"Nina mesurait ce qui sépare une occupation d'un accomplissement. Elle n'allait pas toute sa vie parfaire son intérieur ! La peinture du couloir était écaillée. Le grenier était un dépotoir. Elle ne s'en moquait pas, mais elle n'avait pas la force de s'atteler à ces travaux. Un jour oui elle s'y mettrait. Un jour. Comme elle l'avait fait depuis son mariage, elle attendait. Elle attendait le conte de fées que devait être sa vie, et cette passive expectative la séparait d'elle-même, du présent (qui n'était rien à côté de l'avenir), du monde qui se fabriquait sans elle, des autres qui ne devinaient pas sa mélancolie. Nina Korol n'était pas là : elle était seule à l'arrêt de bus d'une ligne qui n'existait pas. Elle regardait par la fenêtre le jardin détrempé. La vieille balançoire accrochée au portique rouillé pendouillait entre les gouttes. Il restait surtout à attendre les petits-enfants qui la remettraitent en activité. Nina Korol avait trente-six ans et son rôle de mère était fini. Alors elle se mit à boire sérieusement."
Extrait de Cherchez la femme d'Alice Ferney... et - même si l'extrait n'est pas gai gai je vous l'accorde - je trouve que ce livre est du grand art !! Pourtant sorti en mars !! Je suis plongée dedans, complètement engloutie... une lectrice bienheureuse d'avoir trouvé un trésor.