Magazine Culture
Des tortures quotidiennes infligées à nos glorieux anciens (A tout senior, tout honneur)
Publié le 04 septembre 2013 par Artetmanieres @ArtetManieres
On ne cesse de fustiger les jeunes générations pour le manque de respect qu’elles affichent à l’endroit de leurs aînés n’hésitant pas à piétiner des siècles de règles immuables qui voulaient que quand un vieux parlait, le jeune avait plutôt intérêt à fermer sa gueule. Si les temps ont changé, ce n’est pas tant aux adolescents pré-pubères que nous devons ce déclin des bonnes manières mais à l’ensemble d’une société où l’obsolescence programmée ne touche plus seulement les lave-linges et les smartphones. Et ça commence bien avant la maison de retraite…
Rendez-vous à Téna-cité
Rentrée médiatique oblige, tous les nouveaux programmes de télévision et de radio se voient actuellement largement commentés, lors d’émissions télé et radios prévues à cet effet, pour notamment dire toute l’indigence à laquelle nous confrontent certaines productions estampillées « jeunes » ! Mais ils n’ont jamais regardé France 3 l’après-midi cette bande de débiles cathodiques. Je défie quiconque ayant encore toute sa tête d’être capable d’enchainer deux épisodes de Ein fall für zwei (le digne successeur de Derrick), Des Chiffres et des Lettres, Slam, Questions pour un Champion et l’édition régionale du 19/20 sans finir hagard, la bave aux lèvres et la couche mouillée ! Et encore, on a perdu Pascal Sevran. (Tiens d’ailleurs, quelqu’un sait où il est ?) Vous me direz (si, si, je sais que vous le direz) : « oui mais ça c’est que l’après midi. Ils ont tout le matin pour se reposer en vue de cet effort soutenu. » Mais tas d’esprits sarcastiques, vous le faites exprès ou quoi ? Pourquoi croyez-vous que la totalité des quotidiens régionaux ont mis en place un système de portage à domicile qui vous colle sa dose d’encre malodorante et de papier médiocre (je n’ai pas encore parlé de la qualité des articles là) dès huit heures du mat’ dans la boite à lettres ? Une fois sur deux, la Une c’est un accident de bagnole avec un octogénaire qui n’a pas vu descendre la barrière du passage à niveau et dont la Diane a perdu son duel avec le TER Tulle-Ussel. Signe de la perfidie des rédactions, ils placent les grilles de mots-fléchés touuuuuut à la fin du journal, comme ça les vieux sont obligés de tout lire avant de les trouver ! Ce qui, en comptabilisant les dix-sept minutes sur la rubrique nécro, intervient vers les onze heures trente-deux. Juste à temps pour le bouillon de midi. Pour les publicités, c’est la même chose. Ces salauds de publicitaires nous abreuvent de scènes de joie dès qu’on parle de famille – genre l’ami Ricoré qui se pointe au petit dej’ de monsieur et madame Nutella et leurs enfants – et ils nous balancent sans sommation vingt-cinq secondes de Robert Hossein pour nous familiariser avec les appareils auditifs. C’est comme si ils prenaient Angela Merkel pour la pub de Disneyland, c’est un tout petit peu à contre-emploi.
Les nouveaux envahisseurs
Plus mystérieux encore que le triangle des Bermudes ou le mythe de l’Atlantide, il serait d’utilité publique que nos meilleurs chercheurs se penchent sur un phénomène d’ampleur mondiale qui veut qu’une force invisible poussent nos très chers seniors vers l’entrée des supermarchés dès les premières lueurs de l’aube. Existe-t’il un joueur de flûte comme celui qui organisa la belle farandole enfantine à Hamelin ou bien l’analyse de notre cerveau reptilien livrerait-elle la découverte de la même glande suicidaire que chez les lemmings une fois passés 60 ans ? Et ça ne s’arrête pas là. Nos seniors sont soumis à des contraintes inimaginables qui rendent leurs agendas plus chargés que le soutien-gorge de Nabilla et leur filent le moral dans les bas de contention. Essayez, vous, de pèter la forme après avoir assisté à la commémoration d’une guerre devant un monument en pierre grise en passant deux heures debout à compter tous ceux qui manquent par rapport à l’année dernière. Ça vous rendrait Plastic Bertrand neurasthénique. Et toute l’année c’est comme ça. Les seuls trucs auxquels on les invite sentent la vieille conserve de sardine, la naphtaline et l’after-shave de Bigard mélangés. Dès qu’il y a une vente de casseroles en vrac ou une foire aux matelas sur le parking du Super U, c‘est pour leur gueule. Et quand de généreux organisateurs se piquent de leur monter un salon rien que pour eux, c’est sponsorisé par les Pompes Funèbres Générales et la Garantie Obsèques. Miam !
Bon c’est pas tout ça mais j’ai laissé Mamie sur son monte-escalier en double-file, et je ne voudrais pas qu’elle passe l’après-midi en stand-by alors qu’elle était en train de faire la course avec Jean Lefebvre ! (quatre mots composés en une phrase, il est temps d’arrêter)
Gabriel de Calomnie