Tantôt, étendue mais non détendue sur la chaise de ma dentiste, je pensais à ce que j’allais vous mettre sous la dent. Diversion passagère pour me distraire de ma bienveillante tortionnaire. Privée de l’usage de ma rhétorique, je songeais à la tribune publique que vous m’offrez d’une rive à l’autre de la vastitude océanique.
Privé. Public. Ma muse à moi se joue malicieusement de mes prédicaments.
Toujours est-il que je pensais à toutes ces fois qu’on m’accusa, à tort et à raison, les deux étant bons, d’étaler sans pudeur ma vie privée à tout preneur. Quelle idée! Quelle horreur! Vous plaisantez, votre honneur!
Rien ne sustente autant mon âme débogueuse que d’en épancher les réflexions cogiteuses. J’y éprouve un véritable bonheur. Un merveilleux émoi de vouloir mettre en mots ce qui palpite au creux de moi. Un soulagement divin de pouvoir décrire cette main qui cherche à toucher mon prochain.
Serait-ce en vain? C’est le contraire qui inéluctablement me soutient.
Me voilà donc à partager autour de moi les trésors que la marée universelle dépose chaque jour sur la plage de mon existence personnelle.
Comment garder pour moi ce coquillage d’enseignement si précieux à mes yeux? Je vous l’assure. À chaque nouvelle découverte, je dis merci pour ce qu’elle m’apprend. Et je pense au même instant à la remettre au suivant.
Moi qui suis si prude de mon corps, je perds toute pudeur côté cœur. Je n’hésite pas à révéler à une amie en difficulté mes pires travers pour la rassurer. Pour la mettre à l’aise avec sa propre réalité.
Et je souris quand on me parle de vie privée. Je souris parce que j’ai envie de poser cette question : Vie privée… privée de quoi?
Se pourrait-il que l’on garde pour soi ce dont notre vie nous semble privée? Privée d’air pour respirer. Privée de liberté pour s’exprimer. Privée de courage pour s’affirmer.
Vous savez, ce que l’on craint de révéler par-dessus tout, ce sont les peurs que l’on se fait en privé. Car une fois la crise terminée, le nœud dénoué, l’obstacle surmonté, on parle publiquement de ce qui nous avait coincés, ébranlés, secoués… avec un naturel désarmant!
C’est ce que j’appelle l’acceptation du cadeau dans le fardeau.