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« Dans un avion pour Caracas », au bonheur de la littérature

Par Pmalgachie @pmalgachie
« Dans un avion pour Caracas », au bonheur de la littérature Que faire Dans un avion pour Caracas ? Charles Dantzig propose sa réponse à la question que tout le monde se posait. Enfin, quelques personnes peut-être. Est-ce à dire que les autres ne s’intéresseront pas à pareil livre ? Non, bien sûr. Le romancier est celui qui débusque non seulement les besoins inassouvis, mais surtout les besoins ignorés de son lecteur. Charles Dantzig, un des plus fins connaisseurs de la chose littéraire aujourd’hui, dont il a fait son terrain de jeux en l’explorant sous toutes ses facettes, est un illusionniste de talent. Capable de transformer Hugo Chávez en personnage de roman – il en a, c’est vrai, la carrure. Et de fournir, par l’intermédiaire du portrait de Xabi, un ami parti au Venezuela avant le narrateur, une grille de lecture du monde permettant de décrypter aussi bien les grandes questions politiques que la présence de Sharon Stone en couverture d’un magazine. Rien de tout cela n’existerait s’il n’y avait eu Xabi, écrivain à succès qui cultive l’amitié avant de moissonner et de semer à nouveau. Il se débarrasse de ses amis, à moins qu’il soient des courtisans, tous les six ou sept ans, ne voyant pas pourquoi l’amitié devrait durer plus longtemps que l’amour – et c’est là une de ses nombreuses théories qu’il embrasse provisoirement, ou durablement si elles semblent toucher ceux auprès de qui il les teste. « Les théories, pour lui, sont parfois des idées qu’il essaie comme des vêtements », dit le narrateur, heureux d’appartenir au premier cercle depuis quatre ans, ce qui lui permet de s’y trouver encore. Malgré son admiration pour Xabi, il ne cache cependant pas qu’il l’a parfois irrité. Irritante, par exemple, la décision prise par Xabi de partir au Venezuela pour écrire sur Chávez un livre qui démonterait les mécanismes de son pouvoir : la propagande, les poses, sa manière de retourner en sa faveur tout ce qui pourrait le desservir. Xabi fournit ce qui représente à ses yeux la preuve de ce qu’il avance : « Chávez passe son temps à se plaindre de ce qu’on l’agresse en “Occident”, mais le seul livre sur lui dans cet “Occident” lui trouve non seulement des excuses, mais aussi du charme, et même du génie. C’est la tactique des agresseurs. On les effleure de l’épaule dans la rue, et ils envahissent la Tchécoslovaquie. “J’ai été agressé!” » Les mots comme arme absolue de domination, et en face les mots que Xabi veut à son tour poser. « Mon voyage dans la tyrannie sera un voyage dans les noms », écrivait-il sur une carte postale envoyée de Caracas. Le voyage en avion est propice à la réflexion. Le lieu est clos, le temps et l’espace déroulent à l’extérieur de la cabine heures et kilomètres, tandis que le passager leur est indifférent. Et rumine les éléments en sa possession, à propos de lui-même, de Xabi et de tout ce qui les entoure. Ou les entourait, puisqu’on ne sait même pas si Xabi est encore vivant…
Comme on pouvait s’y attendre, voire même l’espérer chez un fin gourmet de la littérature, Charles Dantzig truffe son roman de formules bienvenues, qui feront la joie des amateurs de citations. Une seule, comme mise en bouche : « Le temps console. C’est ce qu’on peut lui reprocher, aussi. »

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