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De l'art contemporain en montagne

Publié le 05 septembre 2013 par Lifeproof @CcilLifeproof

Casso1La terrasse du Nuovo Spazio di Casso

Tout le monde sait (parfois un peu trop bien) que la situation économique en Italie est assez désolante en ce moment. Comme toujours dans les moments les plus difficiles, les premiers postes dans le budget à être sacrifiés sont celles de la culture, et notamment de l’art contemporain.
Puisque heureusement ceux qui travaillent dans ce domaine (disons la plupart) le font non pas pour l’argent mais pour un mélange indéfini de passion, sens de mission, envie de faire bouger les choses, exigence intellectuelle, les nouvelles initiatives ne manquent pas : il suffit juste de fermer les pages des journaux qui ne parlent que des conditions catastrophiques de Pompeï et des autres sites archéologiques « qui font la richesse de l’Italie » et se concentrer sur toutes les expériences qui marchent, poussent à la réflexion et ne se limitent pas qu’à la conservation du passé, mais essayent de tracer une carte du présent. Oui, l’art contemporain aussi fait la richesse d’un pays !

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Vue de l'exposition

Cet été j’ai eu la chance de visiter un de ces nouveaux lieux où l’on sent à fleur de peau que quelque chose est en train de bouger. Il s’agit d’un nouveau centre d’art contemporain, le Nuovo Spazio di Casso, perdu dans un village d’une trentaine d’habitants sur le flanc d’une montagne au nord de la petite ville de Belluno. Dans cet espace, une ancienne école abandonnée, j’ai pu visiter « Roccedimenti. Fatte, non finite, le nature contemporanee », la deuxième exposition collective du centre d’art. Ce qui rend vivant ce lieu, qui autrement serait deserté, comme il l’est depuis 50 ans, est le fait que les artistes y viennent, invités par le curateur, Gianluca d’Incà Levis, et y passent du temps à s’imprégner du lieu, parfois à travailler avec les habitants, à réfléchir à leur travail, pour déboucher ensuite sur une exposition. La résidence est ici conçue justement comme un moment de réflexion, loin toute « mondanité », pour se confronter avec le lieu et en premier lieu avec la montagne.

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Emmanuele Panzarini, Like a stone, 2013, installation

Parce que, oui, le village de Casso, avec celui d’Erto, est tristement célèbre en Italie parce qu’il a été frappé par la vague du lac du Vajont, la même vague qui a fait des milliers de victimes à Longarone, dans la vallée du Piave, en 1963. Je connais très bien ces contrées, car pendant les vacances d’été, quand j’étais petite, j’allais souvent voir l’impressionnante  squelette de la digue, restée débout malgré la violence du débordement. Les lieux étaient dénudés et on respirait un air d’abandon, comme si personne n’avait eu le courage de toucher à rien après le désastre. En y revenant, après plus de 15 ans, tout a changé : visites guidées, énormes parkings(payants !)., parcours thématiques… C’est effectivement avec joie et soulagement que j’ai pu me rendre compte que le Nuovo Spazio di Casso propose autre chose à ceux qui s’avancent jusqu’ici : un lieu d’exception avec une terrasse sur le mont Toc, trois étages d’exposition qui réfléchissent bien sûr sur le lieu (et notamment la montagne), mais qui ne se laissent pas aller à une évocation morbide de la tragédie d’il y a 50 ans.

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La façade du Nuovo Spazio di Casso


Le Nuovo Spazio di Casso n’est pas la première expérience de Gianluca d’Incà Levis, qui a créé il y a 3 ans le projet Dolomiti Contemporanee, dont le but est celui de réactiver des lieux abandonnés (usines, gites, lieux du patrimoine…) grâce à l’intervention et à la présence des artistes, en questionnant le paysage spécifique dans lequel il évolue, celui des montagnes et notamment des Dolomites. Loin de toute fausse rhétorique, de toute stérile tradition, les interventions des artistes nous poussent à porter un regard différent sur la montagne, paysage où la composante verticale est prépondérante et façonne tous les aspects de la vie de ceux qui y habitent.  

Voici donc un exemple de ce qui me fait bien espérer pour l’avenir de l’art contemporain en Italie et un bon exemple de dynamisme et sensibilité dont nous avons tous besoin, professionnels de l’art, amateurs, simple public.  

Nuovo spazio di Casso - Centro per l'arte contemporanea
via Sant'Antoni 1 33080 Erto e Casso (Pordenone)
[email protected]
+39 0427 66 60 68

Stefania

P.S. Avec ce dernier article, j'ai le regret de vous annoncer que je vais suspendre pendant quelques temps ma contribution à Lifeproof, pour des questions professionnelles. Au plaisir de vous retrouver j'espère bientôt!


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