Prenez un sujet dans
lequel il y a du rythme et des pauses. La musique serait un bon exemple.
Regroupez quelques personnages qui vont se croiser, se perdre, se retrouver,
faire des conneries, réussir deux ou trois choses, en rater beaucoup. Jetez
tout cela sur une surface plane. Ramassez ce qui est au-dessus, oubliez le
reste. Et collez les morceaux pour en faire un roman à trous, nerveux, où les
apparents moments de relâchement débordent de tension.
Jennifer Egan, Prix
Pulitzer et National Book Critics Circle Award pour Qu’avons-nous fait denos rêves ?, n’a peut-être pas composé son roman de cette manière. Mais cela y
ressemble. Si bien qu’on n’a pas trop de peine à s’égarer dans des premiers
chapitres entre lesquels aucune liaison ne nous simplifie la tâche de suivre la
trame fine qui tient tout cela ensemble. Mais on n’éprouve pas davantage de
difficultés à rester au plus près de ce qui bat derrière les bribes de mélodie.
Et on ira jusqu’à comprendre la nécessité d’un douzième chapitre en forme de
présentation Powerpoint, aussi inattendu dans un roman qu’utile pour insister,
à partir d’exemples choisis dans la musique rock, sur l’importance des pauses
déjà évoquées plus haut.
Ceci étant dit pour reconstituer, autant que
possible, les aspects les plus déconstruits, de quoi s’agit-il ? Des rêves
et de ce qu’ils sont devenus, comme l’annonçait le titre. Ou, pour l’exprimer
comme Bosco, un musicien : « Voilà
la question à laquelle je tiens à m’attaquer bille en tête : j’étais une
rock-star et je suis devenu un gros connard dont tout le monde se fout, comment
est-ce arrivé ? » C’est arrivé par le fonctionnement même d’un
livre où seuls les temps forts sont mis en évidence, et tant pis pour les
protagonistes s’ils ne leur sont pas toujours favorables. L’essentiel est que
le lecteur, à défaut de s’y être retrouvé, ait été pris dans les filets de la
romancière.