Taxis : un gisement d'emploi inexploité

Par Plumesolidaire

 

Lire l'article : A qui profite le million d'euros du trafic des examens de chauffeur de taxi à Paris ?

Jacques Attali, dans son dernier opus, "Urgences françaises", explique que l'un des principaux obstacle à la réforme dans notre pays tient à notre culture de la rente.

Avantages professionnels, déductions d'impôts ou exonérations de charges sociales, numerus clausus, réglementations protectrices et dérogations...Innombrables sont les exceptions à la règle de l'égalité qui confirment la puissance des corporatismes; protégeant les libertés des uns contre l'intérêt de tous.

Dans leur infinie variété décrite dans "Urgences françaises", les rentes, dont le champ s'étend bien au-delà des revenus du patrimoine et des actions, semblent être le fruit du génie français de la conquête et de la conservation de privilèges toutes catégories sociales et économiques confondues.

Histoire de mettre un peu d'huile sur le feu, je verse au débat cet article du magazine Le Point, qui fait le point sur une situation en tous points emblématique de notre culture conservatrice de défense de nos intérêts particuliers contre l'intérêt général.

Plume Solidaire

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Lire l'article  : Pour en finir avec les taxis parisiens

Le Point.fr - Publié le 07/08/2013

La pénurie de taxis et leur manque de courtoisie atteignent des sommets. Au profit des taxis-motos ou des voitures de maître qui se taillent un franc succès.

Par JÉRÔME BÉGLÉ

S'il fallait donner un seul exemple des blocages, des corporatismes et des réglementations ubuesques qui sévissent en France, il faudrait se pencher sur le fonctionnement des taxis parisiens. Dès les années 60 et le rapport Rueff-Armand, leur mode de fonctionnement surprotégé et suradministré était pointé du doigt. Depuis, rien n'a bougé !

En 2008, peu de temps après la remise du rapport Attali, le Premier ministre François Fillon déclarait : "Le système de la profession de taxi ne fonctionne pas bien, en tout cas dans certaines villes. (...) Il faut donc que cette profession évolue, il s'agit de faire en sorte que ces professions fonctionnent mieux et qu'elles répondent mieux aux besoins des usagers." La 211e des 316 propositions de l'ancien président de la BERD préconisait d'"octroyer gratuitement, par une procédure d'attribution étalée sur deux ans, une licence incessible à tous les demandeurs inscrits fin 2007. Mais aussi de simplifier les tarifs, de les moduler lorsque l'essence ou le gasoil augmentent fortement, de "supprimer les restrictions territoriales qui limitent le chargement des clients dans certaines zones et d'autoriser la maraude". 

Mais aussi de "créer une voie dédiée aux taxis, aux bus et au covoiturage entre Paris et les aéroports" ou de "fluidifier le marché secondaire en autorisant sans délai la vente des licences actuellement détenues". Des mesures équilibrées et de bon sens qui ont immédiatement déclenché l'ire des 18 000 taxis parisiens et l'inquiétude de leurs 40 000 confrères répartis sur le reste du territoire. 

Le succès des voitures de tourisme avec chauffeur

Ces propositions sont restées lettre morte. Sauf que les utilisateurs de plus en plus accablés par le manque de véhicules et la piètre qualité des services rendus ont trouvé des palliatifs. Les motos-taxis se taillent un franc succès et s'avèrent être un moyen rapide et efficace pour se rendre d'un point à un autre en évitant les bouchons toujours nombreux à Paris. Mais il faut voyager seul, sans bagage, pouvoir grimper sur le deux-roues, et ce mode de transport se révèle plus agréable sous le soleil que par temps de pluie. Par ailleurs, les chauffeurs n'ont théoriquement pas le droit de faire du racolage, même s'ils ne s'en privent pas. 

La véritable alternative aux taxis, ce sont les VTC, les voitures de tourisme avec chauffeur. Pour circuler dans la capitale comme pour se rendre dans un aéroport, comptez quelques euros de plus, mais l'investissement vaut le trajet ! La voiture qui vient vous chercher est spacieuse, propre, non odorante. Le chauffeur porte un costume, souvent une cravate, vous ouvre la porte de son véhicule, vous guide sans encombre par le chemin le plus rapide, pour un prix fixé à l'avance, ne vous impose ni sa radio, ni ses jurons, ni ses opinions politiques et met à votre disposition une petite bouteille d'eau. Bref un rêve que l'on croyait définitivement inatteignable. 

Guère étonnant donc que ces nouveaux services pullulent dans Paris et fassent de l'ombre aux taxis, y compris aux offres haut de gamme telles que les clubs affaires. Seule "contrainte", il faut s'abonner, mais cette formalité est compensée par une application qui depuis votre smartphone vous permet de commander votre voiture, de visualiser l'endroit où elle se trouve, le temps qu'elle mettra pour venir vous quérir. Et en plus, une fois sur place, le chauffeur, dont vous connaissez le nom, vous signale qu'il est arrivé ! Incroyable mais vrai ! Inutile de vous dire que les sociétés Uber, Chauffeurprivé ou Taxiloc remportent en ce moment un franc succès !

Supprimer le numerus clausus

Plutôt que de se remettre en cause, les conducteurs de taxi crient au vol et ont obtenu au début de l'été et par décret une protection supplémentaire ! Désormais, la législation impose un délai de 15 minutes minimum d'attente entre la commande du VTC et son arrivée ! Cela confine à l'obscurantisme. Pourquoi ne pas demander aux avions des compagnies étrangères de décoller avec une demi-heure de retard pour protéger les vols d'Air France ?! Un privilège qui fait bondir Pierre-Dimitri Gore-Coty, directeur France de Uber. "On ne demande pas que la législation soit alignée sur celle des taxis, il faut des conditions d'utilisation particulières comme cela se fait partout dans le monde. Mais le délai des 15 minutes va contre l'intérêt des utilisateurs."

Société américaine opérant dans 35 villes dans le monde, Uber a ouvert en décembre 2011 sa filiale parisienne. Celle-ci est devenue en quelques mois la plus importante hors du territoire américain. Preuve supplémentaire de l'exaspération des clients des taxis ! "On mutualise des berlines de grande remise en leur offrant la technologie nécessaire à l'optimisation de l'occupation de leur véhicule, précise le dirigeant". Aujourd'hui, on estime à près de 1 000 les voitures partenaires parisiennes sous la bannière Uber. 

Un gisement d'emplois inexploité

Des discussions sont engagées pour tenter de réconcilier tout le monde à la rentrée. "Le gouvernement est paniqué par une éventuelle grève des taxis, témoigne un proche du dossier. Ils peuvent paralyser gares et aéroports au moment des retours de vacances." Mettre à bas le corporatisme des taxis ne sera pas une mince affaire. Aujourd'hui, une licence égale un seul chauffeur tandis que dans les autres pays, il n'est pas rare que deux ou trois conducteurs se relaient au volant d'un même véhicule pour le faire tourner bien plus longtemps. 

"Le taxi parisien passe un temps infini à attendre à l'aéroport, révèle cette source. Il joue à la pétanque, discute avec ses collègues, fait son PMU." Bien à l'abri derrière leur quasi-monopole, ils ne font rien pour se réformer, aidés en cela par la puissante compagnie G7 (également propriétaire des Taxis bleus). "Ce corporatisme nuit à la croissance et à l'emploi. Cette sur-réglementation a surprotégé la profession qui est aujourd'hui incapable de se réformer," explique Florian Silnicki du cabinet SC Conseils, auteur d'une étude sur le sujet. 

Et de faire deux propositions pour améliorer la disponibilité des taxis. "Il faudrait offrir une plaque à ceux qui en font la demande sur des critères objectifs et sans numerus clausus. L'État compenserait alors la moins-value potentielle que cette abondance de nouveaux chauffeurs générerait lors de la revente des plaques de taxis." Ces dernières s'échangent au-delà de 100 000 euros et représentent le véritable capital des conducteurs.

Dernier argument, et non des moindres, celui de l'emploi. On estime à 2 500 le nombre de transporteurs privés à Paris contre 60 000 à Londres ! Et la capitale anglaise compte autant de taxis qu'à Paris....