Ilo ilo relate la relation entre une famille singapourienne et leur domestique Teresa, fraichement arrivée des Philippines et qui, comme beaucoup de ses compatriotes, aspire à une vie meilleure. L’arrivée de Teresa complique encore un peu plus les rapports déjà tendus entre les parents et leur fils.
Pourtant, entre Teresa et le jeune et indomptable Jiale dont elle s’occupe, naît une véritable amitié. Leur complicité s’affirme de jour en jour et la jeune femme devient progressivement un membre officieux de la famille.
La crise financière asiatique de 1997 commence à sévir dans toute la région…
Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs 2013, Ilo Ilo est reparti avec la Caméra d’Or, décernée par Agnès Varda lors du dernier Festival de Cannes. Après Les Bêtes du Sud Sauvage, c’est encore un film autour d’un enfant qui repart avec le prix récompensant le meilleur premier film de Cannes. Pourtant les deux films sont bien différents. Après avoir reçu le prix pour le meilleur court-métrage en 2007 pour Ah Ma, Anthony Chen se fait donc un nom à Cannes en remportant un deuxième prix. A moins de 30 ans, le réalisateur est donc un nouvel ambassadeur du cinéma asiatique qui, entre Cannes, Berlin et Venise, est de plus en plus présent dans les palmarès.
Le réalisateur l’avoue, ce film est en grande partie autobiographique. Ce film est dédié aux souvenirs qu’il a de sa nourrice Teresa. Si Anthony Chen semble nostalgique, le film est d’une infinie tendresse. Et grâce à ses acteurs très attachants, et à leur justesse de jeu, Ilo Ilo est un premier film délicat souvent drôle. Il place son intrigue dans le Singapour des années 90 qui traverse une crise et une vague de licenciement qui va bouleverser la vie de nombreux ménages. La famille de Jiale, notre petit héros casté parmi 8000 jeunes, n’y échappera pas. Malgré cette consonance sociale, jamais le film ne vire dans le misérabilisme. Le réalisateur utilise la nourrice comme lien entre chaque personnage. Elle est témoin des rapports tendus entre les membres de la famille, des difficultés engendrées. Elle est aussi un vecteur pour montrer les conditions de travail des immigrés. Mais le réalisateur reste dans une sobriété bienvenue et évite ainsi toutes lourdeurs.
Le récit est certes attendu (ce gamin qui finalement s’attache à sa nourrice, on a vu plus surprenant) mais recèle de jolies scènes parfois très drôles (utilisant souvent l’humour sans passer par les mots, jubilatoire donc) apportant fraîcheur et sincérité. Où est le mal si le spectateur n’est pas toujours surpris quand on ressent l’honnêteté du réalisateur ? Malgré des décors assez gris (l’appartement et la voiture sont les décors centraux de l’intrigue), il insuffle parfois une sorte de magie, de poésie à son film, sans paroles. Comme quand l’enfant, triste de devoir dire adieu à sa nourrice, lui coupe une mèche de cheveux pour se rappeler de l’odeur de ceux ci qu’il jugeait pourtant avec dégoût.
Le joli duo de la maman jalouse et de la nourrice cachant les bêtises de l’enfant est également une bien belle chose. La mère souvent drôle (manger du poulet à pleine dents en regardant des poussins offerts à son fils) sert étrangement le fil comique du film malgré tous le mal qu’elle a pour garder son fils calme. Et le personnage de Teresa, confidente malgré elle des membres de la famille, est un personnage magnifique par sa bonté et son passé (jamais dévoilé) qui semble être bouleversant. Le parti pris du réalisateur de ne pas en dire plus hormis l’essentiel permet l’attachement le plus total et encore une fois de ne pas tomber dans le misérabilisme.
Ilo Ilo est une belle page du cinéma singapourien qui, en plus, nous permet d’en apprendre plus sur le hobby d’une société. Ici, le loto.
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