Le roman policier sous toutes ses coutures.

Par Mademoizela
La police... J'ai toujours voulu embrasser cette carrière. Quand j'étais petite, je voulais être détective, mener des enquêtes, résoudre des énigmes. J'adorais Columbo, je ne loupais jamais Julie Lescaut (série qui a très mal vieilli), Perry Mason (oui, je suis née dans les années 80... et les séries étaient... ce qu'elles étaient), il y aussi D******(au vu de la découverte macabre et sordide du passé de l'acteur, je ne m'attarde pas... Quand on pense que je n'ai jamais lu Céline parce que c'était un collabo, et dire que  j'ai regardé pendant des années la série avec un ex SS). Bref.  Je lisais beaucoup d'Agatha Christie. J'ai découvert Mary Higgins Clark. J'ai lu de nombreux romans policiers jusqu'au lycée...Et puis...  J'ai arrêté car le roman policier était très mal considéré. Je voulais être une LITTERAIRE absolue. J'avais une prof de français au lycée qui m'a complexée vis-à-vis de ce genre de lectures en nous disant: "il faut citer des œuvres littéraires... bla bla  bla. Le roman policier ne compte pas. Ne citez jamais Agatha Christie." Et elle a fini sa tirade avec un rire sarcastique et méprisant. Il a fallu attendre ma première année de master pour comprendre que le roman policier a sa place en littérature. Et, non!!! Le lecteur de romans policier n'est pas un attardé ni un inculte. C'est un lecteur au même titre qu'un lecteur Zolien par exemple. Cette enseignante a vraiment réhabilité le roman policier et m'a donné envie de reprendre la voie du polar.L'intitulé "ROMAN POLICIER" recouvre une infinité de domaines et c'est pour cela que l'on trouve toujours une catégorie policière qui nous attire plus. Le roman policier est fédérateur.

I. Les catégories du roman policier.

A. Le roman à énigmes

L' intrigue débute par un meurtre et l'enquêteur retrouve ce qui s’est passé avant le crime. Le détective élimine les suspects pour parvenir à la résolution de l’énigme. Ils 'agit d'une forme de jeu pour le lecteur qui aiguise sa réflexion, élabore des déductions. Il peut alors s'identifier et se mesurer à l'enquêteur. En aucun cas, le lecteur ne reste passif. Pour accroitre la réflexion du lecteur, le détective fait part de tous les indices qu'il a recueillis mais ne partage pas ses raisonnements. A la fin seulement, il démasque le coupable et explique les moyens pour dénouer l'affaire. Le roman à énigmes présente la plupart du temps une situation narrative double: on a d'une part l'histoire du crime racontant ce qui s'est passé avant et d'autre part, l'histoire de l'enquête expliquant comment le narrateur en a pris connaissance. De la même  façon, on retrouve deux séries temporelles: les jours de l'enquête à partir du crime et les jours du drame qui mènent au crime. Le roman à énigmes a pour but de découvrir qui a commis le crime et comment.

B. Roman noir (polar)

Inspiré du roman américain des années 1930, le roman noir est un roman d'atmosphère qui s'avère le miroir d'une société corrompue. Les détectives sont souvent des "durs à cuire", qui ne travaillent que pour l'argent. Le meurtre a toujours lieu dans un cadre insalubre, noir, dans les bas-fonds. Si les récits respectent les règles du genre policier, ils mettent surtout l'accent sur l'action. L'action est mise en avant au détriment de l'énigme. On a souvent des détails scabreux, il est toujours question de violence, de sexe... Le lecteur réfléchit mais surtout prend partie.Le roman noir vise à mettre fin au crime et trouver les coupables.
Un petit exemple: Dashiel Hammett: Le Faucon Maltais.

C. Le roman à suspense : le thriller

Comme le roman à énigmes, il donne une part importante au mystère et, comme dans le roman noir, l'histoire en arrière plan a une place importante. Le thriller éveille la curiosité du lecteur par la mise en œuvre du suspense. Les personnages principaux risquent leur vie. Et, le lecteur demeure un témoin privilégié mais impuissant. On peut avoir des détectives véritables mais aussi un héros lambda devant se justifier, ou trouver la vérité, qui se retrouve dans la peau d' un enquêteur.Le roman à suspense s'ambitionne d'éviter les crimes.
Aux frontières de ces catégories, émergent d'autres types de romans policiers comme le néo polar et le roman policier d'Amérique du sud... Et, c'est cette dernière catégorie qui m'attire véritablement.

II. Le roman policier d'Amérique du sud

Il y a un véritable engouement pour le roman policier en Amérique Latine avec énormément de publications ainsi qu'une grande circulation des ouvrages. Les œuvres policières se multiplient en Espagne et en Amérique latine. Des prix littéraires consacrent ces œuvres, notamment le prix Gijón créé par Paco Ignacio. Au début XXème, c’est le roman à énigmes qui est le plus en prise en Amérique Latine, avant que se développe le roman noir et émerge la nouvelle policière.L’Argentine et le Mexique constituent les grands pôles éditoriaux et apparaissent alors comme une sorte de passage oblige pour la publication large d’une œuvre. Les auteurs latino-américains sont obligés de s’adapter, d’adapter le genre au contexte politico-historique de leurs pays. Ceux-ci préfèrent une figure plus transgressive du détective  qui peut prendre les contours d'un criminel, d'un voleur. Il ne s'agit plus véritablement du détective sérieux des romans à énigmes mais un détective peu crédible, malsain, sarcastique ayant recours à l'humour noir , à l'ironie,

A. Borges, Casarès et Edwardo.

Borges et Casarès vont publiersous un pseudonyme, un recueil dans lequel un prisonnier va résoudre l’enquête depuis sa cellule. Titre: Don Isidro Parodi (1941) En Argentine, le roman policier commence par les œuvres communes de Borges et Casarès.
Edwardo est un écrivain chilien qui développe l'écriture policière dans son pays. Son personnage fétiche qu'il invente est Calvo, un avatar de S. Holmes.

B. Giardinelli et Eterovic

Les années 1960-1970 constituent un tournant dans l’évolution du genre puisque le contexte politique, historique et social est en pleine crise. Et, le roman policier devient le lieu privilégié d'exprimer les conflits, les failles du système, "une occasion de parler des interdits" selon Manuel Vasquez. Les tabous sont ceux des dictatures (avec la grande vague de disparitions, l'usage répété de la torture, des violences...). Le roman policier permet de prendre le relai d'une liberté d'expression ordinairement bafouée. Mempo Giardinelli, auteur argentin exilé au Mexique, avec son roman Les Morts sont seuls, met en scène des exilés argentins au Mexique à cause de la dictature. Le personnage de José, l'exilé, va mener une enquête sur lui-même, sur son passé. Et son histoire se trouvera toujours ancrée dans l'Histoire. Ce détective est atypique, c'est un paumé qui doit trouver des réponses sur sa vie, sur celle des personnes qu'il rencontre et notamment les femmes. Se profile ainsi une réflexion sur la génération sacrifiée: des sacrificateurs et de leurs victimes.  Eterovic, dans La Mort se lève tôt, dépeint un détective aussi perdu que le personnage de Giardinelli qui sombre dans les enfers de son existence et s'adonne aux vices (alcool, sexualité débridée, prostituées...) On a une forme de confession du personnage qui s'adresse à un écrivain qui consignera ses réflexions et ses enquêtes. La caractéristique de ce personnage est qu'il parle à son chat (qui parle aussi), ou entretient des dialogues avec son reflet. Tous ces faux-dialogues ou véritables monologues traduisent le bien fondé de la verbalisation. Il émet des hypothèses, analyse les situations et peut ainsi déduire et comprendre le monde et se comprendre.

Une liste non exhaustive des quelques romans latino-américians que je pense "challenger". Si quelqu'un est tenté également... Mario Vargas Llosa : Qui a tué Palomino Molero (1986) L. Sepulvéda : le vieux qui lisait des romans d’amour Poli Delano Mort d’une nymphomane.Roncagliolo, Avril Rouge.