Samuel est au volant. Joséphine, à ses côtés, la main posée sur sa cuisse.
Ils sont amoureux.
Samuel va sur ses vingt ans. Joséphine en aura dix-huit dans quelques semaines. Et moi, bientôt treize.
Stephan Eicher passe à la radio.
Joséphine est heureuse. Elle chante avec lui "Déjeuner en paix".
La terrible scène de la veille ne lui a été racontée que succinctement.
"L'autre" n'est pas revenu depuis son départ en claquant la porte. Après que je l'ai menacé avec ce couteau.
J'ai mal dans mon cou. Une douleur dans la nuque. Peut-être un malaise de culpabilité.
Stephan Eicher entame le refrain.
Comme dans une colonie de vacances, nous chantonnons tous les trois ce fameux "Déjeuner en paix".
Nous venons de passer l'après-midi chez mes grands-parents. Un après-midi de paix.
J'ai regardé ma grand-mère travailler dans son atelier de couture. J'étais bien.
Je n'ai pas parlé de ce qui s'est passé la veille. Mes grands-parents ne doivent pas savoir.
Ma mère me l'a demandé.
Depuis la mort de Sylvia, tout à tellement changé. Ils sont tellement ancrés dans la douleur, qu'il ne faut surtout pas les alourdir par cette terrible situation.
Ma mère compte définitivement se séparer de lui. Alors, rien ne sert d'en parler.
Nous rentrons à l'appartement.
Il est 19h30. C'est l'heure où ma mère doit rentrer du travail.
Samuel cherche une place à proximité de l'appartement.
C'est difficile. Il y a beaucoup de monde. Tous sont déjà presque rentrés de leur travail.
A 19h30. C'est toujours difficile de trouver une place.
300 mètres plus loin, il en trouve enfin une.
Nous sortons du véhicule et nous nous dirigeons vers l'immeuble. Samuel doit rester manger à la maison avant de prendre la route de nuit pour repartir à Bronges.
Dans l'ascenseur, c'est la bonne humeur. Même si Joséphine est attristée par le départ de Samuel, elle sait qu'il doit revenir dans seulement trois semaines pour son anniversaire.
7ème étage.
Nous sortons de l'ascenseur. Nous nous dirigeons vers l'escalier pour nous rendre au huitième lorsque nous entendons ma mère parler et frapper à la porte.
- Jean-Marc ! Ouvre !
Nous nous précipitons pour la rejoindre.
Ma mère est debout, encombrée de sacs de courses, son manteau, son sac à main. Elle nous voit.
- Il s'est enfermé dans l'appartement. Il a changé la serrure cet après-midi. En rentrant, je suis allé directement faire quelques courses avant de monter, et quand je suis revenu, mes pneus étaient éclatés. C'est lui. Maintenant, il ne veut pas ouvrir.
- Quoi ?
- Je pense qu'il a bu.
On entend des coups sur un mur, à l'intérieur de l'appartement.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Il se cogne la tête contre les murs. Je ne sais pas ce qu'il a fait mais il a cassé des choses à l'intérieur.
- Je vais me buter Myriam ! Tu m'entends ! Je vais me buter !
Ma soeur et moi sommes complètement terrorisés.
- Viens maman, on s'en va !
Il semble avoir entendu les dernières phrases.
- Non ! Myriam ! Tu reste là. Je veux que tu entendes. J'ai mon fusil ! Tu vas m'entendre !
Chuchotements.
- Maman j'ai peur !
- Qu'est-ce qu'on fait !
- Il faut appeler la police !
- Reste-là Myriam ! Si tu te casses, j'ouvre la porte et je te bute !
- Samuel tu es en voiture ?
- Oui.
- Il faut qu'on parte discrètement.
- Reste-là ! Où je vais buter tes enfants.
- Je suis garé loin. Je vais chercher la voiture.
Samuel pars discrètement pour aller chercher sa voiture.
- Myriam ! parle-moi !
- Jean-Marc ! Arrête ! S'il te plaît, arrête ! On va discuter calmement.
- Tu restes là...! Je te vois à travers le judas.
- Oui, je reste là.
- Je veux t'entendre. J'ai chargé le fusil.
Ma mère se retourne vers nous. Ma soeur lui chuchote, en larmes.
- Maman, on est pris au piège.
(A suivre)