Métro ligne 3,
Je regarde le reste des stations à parcourir, je suis tranquille, je serais à l’heure pour attraper le train.
Je n’avais pas envie de galoper dans les couloirs, donc ça tombe bien.
Le métro s’arrête à la station Havre-Caumartin.
Je regarde par la vitre, le quai d’en face et je vois un homme.
La cinquantaine, les cheveux grisonnants et des petites lunettes qui font "intello", il semble totalement absorbé par son livre. Je trouve qu’il a l’allure d’un professeur. Je le vois bien prof de philo dans un lycée ou à l’université. Il parcourait nonchalamment l’estrade tout en donnant à ses élèves un aperçu de son savoir.
Il ne se gênerait pas pour héler les lycéens un peu trop bavards et pour les remettre en place.
Je pense qu’il doit être un prof charismatique.
Perdue dans mes pensées je ne m’aperçois pas tout de suite que la rame est bloquée et que l’on avance plus depuis un moment. Il n’y a pas eu d’annonces donc je me dis que ça ne va pas durer trop longtemps.
Et puis je regarde de nouveau cet homme, toujours plongé dans son livre. Et un détail me chiffonne. Il est habillé avec un gros pull. Gris et col roulé, on dirait un pull d’hiver. En ce jour d’août, il fait bon, très bon, je suis en t-shirt.
Je me dis qu’il doit être frileux. Mais cela ne me convainc pas. Et puis je regarde plus attentivement et je vois le sac de couchage déroulé à côté de lui. Et puis plusieurs sacs, certains en boules, d’autres en tissu sont posés sur le sac de couchage.
Rien dans son attitude n’avait pu me laisser penser qu’il était SDF. Je me demande d’un coup ce qui a pu le mener là, sur ce quai de métro qui semble être son petit coin de vie. Est ce qu’il a perdu sa famille ? Son boulot ? A t-il été victime d’une maladie ? Depuis combien de temps ?
Je me demande encore une fois, si prof a été son métier. Il semble tellement concentré dans son livre, ne perdant pas une miette de ce qui est écrit. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûre qu’il a enseigné à un moment de sa vie.
La sonnerie du métro. Les portes qui se ferment. Et la rame qui s’éloigne doucement du quai. Je le regarde tant que je peux, jusqu’à ce qu’il soit hors de ma portée.