, que faudrait-il souhaiter? Personne n’est prophète en ce domaine, mais ce qui se trame sur l’échiquier mondial est aisé à résumer pour tout citoyen un tant soit peu pacifiste et pour autant dépourvu d’angélisme. Primo: s’il ne se passe rien, le clan Al Assad se sentira pousser des ailes (ce qui est déjà le cas depuis des semaines) et il n’y aura peut-être plus de limite à l’exercice de sa cruauté. Secundo: éviter à tout prix une intervention militaire dont aucun des experts patentés qui occupent les plateaux de télé ne peut prédire les conséquences dans la région. Notons au passage que nous sommes en droit de nous interroger, une fois encore, sur les réelles motivations de certains va-t-en-guerre, motivations pas forcément dictées par l’idéalisme de justice, les droits de l’homme, la lutte contre le totalitarisme ou des considérations géopolitiques rationnelles… Alors que reste-t-il comme options ? Une seule réponse : le parti pris du peuple syrien et le soutien à la révolution intérieure, laïque et progressiste – et rien d’autre. Pour l’heure, les présidents français et américain n’ont qu’une obsession en tête, frapper et bombarder Damas, même sans mandat de l’ONU, avec pour but non avoué de sauver la face sur la scène diplomatique. Qu’importe au fond le possible embrasement général et qu’importe même ce qu’en pensent les résistants syriens, loin d’être acquis à cette idée. Décidément : rien ne va plus pour «l’ordre international»!
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 6 septembre 2013.]